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ANNALES DE HAVILA
N°006 Septembre 2001
CONJURER LE SPECTRE DE DURBAN
LE SIONISME POLITIQUE :
ELEMENTS D’UNE ANTHOLOGIE
Bruxelles
Editions de Havila
ISRAEL EST LA TERRE DES HEBREUX TALMUDIQUES (« JUIFS »)
« Gardiens du Livre, du Temple et de la Terre Promise »
HAVILA EST LA TERRE DES HEBREUX PRE-TALMUDIQUES (« TUTSI »)
« Gardiens du Jardin, du Pishôn et des Vaches Rousses »
(Jean BWEJERI)
« L’utopie, c’est la mémoire du futur »
(Thomas MOORE)
LE SIONISME POLITIQUE :
ELEMENTS D’UNE ANTHOLOGIE
.RACINES D’ISRAEL : UNE LOI, UNE TERRE, UN TEMPLE, UN ROI
. LE DOUBLE HERITAGE DU GALOUT ET DU GHETTO
.LES DETOURS D’UNE ECRITURE
.LES LIGNES DE FORCE D’UNE DOCTRINE
.LA MISE EN PLACE D’UNE STRATEGIE
.LA SAGA D’UNE MAGNIFIQUE « UTOPIE » EN MARCHE
Note de l’Auteur
Les textes d’Anthologie qui paraissent aujourd’hui dans ce numéro spécial des Annales de Havila sont une partie du prologue étendu va être consacré au troisième tome de la monumentale « Saga des Batutsi ». L’indication titrologique de circonstance sur le « scandale de Durban » signale l’actualité de ce document et en justifie la publication sous forme d’opuscule séparée, plus maniable et donc mieux adaptée à une large diffusion. Cette opuscule est une modeste contribution au combat permanent contre l’antisémitisme.
FIGURES HISTORIQUES DE DAVID
« Si je voulais résumer le Congrès de Bâle en une formule que je me garderai de prononcer publiquement, ce serait celle-ci : à Bâle, j’ai fondé l’Etat juif. Si je le disais à haute voix, il y aurait un éclat de rire général. Mais dans cinq ans, dans cinquante ans sûrement, tous l’admettront.
L’essence de l’Etat réside dans la volonté politique du peuple, voire dans celle d’une personnalité puissante (Louis XIV : l’Etat, c’est moi). Le territoire n’en est que l’expression concrète. Mais l’Etat proprement dit est toujours une abstraction, même là où le territoire existe.
J’ai créé à Bâle cette abstraction qui, par son caractère même, restera invisible à la plupart des hommes. Et avec quels moyens infimes ! J’ai poussé les hommes lentement, dans une effervescence nationale, et je leur ai inculqué le sentiment qu’ils formaient l’Assemblée nationale »
Ces paroles sont celles que Theodor Herzl, le père spirituel du sionisme politique, griffonne dans son journal, juste après la clôture du Premier Congrès sioniste de Bâle, qui s’était ouvert, dans la plus grande précipitation, le 29 Août 1897 et venait de se clôturer le 31 Août 1897. Cette séance houleuse de trois jours avait vu accourir fiévreusement, à Bâle, 246 délégués venus de 20 pays différents :
« Mais seuls les 69 représentants des associations sionistes auront le droit de vote. (…) Herzl aimait évoquer sont <armée de mendiants> ; en réalité, si les grands notables sont absents, le Congrès est composé, non de prolétaires, mais d’hommes d’affaires et de membres de professions libérales. La moyenne bourgeoisie domine –une bourgeoisie « intellectuelle ». Onze rabins sont présents à titre individuelle, mais la plupart des participants sont des non-pratiquants.
Herzl s’interroge : les <fils qu’il a tendus jusqu’ici vont converger>. Le Congrès ne va-t-il pas mettre en lumière la fragilité de l’entreprise, et la solitude de <l’équilibriste> qu’il a conscience d’être devenu ? Ses collaborateurs, Hechler et Nevlinsky, l’inquiètent. Il a surpris Hechler tenant une conférence improvisée, dans le hall de son hôtel…Et il craint que ses opposants, au sein du Congrès, ne courtisent Nevlinsky : <J’exigerai de lui une fidélité absolue ; je lui expliquerai sans ambages qu’il ne doit connaître que moi ; il ne devra se laisser entraîner dans aucune discussion> Le volontarisme, l’optimisme de l’homme d’action n’altèrent pas, chez Herzl, une très grande lucidité. Il recense avec humour, dans son journal, les « œufs » sur lesquels il doit danser. D’abord, l’ « œuf » de la Neue Freie Presse –<que je n’ai pas le droit de compromettre et à laquelle je ne dois pas donner un prétexte de me mettre à la porte>. Les « œufs » des <orthodoxes>, des <modernistes>, du <patriotisme autrichien>, du <gouvernement russe> -dont il ne faut rien dire de désagréable, bien qu’il faille quand même mentionner la situation déplorable des Juifs russes>- et des <confessions chrétiennes, à cause des Lieux saints>. Sans oublier quelques « œufs » supplémentaires : Edmond de Rotschild, les Amants de Sion en Russie, les colons « auxquels il ne faut pas faire perdre l’aide de Rotschild, tout en considérant leurs misères. » Et aussi les « œufs des conflits personnels, de l’envie, de la jalousie…Comment donner l’impression de s’effacer, tout en maîtrisant d’une main ferme l’ensemble des <opérations> ?»
A l’autre bout du monde, dans une ville d’Afrique du Sud appelée Durban, le monde libre a vu se déployer, en une mise en scène fantasque et grouillante, le spectre inquiétant de l’antisémitisme et de l’antisionisme, qui faisait entendre ses hurlements menaçants et exhibait ses immenses tentacules. C’était justement autour d’un 29 Août : une date qui est à elle seule tout un symbole pour le sionisme politique. Car, comme on l’a indiqué, c’est précisément en date du 29 Août 1897, à Bâle, que le grand mouvement de l’Alyah hébraïque, désigné sous le nom de « Sionisme » politique avait été inauguré, sous la responsabilité du célèbre Leader sioniste, Theodor Herzl. Une telle coïncidence de date, une telle symétrie topique, à 100 ans de distance, ne peuvent passer inaperçues aux yeux de l’Ecole hébraïque de Havila, « Yeshivah ». En effet, alors que la Direction de la Yeshivah s’apprêtait à autoriser la parution du troisième Traité sur Les Batutsi , le scandale antisémite de Durban a brutalement éclaté. La Direction a alors choisi de faire figurer, en position liminaire au Traité, une brève anthologie du Sionisme, afin que le public hébraïque des Grands-Lacs africains (Havila) et du monde, retrouve quelques repères assurés de ce que représente le mouvement sioniste dans sa genèse et dans ses trajectoires à la fois historiques, politiques et messianiques.
La conférence de Durban, appelée à durer une dizaine de jours, s’est donc ouverte autour du 29 août 2001, cette date mémorable où tous les Hébreux d’Eretz Israël et de la Diaspora, y compris les Batutsi de Havila, devaient commémorer le 104 ème anniversaire du Congrès sioniste de Bâle. Dès l’ouverture, les signaux populistes de l’antisémitisme le plus inquiétant ont été lancés, à la fois dans la salle du Congrès et dans les manifestations de rues. Les Etats-Unis et Israël ont condamné les dérapages antisémites de cette Conférence de Durban, organisée autour de la figure de plus en plus controversée de Nelson Mandela : après trois jours d’observation et de protestations énergiques, les deux puissances ont rapidement ordonné à leurs délégations respectives de se retirer, consacrant ainsi une rupture diplomatique avec le programme antisémite de Durban. Les organisations juives et hébraïques du monde, dont fait naturellement partie « Havila », restent extrêmement attentives sur les mobiles et les conséquences de cet événement qui a provoqué une crise diplomatique de la plus haute importance.
Dans les développements anthologiques qui vont suivre, sur les figures historiques de « David », Nous consacrerons une longue plage à Theodor Herzl, le Leader historique du Sionisme politique, pour trois raisons : pédagogiques d’abord, dialectiques ensuite, prophétiques, enfin.
Raisons Pédagogiques : L’évocation du parcours mystique et diplomatique de Theodor Herzl nous permettra, en premier lieu, de réconforter les milliers de résistants hébraïques Batutsi en pleine techouvah, qui, sur la terre de Havila et dans la Diaspora, lisent, diffusent, écrivent et portent quotidiennement, dans la plus grande discrétion, la foi et l’espérance ouvertes par le programme hébraïque de l’organisation « Havila ». Ces <Enfants du Ghetto> qui refusent de se laisser ravir les derniers insignes qui les rattachent à l’Alliance conclue par leurs ancêtres « Hebera », ont aujourd’hui besoin de savoir que leur combat représente, non pas le dernier, mais le nième rebondissement d’une bataille millénaire, que des générations successives de Hébreux et de Batutsi ont menée et continuent à mener, sur les terres du Sud comme sur celles du Nord, afin de sauvegarder leur identité comme peuple de Dieu « Ibimanuka », leur souveraineté salomonique, les lois léguées par leurs pères, ainsi que les prescriptions théologiques et liturgique de leur religion talmudique et pré-talmudique. Le choix de l’anthologie comme genre est, quant à lui, dicté par le fait que beaucoup de nos frères et amis qui lisent et diffusent les écrits de Havila ont difficilement accès aux ouvrages et aux documents de base qui constituent le fonds d’archives et la mémoire du sionisme. La grande majorité d’entre eux n’ont, jusqu’ici retenu du Sionisme que les contrefaçons et les caricatures qu’en donnent les détracteurs et les antisémites de tous bords. L’idéologie « paroissiale » qui a élu domicile sur les hautes terres de Havila fait constamment écran à une connaissance circonstanciée de la doctrine sioniste développée, depuis 100 ans au sein de la diaspora hébraïque d’Europe, et matérialisée aujourd’hui par l’existence de l’Etat d’Israël, le « Judenstaat ». Aussi, avons-nous décidé d’esquisser ce tableau télescopique du sionisme reconstitué à partir de quelques flashes sélectionnées à notre goût, parmi la multitude de sources disponibles. Nous allons recourir presque exclusivement à des sources intellectuelles et savantes, accessibles dans leur intégralité au chercheur moyen, dôté juste d’un peu de tonus mental et de bonne volonté.
Raisons Dialectiques : il s’agit de répondre obliquement à la « coalition des bien-pensants », qui diffusent comme ils peuvent que l’Ecole de Havila, et particulièrement son Patriarche, ne font que verser dans la fantasmagorie, dans la poésie stérile, voire dans la paranoïa (cf. JP CHRETIEN, interview sur le site in-Burundi.net). La genèse de l’idée sioniste chez Théodor Herzl va démontrer qu’un personnage traité d’abord de farfelu par l’establishment de son époque (y compris ses frères juifs), peut s’avérer être l’un des plus grands génies politiques de son temps. Herzl est, en effet, considéré aujourd’hui comme le père spirituel d’un Etat réel, stable et puissant, un Etat pourtant qui, il y a encore quelques années, passait, aux yeux de beaucoup de soi-disant sages, pour une vague chimère entretenue par quelques poètes attardés et par l’un ou l’autre romantique hystérique ou paranoïaque. Herzl a été l’artisan d’une conscience politique d’un peuple naguère réuni uniquement par « un livre unique » et par l’état de dispersion dans les nations. A partir de ces nations, chaque juif entretenait, depuis deux mille quatre cents ans, l’espoir d’une paix improbable, d’une tranquillité jamais entrevue : en lieu et place de cette paix et de cette tranquillité, leur existence à tous fut cycliquement ponctuée par des pogromes, des expulsions, des expropriations et, pour finir, par un génocide inqualifiable.
Cette genèse de l’idée sioniste, va donc nous permettre de renvoyer dos à dos les détracteurs de tous acabits et les antisémites impénitents, qui parient chaque jour sur l’inutilité et la fantasmagorie des thèses hébraïques de Havila. « L’utopie disait le grand humaniste Thomas Moore, c’est la mémoire du futur ». La renaissance de l’Etat d’Israël sur les terres de l’Ancien royaume biblique créé par le Roi David, en est la preuve vivante. Le rêve improbable et vilipendé de Theodor Herzl a été le terreau d’une idée puissante, qui a nourri l’espérance et le projet d’un « Foyer national Juif » attendu par des générations et des générations d’Exilés, depuis 2.400 ans.
Raisons prophétiques : Comme on l’a déjà signalé, le Traité des Batutsi III, paraît en plein scandale anti-sionniste, avec la Conférence de Durban en Afrique du Sud, où des lobbies anti-sémites notoires ont pris d’assaut la Conférence en question pour en faire une tribune de combat contre Israël, contre le peuple hébreux et contre la doctrine du Sionisme. A l’heure où les Batutsi de Havila font face à un anti-sémitisme anti-tutsi des plus féroces, véhiculé par les Accords d’Arusha du 28 oaût 2000, la volonté d’imposer l’équation Sionnisme=racisme constitue une résurgence d’un anti-sémitisme militant auquel l’Ecole de Havila doit opposer une résistance des plus déterminées. Cette résurgence de l’antisémitisme militant a instrumentalisé la figure d’un ancien prisonnier, devenu Président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela. Les mêmes lobbies antisémites avaient utilisé efficacement la figure de Mandela contre les Hébreux Batutsi de Havila, afin de vérouiller définitivement leurs ghettos et préparer leur extermination définitive, à travers les Accords d’Arusha.
La réaffirmation des grands trajets et des grandes figures du Sionisme politique intervient donc ici pour rappeler l’attachement des « Batutsi de la techouvah » à cette doctrine politique appelée « Sionisme », qui a permis aux Juifs d’Occident d’accomplir l’Aliyah, de reprendre pied sur la terre de leurs ancêtres, autour du Temple de Jérusalem et des tombeaux des Patriarches. Comme chez leurs descendants devenus post-talmudiques en exil à partir de 586 av JC, et qui gardent aujourd’hui la Terre Sainte d’Israël et le site du Temple de Salomon, le Sionisme est le seul instrument politique qui permettra aux Hébreux pré-talmudiques Batutsi de mieux garder la Terre Sainte de Havila, de sauvegarder leur identité en tant que peuple, la souveraineté, les insignes kushitiques, pharaoniques et hébraïques, les lois et la religion de leurs pères.
DAVID, LE ROI BERGER
(Au commencement du Royaume biblique d’Israël se trouve la majestueuse figure du Roi-Berger, David, fils de Jessé, de la tribu de Juda, vainqueur de Goliath (le Philistin) et artisan du Retour de l’Arche à Jérusalem, (NDA).
« Yahvé dit à Samuel : « Jusques à quand resteras-tu à pleurer Saül, alors que moi je l’ai rejeté pour qu’il ne règne plus sur Israël ? Emplis d’huile ta corne et va ! Je t’envoie chez Jessé le Bethléemite, car je me suis choisi un roi parmi ses fils. » Samuel répondit : « Comment pourrai-je y aller ? Saül l’apprendra et il me tuera ! » Mais Yahvé reprit : « Tu prendras avec toi une génisse et tu diras : « C’est pour sacrifier à Yahvé que je suis venu. » Tu inviteras Jessé au sacrifice et je t’indiquerai moi-même ce que tu auras à faire : tu oindras pour moi celui que je te dirai » (IS16,1-3) ;
«Jessé fit ainsi passer ses sept fils devant Samuel, mais Samuel dit à Jessé : « Yahvé n’a choisi aucun de ceux-là » Il demanda à Jessé : « En est-ce fini avec tes garçons ? », et celui-ci répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est à garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envois-le chercher, car nous ne nous mettrons pas à table avant qu’il ne soit venu ici » Jessé l’envoya chercher : il était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et Yahvé dit : « Va, donne-lui l’onction : c’est lui ! » Samuel prit la corne d’huile et l’oignit au milieu de ses frères. L’esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour-là et dans la suite. » (IS16,10-13).
« Alors toutes les tribus d’Israël vinrent auprès de David à Hébron et dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Autrefois déjà, quand Saül régnait sur nous, c’était toi qui sortais et rentrais avec Israël, et Yahvé t’a dit : c’est toi qui paîtras mon peuple Israël et c’est toi qui deviendras chef d’Israël » Tous les anciens d’Israël vinrent donc auprès du roi à Hébron, le roi David conclut un pacte avec eux à Hébron, en présence de Yahvé, et ils oignirent David comme roi sur Israël . David avait trente ans à son avènement et il régna pendant quarante ans » (IIS5,1-4).
« Le trône de Juda et d’Israël revenait enfin à David, treize ans après que le dernier des grands juges, Samuel, le lui eut symboliquement attribué. Pendant plusieurs semaines, les représentants des douze tribus défilèrent à Hébron, portant présents et discours. « Nous sommes de ton sang et ta chair, réclamèrent-ils. Le Seigneur t’a dit : « Tu es le berger de mon peuple Israël. Tu seras son prince »
« Il fallait que la capitale du nouveau royaume de Juda et d’Israël se trouvât au centre du royaume. Ebyatar, deux de ses assesseurs et un astrologue avaient dressé sur un papyrus une carte des territoires des douze tribus, avec les villes qui s’y trouvaient (..) David hocha la tête. Bet-Shemesh ? C’était une bourgade que rien ne distinguait, sinon le fait que les Philistins y avaient entreposé l’Arche pendant des années. Kyryât-Yearim ? C’était là qu’elle se trouvait maintenant .
« Toutes ces villes seraient des sites convenables, admit David, mais on n’y trouve que peu d’eau, rien que des puits. Je veux une ville où il y ait une source. Il n’y en a qu’une seule sur la ligne de partage, c’est Jérusalem. (…) Jérusalem avait sa propre source, le Gîhon. C’était grâce à cette source que la ville avait résisté à tous les sièges. Mais la gageure était grande.
« Nous prendrons Jérusalem, conclut David ».
DAVID REUBENI,PRINCE DE CHABOR
« Je m’appelle David, fils de Salomon et frère de Joseph qui règne sur trois cent mille Juifs dans le désert de Chabor.
-
Etes-vous prince ?Giacobo Mantino s’était fait ironique.
-
Tous les Juifs sont des princes, dit David Reubeni, en citant Rabbi Akiba.-
Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?-
Que nous sommes tous des princes ?
Les élus se retinrent de sourire. L’ironie de David Reubeni indisposa davantage encore Giacobo Mantino. Ses joues fraîchement rasées se couvrirent de pourpre :
-
Avez-vous la preuve de l’existence du royaume de Chabor ?- Oui.
Et après un bref instant :
-
Ma parole.-
On dit que vous êtes en possession d’une lettre de votre frère.-
C’est vrai.-
Peut-on la voir ?-
Non.-
Pourquoi ?-
Parce qu’elle ne vous est pas destinée.-
A qui est-elle adressée ?-
Au chef de la chrétienté, le pape Clément VII.-
Que dit cette lettre ?-
Je ne suis pas autorisé à vous le révéler.
Giacobo Mantino fit un geste las de ses deux bras comme pour prendre ses collègues à témoin et grommela :
-
Il n’y a rien à en tirer, il n’y a rien à en tirer !
Le rabbin Shlomo da Costa hocha sa tête couverte d’un turban :
-
Etes-vous rabbin ?-
Non, je suis un militaire.-
Avez-vous étudié ?-
Comme tout Juif.-
On dit que vous voulez libérer la terre d’Israël de l’occupation turque…-
Pas vous ?-
Et que vous voulez y créer un royaume Juif…-
Pas vous ?-
Savez-vous que le royaume juif ne sera édifié que lorsque l’Eternel –béni soit son nom- en aura ainsi décidé ?-
Qui vous dit que Celui qui Est n’en a pas ainsi décidé ?-
Quand cette décision tombera, tout Juif le saura !- Laissez-leur donc le temps d’apprendre la nouvelle…
Theodor HERZL
Le miracle de Bâle
c’est un descendant de David, surgi de son tombeau…Toute l’assistance est saisie. Un miracle s’est produit…comme si le Messie, fils de David, se tenait devant nous. A travers cette tempête de joie, un puissant désir me prit de crier : vive le roi ! (Ben AMI, délégué au Premier Congrès de Bâle, cité p.197).« Une majestueuse figure d’Orient, pas aussi grand qu’il n’apparaît quand il se lève et domine l’assemblée de son regard de feu (…) Il reste serein, modéré. Sous son style d’homme d’Etat, on devine la sécheresse du législateur, le brio du poète…(Israël ZANGWILL, cité p.197).
« Ce n’est plus l’élégant Dr Herzl de Vienne ;
Rêve d’assimilation et de tranquillité
« Les libéraux, au pouvoir en Hongrie, veulent arracher les juifs à la culture allemande dominante, faire d’eux de vrais <Magyars>. Jacob et Johanna Herzl, les parents de Theodor, sont des
juifs déjudaïsés : leur paradis est le paradis de l’assimilation et de l’égalité civique avec leurs compatriotes hongrois (p.12).
Une Réponse inattendue, à cent ans de distance : Moshé Dayan
« Un jour, s’adressant aux diplômés de l’école des officiers d’état-major et des chefs d’unité, il (Moshé Dayan) entreprit de répondre à la vieille question : <Ma yihié hasof ?> -Quelle sera la fin ? « Cette question, dit-il, a accompagné notre peuple pendant quatre mille ans, et on peut dire que le souci de <quelle sera> est une composante organique de notre peuple. Vous avez sans doute remarqué que j’ai omis le mot<fin> dans ma dernière phrase. Je dis <quelle sera ?>, je ne dis pas <quelle sera la fin ?>. Je m’exprime ainsi parce que je crois que l’accent doit être mis sur la route que nous suivons, et non sur sa destination.
Le repos et la paix ont toujours été pour notre nation un aspiration, ils ne furent jamais une réalité. Et quand, de temps en temps, nous les avons atteints, ils ne furent que des oasis, la possibilité de reprendre haleine , de retrouver force et courage pour reprendre la lutte…Je pense donc que la seule réponse que nous puissions donner à la question <Quelle sera ?> est : « Nous continuerons à lutter. » Aujourd’hui comme dans le passé, notre réponse doit être fondée sur notre foi en notre aptitude à faire face aux difficultés, notre aptitude au combat, bien que sur l’espérance d’une solution définitive à nos problèmes. Nous devons nous préparer moralement et physiquement à soutenir une longue lutte, sans établir de calendrier du repos et de la paix ».
(Mais revenons à la gestation de l’idée sioniste chez Theodor Herzl).
Etudiant en Droit
« Il y a deux sortes d’étudiants en droit, constate Herzl. Ceux qui se destinent au service de l’Etat : des bureaucrates à l’esprit étroit, pour lesquels la technique juridique tiendra lieu de culture ! Ceux qui voient dans le droit une formation supplémentaire –mais qui ont un tempérament <littéraire> et fixent leur regard sur la presse, le livre, le théâtre. Sans hésiter, Herzl se range dans la deuxième catégorie » (p.23).
Le Mal-vivre
« (La génération de Herzl) éprouve un vrai problème : leurs grands-parents sont sortis du ghetto ; leurs parents ont connu l’ère des certitudes, celle de la réussite matérielle ; eux se sont précipités vers les professions libérales –mais ils ne sont que des <prolétaires améliorés>, nous dit Herzl, <un pitoyable surplus de gens instruits ne trouvant pas d’emploi> ; <ils traînent, pour ainsi dire, sur le marché> (p.31-32).
Le Refus de l’évidence
« (Après la mort du capitaine Mayer, officier juif tué par le compagnon de l’antisémite Edouard Drumont) …dans une chronique qu’il consacre aux antisémites français, en oaût 1892, il (Herzl) se reprend et se barricade derrière son humour : <Les Français en veulent surtout aux juifs d’être originaires de Francfort –une injustice évidente, puisque certains d’entre eux viennent de Mayence ou même de Spire. Quant à leur argent, on ne le leur prend que s’ils en ont…Si un juif pousse sa fourberie jusqu’à sacrifier sa vie de manière chevalersque, il aura droit à de longs murmures d’approbation. Et il conclut : <
C’est un mouvement qui passera> » (p.48)
« En premier lieu, Herzl prêche l’autocritique : <
Les juifs devraient se débarasser de ces particularités qu’on leur reproche à juste titre> (A cetté époque, Herzl considère que le mouvement antisémite n’est pas « totalement dangereux », et pourra même faire un peu de bien aux Juifs) : « Il supprimera cet étalage ostentatoire de richesses, obligera les financiers sans scrupules à changer de conduite et contribuera de diverses manières à l’éducation des juifs » (p.50)
« Je comprends l’antisémitisme. Nous les juifs, nous sommes demeurés, même si ce n’est pas de notre faute, des corps étrangers au sein des diverses nations…Nous avons acquis dans le ghetto nombre de caractéristiques antisociales. Notre caractère a été corrompu par l’oppression et il faut une autre pression pour le rétablir. Les peuples qui manquent de compréhension historique –c’est-à-dire tous- ne nous voient pas comme un produit de l’Histoire…Nous fûmes contraints au commerce de l’argent…L’argent colle à notre peau parce qu’on nous a jetté sur l’argent » (p.51).
« Lorsque nous sommes sortis du ghetto, nous étions et nous sommes d’abord restés des juifs du ghetto. Il aurait fallu d’abord nous laisser le temps de nous habituer à la liberté. Mais la population qui nous entourait n’a pas eu cette patience. Elle ne remarque que les caractéristiques déplaisantes et visibles des juifs émancipés » (p.51).
La guerre contre soi (Duel entre Herzl et Alexandre Dumas Fils)
« En 1873 Alexandre Dumas, inspiré par le grand rêve romantique du retour des juifs en Palestine, (écrit) dans sa pièce de théâtre La Femme de Claude :
<Nous ne voulons plus être un groupe, proclame son héros, nous voulons être un peuple, une nation. La patrie idéale ne nous suffit plus ; la patrie fixe et territoriale nous est redevenue nécessaire> (p.54).Lors de la reprise de la pièce en octobre 1894, Herzl ne manque pas de condamner cette résurrection des juifs comme nation. Il oppose donc à Dumas Fils l’argumentation que lui opposeront, quelques mois plus tard , les juifs assimilationnistes, lorsqu’il se prononcera lui-même pour « l’Etat des Juifs » :
«
Le bon juif Daniel veut retrouver sa patrie perdue et réunir à nouveau ses frères dispersés. Mais un homme comme lui devrait savoir que les juifs d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec leur patrie historique. Si véritablement les juifs devaient y retourner un jour, ils s’apercevraient, dès le lendemain, qu’ils ont, depuis longtemps, cessé d’être un peuple. Ils sont depuis de longs siècles enracinés dans des patries nouvelles, différentes l’une de l’autre –et les quelques ressemblances qu’ils ont entre eux ne tiennent qu’à l’oppression qu’ils ont eu à subir » (p.55).
Une intuition lointaine
« 1894. Il s’enferme dix-sept jours, en pleine exaltation, pour projeter tous ses conflits intérieurs dans un mélodrame en quatre actes : Le Nouveau Ghetto. Une autobiographie rêvée ?…Herzl veut démontrer, comme dans son entretien avec Speidel, l’échec de l’émancipation : au lieu de libérer les juifs , elle les a enfermés dans un autre ghetto, un ghetto mental, tandis qu’elle suscitait dans le même temps la montée de l’antisémitisme…Herzl n’indique pas de solution ; il proteste contre une fatalité ; le seul chemin qu’il ouvre est celui de la solidarité avec ses frères opprimés pour les sortir du <nouveau ghetto>… (comme un rayon lointain de ce qui doit advenir, le héros, en mourant, murmure :
« Juifs, mes frères, ils ne vous laisseront pas vivre tant que vous n’aurez pas appris à mourir » (p.57). (Note : Cette pièce exemplaire, Herzl en avait commencé la rédaction le 21 octobre 1894, le jour même de l’arrestation du capitaine Dreyfus –dont il ignore tout !)Le Délit de faciès : les juifs et les Tutsi
(Commentaires antisémites de la presse sur l’affaire Dreyfus) :
«
Le misérable n’était pas français. Nous l’avions compris par son allure, par son visage. » « Le képi enfoncé sur le front, le lorgnon sur son nez etnnique…Il n’appartient pas à notre nation. Comment la trahirait-il ? Les juifs sont de la patrie où ils trouvent leur plus grand intérêt » (p.60).
Une étincelle dans la nuit : l’affaire Dreyfus
« Le procès Dreyfus, auquel j’assistai en 1894, me rendit sioniste » (HERZL cf. p.60)
L’Ecriture libératrice
« Que faire ? Herzl, qui vient de quitter la rue de Monceau pour l’hôtel de castille, rue Cambon, est en pleine <éruption>. Il se rend, pour la première fois de sa vie d’adulte, à un ofice religieux, à la synagogue de la victoire. Il envisage de lancer une grande enquête sur la situation des communautés juives dans le monde. Alphonse Daudet lui donne un tout autre conseil :
« Ecrivez plutôt un roman, qui aura mille fois plus de force qu’un essai. Regardez ce que la Case de l’Oncle Tom a apporté à la cause des Noirs ! » (p.61-62).
L’ambiguité de l’émancipation dans l’Europe post-révolutionnaire
« A l’Assemblée Constituante, le Comte de Clermont-Tonnerre a proposé de distinguer les droits des juifs comme individus de ceux, imaginaires, qu’ils pourraient revendiquer <comme nation> :
« Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout leur accorder comme individus ; il faut qu’ils ne fassent dans l’Etat ni corps politique, ni ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens » (p.65-66).
(L’Abbé Grégoire avait appuyé l’émancipation des juifs, mais avec des présupposés plus ambiguës encore) : « La dispersion des juifs, errants, malheureux, proscrits dans tout l’univers depuis dix-huit siècles, est un événement unique dans l’Histoire. J’ai toujours pensé qu’ils étaient hommes ; vérité triviale, mais qui n’est pas encore démontrée pour ceux qui les traitent en bêtes de somme et qui n’en parlent que sur le ton du mépris et de la haine. J’ai toujours pensé qu’on pourrait recréer ce peuple, l’amener à la vertu et, partant, au bonheur ». (p. 66).
Le cas Mendelssohn
« L’onde de choc de l’émancipation a traversé l’Europe napoléonienne. La Prusse a posé le principe d’une complète égalité juridique –préparée depuis la fin du XVIIè siècle, par le philosophe Moïse Mendelssohn, qui voulait enlever au judaïsme son caractère <national>pour le limiter à son aspect religieux.
Pour Mendelssohn, le judaïsme était une religion rationnelle : il n’y avait pas de contradiction entre la foi religieuse et la raison critique. Le judaïsme avait eu besoin de l’enfermement dans le ghetto pour survivre. Hors du ghetto, les juifs se comportaient en fils du siècle des Lumières : le judaïsme devait être débarassé de l’obscurantisme médiéval, épuré de ses archaïsmes ; il pourrait alors être considéré comme la religion-sœur d’un christianisme éclairé. Le judaïsme devenait la religion d’une éthique universaliste ; dans l’Europe germanique, l’usage de l’allemand dans les synagogues se généralisait –on évoquait même l’interdiction de l’hébreu et du Talmud.
Le temps de l’abandon du groupe, de l’assimilation pure et simple à l’environnement national, était venu.
Les juifs n’étaient pas un peuple : la nation juive avait cessé d’exister deux mille ans plus tôt » (p.66-67).
Le cas Riesser
En Allemagne, l’avocat le plus incisif de l’émancipation, Gabriel Riesser –qui écrit au milieu du XIXè siècle, quelques années avant la naissance de Herzl- fait, par avance, le proçès du futur sionisme politique :
celui qui préférerait à la patrie allemande un Etat juif et une nation juive qui n’existent pas devrait être déclaré fou.« Quiconque conteste mon droit à la patrie allemnade conteste mon droit à mes pensées et à mes sentiments, à la langue que je parle, à l’air que je respire. Il me prive de mon droit même à l’existence et je dois me défendre contre lui comme je le ferais contre un meurtrier » (p.67).
Le choc de Maurice Hess
(Jusqu’en 1840, Maurice Hess, est un partisan de l’universalisme intégral. A dix-huit ans, il a subi l’influence du romantisme mystique qui se propageait parmi les jeunes idéalistes allemands : il refuse d’entrer dans l’entreprise familiale, une raffinerie de sucre créée par son père, par ailleurs président de la communauté juive de Cologne ; Il veut servir l’humanité, aider les opprimés. Communiste intégral, disciple attardé de Babeuf, il compose des traités de philosophie de l’histoire, encombrés de clichés hégéliens, où il n’entrevoit, pour l’humanité d’autre voie de salut que dans un socialisme universel, qui abolit la propriété privée et la division du travail qui déshumanise l’homme. …
En 1840, Hess subit un choc qui va mettre fin à sa jeunesse hégélienne. A Damas, on accuse un juif de crime rituel ; des émeutes anti-juives éclatent, suscitant une intervention française à travers la mission Montefiore-Crémieux. Hess réagit douloureusement…En 1862, il publie le livre fondateur du « sionisme utopique », Rome et Jérusalem (p.71-72)… Thèse centrale : <Les juifs sont une nation sans feu ni lieu. Le problème est là : sans une terre à lui, un homme se dégrade jusqu’au rang de parasite>…(p.72)
L’accueil de la communauté juive allemande fut des plus hostiles, particulièrement celui des juifs libéraux, réformistes, auxquels Hess avait reproché d’abanodonner la « vraie religion ». Le savant Steinschneider qualifia Hess de <pécheur repentant>, faisant allusion à son passé socialiste. Le publiciste Abraham Geiger ironisa sur ce <vieux romantique aux projets réactionnaires>. A Hess qui affirmait :
<Nous demeurerons toujours des étrangers parmi les nations>, la Gazette du judaïsme allemand réplique : « Avant toute chose, nous sommes des Allemands, des Français, des Anglais, des Américains, et ensuite seulement, nous sommes des juifs » (p.73). (Le grand débat sur le sionisme vient de commencer au sein de la communauté juive !).
Un précurseur de taille : Léo Pinsker
S’appuyant sur les témoignages dont il disposait, Hess avait soutenu que les juifs d’Europe de l’Est, mus par leur solidarité interne et leur situation économique désespérée, susciteraient le grand élan vers la Palestine. Les pogromes qui suivent en Russie l’assassinat d’Alexandre II, en 1881, donnent plus de force à cette prévision. En 1882, un médecin d’Odessa, Leo Pinsker, publie un manifeste au style vif : « Auto-émancipation » :
… « En vérité, quelle lamentable figure que la nôtre ! Quelle est notre patrie ? Un sol étranger. Sur quoi se fonde notre unité ? Sur la dispersion. D’où vient notre solidarité ? De l’hostilité générale . Quelle est notre arme ? L’humilité. Notre force ? La fuite. Et quelle est notre espérance ? Le souci du lendemain »… (p.73).Comment réhabiliter le peuple juif, lui rendre la dignité et le bonheur ? Lutter contre l’antisémitisme, attendre l’émancipation des pouvoirs publics européens : autant de solutions qui apparaissent inefficaces, voire mesquines, à Pinsker. Le juif doit « s’auto-émanciper »,
s’ériger en nation par l’acquisition d’un foyer propre, d’un territoire. En Palestine ou ailleurs. La possession d’un territoire indépendant doit être le seul objectif : « Ce n’est pas la Terre Sainte qui doit être le but actuel de nos efforts, mais une terre à nous. Nous y transporterons l’idée de Dieu et la Bible. Elles seules ont fait de notre vieille patrie la Terre sainte ; le reste n’y est pour rien : ni Jérusalem, ni le Jourdain.» (p.74)Des associations d’encouragement à l’émigration juive se fondent, en 1881 et 1882, dans de nombreuses villes russes. La plus active est celle des lycéens de Kharkov, dénommée Bilou (d’après le verset d’Isaïe <Bet Jaacov lechou ve nelcha>). Sur les trois cent membres du Bilou, cent partent pour Odessa, quarante atteignent Constantinople, seize arrivent finalement en Palestine. Ils fondent Gedera, une exploitation agricole au sud de Jaffa, gérée collectivement : c’est le début de la colonisation juive en Palestine, la première aliya ou <montée> vers la Terre sainte… La société des Amants de Sion est créée en 1884, lors d’un congrès tenu à Katowice, en Haute Silésie. Trente-six délégués fondateurs s’appliquent, dans un certain désordre, à la mise en œuvre de projets pratiques. Pinsker est élu président de l’exécutif (p.74).
LE SIONISME des pionniers : Nathan Birnbaum
« En avril 1890, le mot <sionisme> apparaît, pour la première fois, sous la plume de Nathan Birnbaum, journaliste qui publie le bimensuel Sebst-Emanzipation ; il sera substitué au qualificatif <palestinophile> employé jusqu’ici… »Maint sceptique tournait en ridicule les ‘palestinophiles’ et leur ‘chimère’. Espérons que sera reconnu le côté juste et pratique de l’idée sioniste. ». Le 23 janvier 1892, Birnbaum définit le concept, dans une conférence sur « les principes du sionisme » :
« Le sionisme dérive du terme Sion. Depuis des temps reculés, Sion est le nom d’une colline de Jérusalem ; c’est aussi la désignation poétique de Jérusalem. Parce que cette ville a été le foyer du Judaïsme, ce nom poétique a également été utilisé pour désigner les parties juives de la Palestine. Après la destruction par Rome de l’indépendance juive, le mot Sion a symbolisé l’aspiration nationale à la rédemption ; il a incarné l’espoir d’une régénération nationale. Le retour à ‘Sion’ est devenu l’idéal du peuple juif au long de deux mille ans d’exil et de tribulations. Cet idéal est la base du sionisme. Il a surgi d’une émotion inconsciente avant de se développer en une prise de conscience réfléchie ; il doit transformer souffrance et nostalgie en volonté active, un stérile espoir en une idée-salut » (p.75).
LE SIONISME POLITIQUE : Le Prophète HERZL face au Banquier HIRSCH
Herzl, gagné définitivement à l’idée d’un foyer national juif, écrit au milliardaire juif, le baron Moritz von Hirsch : « Le seule chose que je souhaite, c’est avoir avec vous
un entretien politique…qui aura, peut-être, des répercussions plus tard, à une époque où vous et moi ne serons plus là » Il hésite : ne va-t-il pas être pris pour un quémandeur ? « Il ne s’agit pas d’argent déguisé », précise-t-il (p.78)…(Hirsch répond qu’il est à Londres et ne peut le recevoir tout de suite, mais demande à Herzl de lui exposer son projet par écrit. Dépité, Herzl rédige cependant un mémorandum. Pourtant, de passage à Paris, le baron reçoit Herzl, le dimanche 2 juin 1895).« Mes idées vous sembleront trop simples ou trop fantaisistes. Mais c’est avec de telles idées qu’on mène les hommes…Rien ne me préparait à ma mission. J’étais écrivain et journaliste, et je ne pensais pas spécialement aux juifs. Mais la pression croissante de l’antisémitisme m’a contraint à me saisir du problème.
Je devrais commencer par l’histoire des juifs, mais je suis pris par le temps. Allons à l’essenteil : du fait de notre dispersion bimillénaire, nous nous sommes trouvés sans direction politique unifiée. C’est là notre vrai drame –plus que les persécussions. C’est l’absence de direction politique qui nous a conduits à l’enfermement dans les ghettos et à la dégénérescence collective.
Lorsque nous serons dôtés d’un « centre politique », d’une tête, nous aurons le choix entre rester où nous sommes ou émigrer –mais nous pourrons dans tous les cas éduquer les nouvelles générations. Et sur cette éducation, mes vues ne convergent pas avec les vôtres !
Notre premier désaccord porte sur le principe de charité, que je tiens pour complètement erroné. Vous fabriquez des mendiants, des schnorrers, lance-t-il en yiddish…Au lieu d’assister les juifs-colons, offrez des primes pour des <actions d’éclat> accomplies par des juifs à travers le monde : de grandes réussites artistiques, scientifiques ; le succès de l’inventeur mettant au point un nouveau remède ; l’héroïsme du médecin luttant contre les épidémies…L’avantage sera double. D’une part, l’aspect publicitaire : on saura qu’il existe des <juifs d’excellence>. D’autre part, l’esprit de compétition qui contribuera à l’élevation du niveau général…(p.78-81).
(Hirsch, fermé à toute idée de promouvoir l’intelligence et arc-bouté à l’idée de fabriquer des paysans, se rebiffe et met fin à l’entretien) : « Non, Non et Non ! Je ne tiens pas à élever le niveau général. Nous avons trop d’intellectuels. Mon intention est de mettre un frein à l’arrivisme des juifs, à leurs ambitions, qui suscitent la haine autour d’eux ! (formulation qui prouve à quel point la< haine de soi> pénètre les juifs assimilés) » (p.82)
Herzl explose : J’irai trouver l’empereur d’Allemagne ; lui me comprendra, car son éducation le met à même d’apprécier les grands desseins…Je lui dirai : laissez-nous partir ! Je lui indiquerai les moyens que j’utiliserai pour l’exode, afin qu’aucune perturbation économique ne se produise après notre départ…
Hirsch cligne des yeux, incrédule :
- Où prendrez-vous l’argent ? Rotschild souscrira pour cinq cent francs.
- L’argent ? Je lancerai un emprunt national juif de dix milliards de marks.
-
Pur fantasme ! Les juifs riches ne donnent pas un sou. Les riches sont mauvais, ils ne s’intéressent pas aux souffrances des pauvres. (p.83) (…) Nous ne sommes pas encore assez désespérés. L’arrivée d’un sauveur ferait rire…- Il y a, répond Herzl, un mur : c’est la déchéance des juifs. Au-delà, je le sais, il y a la liberté et la grandeur. (Mais ce mur, il ne peut le percer seul. Il implore le concours du baron
: « Je le répète, le seul moyen de nous en sortir est de rassembler toute la banque juive moyenne » (p.84)
En désespoir de cause, il se tourne vers ses propres moyens de matamore intellectuel :
« Ma plume est une puissance, vous vous en rendrez compte…Vous êtes le Juif de l’argent, je suis le Juif de l’esprit » (p.83)-
L’Etat juif projeté par Herzl
« Retranché rue Cambon, dans sa chambre de l’hôtel de Castille, Herzl s’abandonne, en ce mois de juin 1895, à son rêve messianique. Son exaltation est intense : il griffonne des notes à table, dans la rue ; il se relève la nuit pour préciser un <éclat d’idée>. « Je me suis interdit toute critique pour ne pas inhiber l’inspiration ». Le visionnaire surgit à tout moment derrière le journaliste. Soirée Wagner à l’Opéra : « Nous aussi, nous aurons, des halls resplendissants, des hommes en habits, des femmes à la dernière mode » Mais déjà, il imagine d’autres détails du futur Etat : « Garder l’armée bien en main. Tous les fonctionnaires doivent porter un uniforme, être élégants, martiaux mais pas ridicules »
Aux Tuilleries, devant la statue de Gambetta : « J’espère que la mienne sera de meilleur goût, lorsque les juifs me l’érigeront » …
« Les grands prêtres porteront des vêtements impressionnants. Notre cavalerie, des pantalons jaunes, des tuniques blanches. Les officiers, des cuirasses en argent…Entraînement avec des chants patriotiques, des pièces de théâtre sur des thèmes héroïques. » Le lendemain, Herzl se sent « dur comme un roc »…et continue d’inscrire ses fantasmes sur le papier : « il faudra aussi une police administrative secrète, pour dénoncer les abus…On utilisera les vieilles filles pour les écoles maternelles et les orphélinats. Je rassemblerai ces ‘laissées-pour-compte’ en un corps de gouvernantes pour les pauvres, avec logements fournis par l’Etat, honneurs et droits à la retraite »Les jeux seront régis, de très près, par le futur Etat : « Seuls les enfants et les gens âgés auront le droit de jouer. Les jeux des enfants doivent servir d’entraînement physique : courses et jeux de ballon, cricket pour les garçons, tennis pour les filles. Les vieilles gens pourront jouer aux cartes, mais pas pour de l’argent, car cela pourrait tenter les spéctateurs et ne convient pas aux patriarches »
L’agitation est frénétique, l’imagination débordante. Le gouvernement du futur Etat ? Il sera « aristocratique »…
La langue ?…
Herzl devra négocier avec les principales puissances pour organiser l’exode : le tsar d’abord, auquel le présentera…<notre garant, le prince de Galles> ; puis le Kaïser ; suivront l’Autriche, la France (<à propos des juifs algériens>) Une remarque-éclair, qui aurait pu figurer –involontairement- dans une anthologie …de l’humour juif new-yorkais :
« Si je veux être traîté avec respect par les cours impériales, je dois obtenir les plus hautes décorations. En commençant par les anglaises » (p.85-87).
Emancipation dans l’égalité : la naïveté suprême
« Proclamer, dans les journaux officiels, que tous les hommes sont égaux ? A cela ne croient que les politiciens de brasserie…et les bavards des chaires universitaires, auxquels il manque le meilleur, à savoir la bière ! » (p.89)
L’institution médiatique juive : le cas Benedikt
« Benedikt, un juif assimilé, qui a pris une grande distance vis-à-vis de ses origines et se comporte d’abord en <libéral allemand>, est partagé entre l’ahurissement et l’indignation :
- Vous n’y pensez pas ! On accuse mon journal d’être un <organe juif> et je l’ai toujours nié ! Entrer dans vos vues serait suicidaire !
Herzl insiste :
- Vous pourriez permettre l’ouverture d’un débat dans votre édition du dimanche et décliner toute responsabilité de la part du journal.
Benedikt écarte la suggestion :
- Une telle attitude confinerait à la couardise. Elle n’est pas dans mes habitudes.
Herzl se tourne vers Bacher :
-
De toute façon, vous ne pourrez pas ne pas parler de <l’Etat juif> quand j’aurai publié mon manifeste… (p.96).
Les juifs du barreau : Narcisse Leven
« Herzl brosse la perspective d’un Etat juif ? Leven réplique qu’il est citoyen français. Herzl vance un argument biaisé, qui fleure la mauvaise foi :
- Comment ? N’appartenons-nous pas, vous et moi, à la même nation ? Pourquoi donc avez-vous frémi lorsque Lueger a été élu à Vienne ? Et pourquoi ai-je souffert lorsque le capitaine Dreyfus a été accusé de trahison ? …
Il clôt, sèchement, ce premier échange :
-
Vous et vos pareils, vous ne marcherez jamais avec moi.-
Moi, je marche avec vous… » (p.100)
Le rabbinat : Zadoc Kahn
« La nouvelle recrue est un jeune rabin, gendre de Zadoc Kahn. Mis en confiance, Herzl développe un autre argument, infiniment plus subtil :
- En créant l’Etat juif, je vous fournis la possibilité d’être pleinement français (p.100).
« Herzl a cru discerner un changement chez le grand rabin de France : il lui semble favorable à son projet. Mais, le jour suivant, l’attitude de Zadoc Kahn est, de nouveau, réservée : il a consulté plusieurs juifs français –qui ont tous conclu au rejet du dessein sioniste.
Herzl n’est pas surpris :
-
Tout cela est dans mes prévisions. Votre situation est trop bonne en France pour que vous envisagiez un changement. Les premiers seront les derniers à marcher avec moi. Au fond, pour moi, les <Français israélites> ne sont pas des juifs ; notre cause ne vous concerne pas (p.101) ».
Premier ralliement : Max Nordau
« Un ralliement de poids, pendant ces quatre journées à Paris : Max Nordau, un psychiatre essayiste célèbre avec lequel Herzl avait noué une forte relation amicale depuis plus de trois ans –il était, à la fois, son médecin et son <double> par l’ambition littéraire…(p.101).
« Nordau est la seconde personne à manifester une compréhension immédiate, la première fut Benedikt, constate Herzl. Mais Nordau a adhéré immédiatement au <grand dessein>, alors que Benedikt s’y était immédiatement opposé. <Je crois que Nordau me suivra contre vents et marrées>. Herzl imagine Nordau en minsitre de l’Education du futur Etat…ce qui n’émeut guère le futur ministre : selon lui, la réalisation du projet exigera trois siècles. Pour l’heure, il propose à Herzl de l’introduire auprès des milieux juifs britanniques.
Le 21 novembre, Herzl est à Londres. Il rend visite, sur recommandation de Nordau, au romancier Israël Zangwill… Zangwill, fils d’immigrants russes, vient de connaître le succès avec le roman Les Enfants du ghetto dans lequel il relate son enfance misérable dans les rues de Whitechapel. Son esprit satirique, son don d’observation ont fait merveille : on le qualifie de <Dickens juif>…Mais l’humeur du visiteur est maussade : il trouve la maison <un peu miteuse> ; il est surpris par le désordre de la pièce ; il est désarçonné par l’aspect physique de son hôte. Ne va-t-il pas jusqu’à s’en prendre à ses <cheveux crépus, d’un noir de jais> ?…Sur le fond, l’accord est aisé : Zangwill est un sioniste déterminé. Pourtant, un débat inattendu surgit : Zangwill veut rassembler les juifs <en tant qu’ethnie> ; Herzl.. . ne croit plus au critère ethnique <C’est un point de vue que je ne peux pas accepter. Il me suffit, pour le rejeter, de nous regarder tous deux, lui et moi> » (p.102-103).
Dans la peau de Hiram : Architecte, Maçon et Prophète
« Retour à Londres, le 26 novembre. Le rabin Singer présente Herzl au journaliste Asher Isaac Myers, qui dirige le Jewish Chronicle, l’hebdomadaire le plus influent de la communauté juive britannique. Myers tente de placer le débat sur le terrain théologique :
- Quelle est votre relation à la Bible ?
Herzl esquive :
- Je suis un libre penseur, et je crois que nous aurons pour principe : que chacun trouve le salut à sa façon.
Il revient à l’idée de constituer un <groupe d’étude>, qui est à l’origine de son voyage :
- Je voudrais que l’affaire soit prise en main par un comité, car elle doit être menée d’une façon impersonnelle.
Mais l’inflexible Myers veut maintenant Herzl en première ligne :
Les juifs orthodoxes marcheront avec vous, tout en vous tenant pour un mauvais juif. Et sachez bien que les juifs voudront aller en Palestine, non en Argentine. (p.107-108)- Non, c’est à vous de la conduire. Vous devez être le martyr de cette idée.
Le Manifeste
« A son retour de Londres, Herzl s’enferme trois semaines pour mettre au point son manuscrit : son adresse aux Rotschild, rédigée six mois plus tôt à Paris dans une agitation frénétique, est développée, transformée en un manifeste d’une centaine de feuillets, Der Judenstaat –L’Etat des Juifs, proposition pour une solution moderne de la question juive.
D’emblée, Herzl se présente armé des certitudes des bâtisseurs d’empires
étatique. Une génératio. <L’Etat des Juifs> se fera : il n’est pas une utopie, un simple rêve politique. Peut-être l’auteur est-il trop en avance sur son temps. Peut-être la présente génération juive est-elle incapable de prendre conscience de la nécessité d’une vie en Etat. Une génération future surgira, qui assumera cette mission historique. « Il ne s’agit nullement d’une aimable utopie (p.109) ».L’utopie, comme genre littéraire, Herzl ne la méprise pas : sept ans plus tard, il donnera au projet sioniste la forme d’un roman de politique-fiction, le Pays Ancien-Nouveau. S’il a le souci, dans son prologue, de prendre ses distances avec <l’utopie>, c’est dans une intention tactique. Tactique littéraire autant que politique. Car le destin est facétieux. Herzl doit commencer par se distinguer d’un presque homonyme : Theodor Herztka, son aîné de quinze ans, né à Budapest et collaborateur de la Neue Freie Presse, a comme lui présenté sa solution au problème juif. Il a publié, en 1890 son utopie, Freiland –Pays libre, tableau social de l’avenir.
Herztka préconisait la création d’un Etat (juif) en Afrique centrale» (p.109-110).
« Mais surgit, dès le prologue, l’intuition fondamentale de Herzl :
il existe une <force motrice>, qui permettra d’inscrire son projet dans les réalités, une force qui, si elle est <correctement utilisée>, sera <assez puissante pour actionner une machinerie importante et mettre en marche des hommes et des choses>. Cette force, c’est <la détresse des juifs>. Un pronostic certainement faux pour les juifs en voie d’assimilation de l’Europe occidentale, auxquels Herzl s’adresse en priorité, et qui sont les seuls qu’il connaisse véritablement. Un pronostic qui s’avérera exact pour les masses juives d’Europe orientale, prêtes, de la Pologne à la Russie, à donner substance au mouvement. Pour Herzl, l’exode vers <l’Etat des Juifs> est nécessaire car l’antisémitisme est universel et inéluctable. L’enchaînement des arguments se veut logique, la démonstration quasi mathématique. « Les peuples chez lesquels habitent les juifs sont, sans exception, ouvertement ou honteusement, antisémites ». La réalité incontournable, selon l’auteur, est la persécussion des juifs, les attaques publiques qu’ils subissent dans les parlements ou dans la rue, les menaces qui pèsent sur la situation des mieux enracinés d’entre eux.L’antisémitisme brise, de plein fouet, le mouvement vers l’assimilation :
<Partout, nous avons tenté de nous fondre dans les communautés nationales qui nous entourent et de ne conserver que la foi de nos pères. On ne nous le permet pas. C’est en vain que nous sommes de bons patriotes, voire dans certains pays des patriotes exacerbés. C’est en vain que nous consentons les mêmes sacrifices en argent et en sang que nos concitoyens, c’est en vain que nous nous efforçons de rehausser la gloire de nos patries par les arts et les sciences, ou encore d’augmenter leurs richesses par le commerce et les échanges>.La fragilité de la situation des juifs est telle qu’ils peuvent, paradoxalement, être qualifiés d’étrangers par de nouveaux venus : « Dans les pays où nous vivons depuis des siècles, nous sommes considérés comme des étrangers, souvent même par ceux dont les ancêtres n’y étaient pas établis alors que nos pères s’y lamentaient depuis longtemps » (p.110-111).
« La menace que fait peser l’antisémitisme moderne, <politique>, est telle qu’elle rend dérisoires les solutions partielles, les entreprises <philanthropiques>. Mais s’agit-il bien de philanthropie ? Herzl, impitoyable, retourne la signification des tentatives de colonisation agricole et nie les intentions de leurs inspirateurs : c’est la <douleur secrète des assimilés> que doivent soigner les œuvres de bienfaisance ; leur intention est d’obtenir l’émigration <ailleurs> des juifs tentés d’immigrer dans leur propre pays.
<Certaines de ces associations d’entr’aide n’existent pas pour les Juifs persécutés, mais contre eux. Les plus pauvres doivent s’en aller au plus vite et au plus loin. En examinant les faits avec attention, on réalise que plus d’un de ces soi-disant amis des Juifs n’est, en réalité, qu’un antisémitisme d’origine juive, qui aurait pris l’apparence d’un philanthrope> (p.112-113).
Une réponse politique s’impose : la création d’un nouvel Etat. Herzl introduit son postulat central : la question juive est devenue une question nationale ; les Juifs sont un peuple –il écrit Juif avec une majuscule. « Un peuple-un » : la formule est comme un écho mystique du Dieu-unique de l’Ancien Testament. Réflexe de dignité : l’objectif est le rétablissement de l’ordre naturel des choses ; l’hostilité des différentes nations aux Juifs prendra fin ; les Juifs rentreront dans l’Histoire, et cesseront de la subir –c’est le mode de pensée sioniste à son niveau le plus fondamental (Claude Klein) que vient d’introduire Herzl (p.113).
«
Il est clair que le mouvement politique étatiste que je propose nuira aussi peu aux israélites français qu’aux assimilés des autres pays…ma réponse est simple : tout cela ne les concerne pas. » (p.116).
« Dans l’absolu, Herzl serait plutôt partisan d’institutions monarchiques, mais, note-t-il, « notre histoire a été interrompue trop longtemps (...) Il maintient donc sa préférence pour une <république aristocratique> » (p.123).
Une notion-clé : la Reconnaissance de belligérance
« La démarche du Manifeste devient très originale lorsqu’il parie sur la « reconnaissance de la Société comme Etat en formation ». Le juriste Herzl a propablement été informé , à la faculté de droit de Vienne, des débats qui apparaissent au XIXè siècle sur la reconnaissance des insurgés <comme belligérants> » (p.118).»
La <reconnaissance de belligérance> reconnaît l’existence d’<entités insurgées>, titulaires de droits et d’obligations. Note (1) : « Dans son brillant commentaire de L’Etat des Juifs, Claude Klein fait de Herzl le préinventeur de la « reconnaissance comme nation », notion utilisée par les Alliés au début de 1918, afin de reconnaître les <comités nationaux> polonais et tchèque » (p.118)
« La reconnaissance de belligérance semble impliquer la reconnaissance du territoire contrôlé (ou revendiqué) par les insurgés (p.119) ».
Mais ces nuances importent peu à Herzl : il sort la <reconnaissance> du contexte de la guerre civile pour lui donner un caractère permanent. (…) car,
« L’Etat prend naissance dans la lutte d’un peuple pour son existence ».Ce faisant, Herzl joue les précurseurs : il annonce les <reconnaissances d’Etat par anticipation> qui vont rythmer les conflits de la décolonisation de la deuxième moitié du Xxè siècle : de l’Algérie à l’Angola et à la Guinée –Bissau, la reconnaissance par anticipation sera accordée au <gouvernement d’un Etat encore inexistant, en fait le <Comité directeur> des insurgés, un organisme privé soutenu par certaines puissances extérieures au conflit. Le sionisme aura ouvert la voie : l’organisation sioniste tentera de se comporter en <quasi-Etat> ; la Déclaration Balfour (1917) sera une reconnaissance par anticipation de la future entité juive, et la Grande-Bretagne, devenue puissance mandataire, permettra la mise en place d’institutions préétatiques (p.119).
Refus et quolibets des éditeurs juifs
Herzl cherche un éditeur. Siegfried Cronbach qui, à Berlin, publie l’hebdomadaire juif Die Jüdische Presse, se récuse : Je ne suis pas d’accord avec vous ; l’antisémitisme ne se renforce pas. Au cours des cent dernières années, nous autres juifs avons vu notre situation s’améliorer régulièrement ».
Duncker et Humbolt, éditeurs juridiques et politiques d’une grande notoriété, qui avaient publié les Chroniques de Herzl sur la vie politique française –Das Palais-Bourbon- ne croient pas au succès commercial de l’ouvrage.
Entre-temps, le libraire viennois Max Breitenstein se pique au jeu : il accepte de jouer les éditeurs occasionnels et de tirer l’ouvrage à trois mille exemplaires.
Le contrat est signé le 19 janvier 1896. Deux jours plus tôt, un résumé de l’ouvrage a été publié sur deux pleines pages par le Jewish Chronicle de Londres –Une promesse de Asher Isaac Myers (p.128).
Réactions agressives :
Le secrétaire de la Communauté juive aborda Herzl : il avait reçu une lettre de Londres lui demandant si l’auteur de L’Etat des Juifs et le feuilletoniste de la Neue Freie Presse étaient la même personne ; il avait répondu qu’il ne le pensait pas –le Dr Herzl était <si rationnel> (p.127-128).
Bacher et Benediket : Le 1er février, Herzl distribue les premières épreuves de l’ouvrage. Il déclanche la fureur des directeurs de la Neue Freie Presse, Bacher et Benedikt, qui lui demandent de désavouer ce mauvais coup : ne rejoint-il pas les thèses antisémites en faisant des juifs un élément inassimilable ? Benedikt offre même de payer la destruction de tous les exemplaires du manifeste p.128).
La bourgeoisie juive de Vienne est ahurie et dépitée –Stefan Zweig en a laissé le témoignage : « Quelle mouche, disait-il avec hargne dans ces milieux, a donc piqué cet écrivain d’habitude si spirituel et si intelligent, si cultivé ? Quelles sottises commet-il et se met-il à écrire ? Pourquoi irions-nous en Palestine ? Notre langue, c’est l’allemand et non pas l’hébreu, notre patrie, la belle Autriche. Notre situation, sous le bon empereur François-Joseph, n’est-elle pas excellente ? N’avons-nous pas des conditions de vie convenables et une position sociale assurée ? Ne jouissons-nous pas des mêmes droits civiques que les autres sujets de la monarchie, ne sommes-nous pas des citoyens fidèles et solidement établis dans cette Vienne bien-aimée ? Et ne vivons-nous pas une époque de progrès, qui éliminera en quelques décennies tous les préjugés confessionnels ? Pourquoi lui, qui parle en juif et veut servir le judaïsme, fournit-il des armes à nos pires ennemis et cherche-t-il à nous séparer, alors que chaque jour nous rattache plus étroitement et plus intimement au monde allemand ? (p.128-129).
Le manifeste suscite incrédulité et irritation, méfiance.
Incrédulité et railleries : Comment prendre au sérieux ce feuilletoniste, cet homme de théâtre ? Pourquoi joue-t-il soudainement à l’idéologue ? N’est-ce pas une laborieuse plaisanterie ? Les railleries explosent dans les cafés littéraires : Herzl devient « le roi de Sion », le « nouveau Christ », « le Messie de la rue Pelican ».
Irritation : L’establishment dénonce le retour à ce messianisme qui a marqué les communautés juives du Moyen Age ; Arthur Schnitzler récuse tout nationalisme juif ou autre ; les cercles gouvernementaux austro-hongrois s’en prennent à l’ingratitude de Herzl –Où en serait-il sans l’égalité des droits accordée aux juifs ? Le Grand rabbin Güldeman condamne le « nationalisme juif » : les juifs ne sont pas une nation ; le sionisme est incompatible avec le judaïsme » (p. 129).
Méfiance : les meilleurs sionistes traditionnels s’interrogent sur ce nouveau venu qui veut s’arroger la direction du mouvement ; pourquoi n’a-t-il pas évoqué, dans son manifeste, l’existence de colonies juives en Palestine, l’activité des Amants de Sion …et leur propre travail ? En quoi l’Etat au parfum vénitien dont il préconise la création est-il spécifiquement juif ? Herzl n’est manifestement pas un passionné de l’hébreu ! De ce côté aussi, l’ironie surgit –ainsi, à Varsovie, l’hebdomadaire de langue hébraïque Hazephira, titre sur les
« Merveilleuses rumeurs sur le cration d’un Etat juif issu du cerveau d’un certain Dr Herzl » (p.130)
Une seule réponse
« Je commande une armée de jeunes, de mendiants et d’idiots » (p.130)
« Quant à moi, avec la publication de cet écrit, je considère ma tâche comme achevée » (p.131)
Les biographes avertis ajoutent : Mais était-il sincère ? ne brûlait-il pas, déjà, de dominer cette scène politique particulière qu’il venait d’imaginer ?
(L’histoire le dira, et cette histoire sera écrite par la main d’un quatrième David : David Ben Gourion, cinquante ans plus tard. La prophétie de Herzl se réalisera avec la précision d’un métronome, (NDA).
En attendant Ben Gourion et Ariel Sharon : <Kadima>
« (Très rapidement), le dandy-homme de lettres est devenu l’homme d’une seule idée ; il est désormais <possédé> (comme le roi David : <l’esprit de Yahvé fondit sur David> (IS16,13) ;
… Tout le pousse vers ce rôle de leader, de <messie>.Car les réponses à son manifeste commencent à venir : non de <son> Europe de l’Ouest, mais de ces masses d’Europe de l’Est, de ces ghettos galiciens, polonais et russes en lesquels il a deviné une <force motrice> et auxquels il rend soudain un rêve messianique. Le sionisme est un courant plus qu’un mouvement, formé de segments éclatés, divisés, occupés à leurs propres querelles internes –dont il va devenir le fédérateur naturel, lui le juif assimilé » (p.130).
DAVID BEN GOURION
« David Ben Gourion pénétra dans la salle du Fonds National Juif et dévisagea attentivement les neuf hommes qui s’y trouvaient déjà. En l’absence de trois compagnons que les circonstances empêchaient de participer à cette réunion, dix membres de l’instance suprême du mouvement sioniste –le Conseil national- allaient décider dans quelques instants par leur vote si le peuple juif devait ou non constituer un Etat souverain. Trois d’entre eux étaient de vénérables rabbins ; ils représentaient la conscience religieuse d’un peuple qui avait manifesté son attachement à cette terre en maintenant avec elle, d’âge en âge, ses liens mystiques. D’autres, comme Golda Meïr, Eliezer Kaplan et Moshé Sharett, avaient joué un rôle considérable dans l’exécutif de l’Agence Juive auquel avait succédé le nouveau Conseil. Les autres représentaient les principaux courants politiques et sociaux du pays » (p.78)
« La longue et douloureuse route qu’avait suivie le peuple hébreu depuis la Chaldée en passant par l’Egypte des pharaons, Babylone et tous les ghettos de la terre, s’achevait au cœur de Tel Aviv devant un simple immeuble en pierre du boulevard Rotschild. Là, en cet après-midi de mai, les dirigeants du mouvement sioniste s’apprêtaient à accomplir le geste le plus important peut-être de leur histoire depuis qu’un obscur roi guerrier nommé David avait < au milieu des clameurs et des trompettes> rapporté l’Arche d’Alliance à Jérusalem( …)
Dehors, un détachement de policiers vérifiaient soigneusement les identités des deux cents personnes qui auraient le privilège d’être témoins de la cérémonie qui allait s’y dérouler. Le passé de ces hommes et de ces femmes était aussi différent que leurs origines. Quelques uns étaient presque morts de malaria en asséchant les marécages de Galillée. D’autres avaient survécu aux pogroms de la Russie tsariste ou aux camps d’extermination nazis. Ils venaient de Minsk, de Cracovie, de Cologne, d’Angleterre, du Canada, d’Afrique du Sud, d’Irak, d’Egypte. Ils étaient liés par une foi commune –le sionisme-, par un héritage commun –l’histoire juive- et par la commune expérience des persécussions.
Le grand portrait du journaliste viennois à barbe noire qui avait fondé leur mouvement semblait les contempler. Cinquante-trois ans à peine s’étaient écoulés depuis ce jour d’hiver où Théodor Herzl avait été témoin de l’humiliation publique d’Alfred Dreyfus. Ces années avaient été particulièrement noires pour son peuple, qui venait en outre de subir une tragédie apocalyptique, véritable défi à toute imagination. Années triomphales aussi, car l’extraordinaire vitalité du mouvement sioniste en avait fait l’un des grands phénomènes politiques de la première moitié du Xxè siècle. Et comme Herzl l’avait prédit, c’était seulement parce que le peuple juif l’avait obstinément voulu qu’il était à présent sur le point de créer un Etat.
A quatre heures précises, David Ben Gourion se leva. Toute l’assistance, debout, entonna spontanément la Hatikvah. (…) Vêtu d’un costume noir, d’une chemise blanche et, vu la solenité de l’occasion, portant une cravate, le leader juif saisit un rouleau de parchemin. La cérémonie avait été préparée avec une telle hâte que l’artiste chargé de le décorer n’avait eu le temps d’exécuter que les enluminures. Le texte que David Ben Gourion allait lire était tapé à la machine sur une feuille de papier agraffé au parchemin.
«
Le pays d’Israël, commença-t-il, est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C’est là qu’il acquit son indépendance et créa une civilisation d’importance à la fois nationale et universelle. C’est là qu’il écrivit le Livre pour en faire cadeau au monde.Il s’interrompit un instant pour souligner l’importance de ses paroles. Insensible à l’exaltation du moment, il ne se départait pas de son réalisme habituel.
« Comme le 29 novembre, j’avais, moi, le cœur serré parmi les heureux », notera-t-il quelques heures plus tard dans son journal. Alors même qu’il lisait les mots de cette proclamation, dira-t-il, « il n’y avait aucune joie dans mon cœur. Je ne pensais qu’à une chose, à la guerre qu’il nous faudrait livrer »Il reprit la lecture.
«
Exilé de la Terre sainte, le peuple juif lui demeure fidèle dans tous les pays de la dispersion, priant sans cesse pour y revenir et espérant toujours y restaurer sa liberté nationale. Aussi, les Juifs s’efforcèrent-ils à travers les siècles de retourner dans le pays de leurs ancêtres et d’y reconstituer un Etat. Au cours des dernières décennies, ils s’y rendirent en masse. Ils défrichèrent le désert, firent renaître leur langue, y bâtirent cités et villages et fondèrent une communauté vigoureuse en expansion continuelle, possédant sa propre vie économique et culturelle. Ils recherchaient la paix, mais ils étaient prêts à se défendre. Ils apportèrent les bienfaits du progrès à tous les habitants ».Après avoir rappelé que la déclaration Balfour avait accordé <une reconnaissance formelle aux liens du peuple juif avec la Palestine et à son droit d’y constituer un Foyer national> il poursuivit :
«
L’hécatombe nazie, qui anéantit des millions de Juifs en Europe, démontra à nouveau l’urgence du rétablissement de l’Etat juif, seul capable de résoudre le problème du judaïsme apatride en ouvrant ses portes à tous les Juifs et en conférant à leur peuple l’égalité au sein de la famille des nations. Les survivants de la catastrophe européenne, ainsi que des Juifs d’autres pays, revendiquèrent leur droit à une vie de dignité, de liberté et de travail et, sans se laisser effrayer par les risques ni les obstacles, cherchèrent sans relâche à pénétrer en Palestine. Au cours de la seconde guerre mondiale, le peuple juif de Palestine contribua pleinement à la lutte des nations éprises de liberté contre le fléau nazi. Les sacrifices de ses soldats et les efforts de ses travailleurs le qualifiaient pour prendre place parmi les peuples qui fondèrent les Nations Unies ».Invoquant alors la décision prise par les Nations Unies, le 29 novembre 1947, Ben Gourion s’écria enfin :
«
En vertu du droit naturel et historique du peuple juif, nous proclamons la fondation de l’Etat juif en Terre sainte. Cet Etat portera le nom d’Israël ».Enfin, laçant un appel aux Juifs du monde entier, il demanda leur assisatnce
<dans nos tâches d’immigration et d’équipement>, et d’être <à nos côtés dans la grande lutte que nous livrons afin de réaliser le rêve des générations, la rédemption d’Israël (…)« Confiants en l’Eternel Tout-Puissant, conclut-il alors, nous signons cette déclaration sur le sol de la Patrie, dans cette ville de Tel-Aviv, en cette séance de l’Assemblée provisoire tenue la veille du Sabbat, le 5 Iyar 5708, soit le 14 mai 1948.
Il était 4h37. La cérémonie n’avait duré qu’une demi-heure. David Ben Gourion frappa une nouvelle fois sur la table et déclara
: « L’Etat d’Israël est né. La séance est levée.».
ARIEL SHARON :
« The Warrior », Témoin et Guerrier de l’Alyah
(Au moment où nous publions cette évocation rapide d’Ariel Sharon, Premier Ministre d’Israël, la Bibliothèque de l’Institut de Havila n’est pas encore entré en possession de l’ouvrage auto-biographique que vient de publier Ariel Sharon lui-même, et qui s’intitule « Warrior ». Mais la Yeshiva a pu recueillir l’interview que cet homme, exceptionnel à tous égards, a accordée, le 13 avril 2001, au Ha’aretz Magazine . Nous nous limiterons, pour l’instant, à de brefs extraits de cette interview, après avoir livré quelques flashes de sa présence exemplaire dans les meilleures unités de Tsahal, dès les premières confrontations pour le contrôle de la ville Sainte, à l’époque de Ben Gourion, et particulièrement durant les heures sombres de la « Guerre de Yom Kippour »).
« Pour les combattants du Sinaï, Arik Sharon est un drôle de revenant. C’est lui qui, il y a trois mois, commandait le front sud. Il a démissionné de l’armée pour se lancer dans la politique parce que le gouvernement lui avait refusé la succession du Général Elazar au poste de chef d’état-major général. Cet homme massif de 45 ans s’est taillé une popularité de héros à la Mac Arthur par ses exploits de baroudeur et sa très grande familiarité avec ses hommes. Il est à l’origine d’une tradition sacrée de Tsahal, selon laquelle on n’abandonne jamais un bléssé ou même le corps d’un tué aux mains de l’ennemi. Au cours de la bataille de Latroun, lors de la guerre d’Indépendance, Sharon, blessé d’une balle dans l’aine, était resté sur le terrain occupé par la Légion arabe. Il fut sauvé de justesse par un de ses hommes qui revint le prendre sur ses épaules pour le mettre à l’abri. Il en avait tiré une leçon désormais érigée en principe : « Un soldat qui sait que ses camarades sont prêts à sacrifier leur vie pour le secourir n’aura jamais peur de se battre ».
…Son offensive de Milta à l’encontre des ordres reçus pendant la guerre du Sinaï de 1956, sa percée foudroyante à Abou Agueila en juin 1967, la manière dont il avait rétabli le calme à Gaza lui avaient conféré une sorte d’auréole. Hostile au principe de la ligne Bar-Lev, partisan de la colonisation des territoires conquis en 1967, il s’était de plus en plus opposé à la hiérarchie « politico-militaire » et avait quitté en juillet le commandement de la zone sud pour s’occuper de son ranch de Sharr Hanéguev- quelques nentaines d’hectares offerts par des admirateurs américains- et de la campagne électorale pour le renouvellement de la Knesset prévu en octobre. Il avait réussi à imposer de force à toutes les fractions de l’opposition de droite nationaliste et religieuse leur union au sein d’un seul mouvement, le Likoud » (DEROGY et GURGAND, p.139).
« Dayan, à l’époque, imprime sa marque à Tsahal, mute, déplace, procède tout d’abord par instinct, avant, peu à peu, de définir une doctrine. Il trouve, dans l’unité 101, sorte de bande de partisans chargée d’opérations de représailles et commandée par Arik Sharon, alors âgé de vingt-cinq ans, l’exemple de ce qu’il veut faire de l’armée d’Israël : un corps bien entraîné, capable de porter la guerre chez l’ennemi, de tuer sans remords s’il le faut et de mener sa mission jusqu’à son terme : « Sera relevé de son commandement tout officier qui aura renoncé à sa mission avant que la plupart de ses hommes, ou au moins la moitié d’entre eux, soient mis hors de combat ». Il n’y avait eu alors que Ben Gourion pour oser dire que l’intérêt de la mission passe avant la sauvegarde des individus : il fallait du courage pour rédiger une instruction comme celle-ci dans un pays de survivants. Corollaires : les officiers attaqueront à la tête de leurs troupes, avec l’ordre « suivez-moi » ; les blessés ne seront en aucun cas abandonnés sur les lieux du combat » ( Ibid., p.188).
« Dayan, à l’époque, donne deux modèles de combattants selon son cœur : Meir Har-Zion, « notre plus grand guerrier depuis Bar Kohba, qu’il cite en exemple : « Ce qui distingue Har-Zion, c’est qu’il est à la fois un combattant audacieux et obstiné (capable de prendre du plaisir au combat lui-même) et un laboureur accomplissant sa destinée grâce à un dur travail de routine ». Le second est Arik Sharon : « Il n’y en a pas deux comme toi », lui écrit-il un jour alors que l’unité 101 revient d’une sanglante opération en territoire jordanien. C’est d’ailleurs Sharon, officier parachutiste, qui épinglera, en 1964, l’aigle des paras sur la poitrine de Dayan, qui venait de décider que tout officier de Tsahal devait avoir une formation de parachutiste et s’était empressé de donner l’exemple ».
« Pour suspecte que puisse paraître cette exaltation du « plaisir au combat », l’unité 101, bientôt fondue avec le bataillon des parachutistes pour donner l’unité 202, devait conférer à Tsahal son état d’esprit particulier : armée d’offensive, mobile, surprenant l’ennemi où et quand il ne l’attend pas, soucieuse d’efficacité et peu portée à respecter les signes extérieurs de la condition militaire »(Ibid., p.189).
La ligne « Sharon »
HA’ARETZ
: Ariel Sharon, votre autobiographie s’intitule Warrior (« Guerrier »). Vous voyez-vous encore ainsi, maintenant que vous êtes Premier Ministre ?
ARIEL SHARON : C’est le rôle de ma génération. Cela est et cela reste le rôle de ma génération. Et c’est aussi le rôle des générations à venir. Si les Juifs veulent un Etat –et je crois qu’ils le veulent- c’est le rôle de chacun. Pas nécessairement de combattre effectivement, mais d’être prêt à combattre. De tout préparer pour cela (…)
- Q : Votre sentiment est-il que la guerre d’indépendance, en fait, n’est pas terminée ?
- R : La guerre d’indépendance n’est pas finie. 1948 n’en était qu’un chapitre. Demandez-moi si l’Etat d’Israël est capable aujourd’hui de se défendre lui-même et je vous répondrai oui. Demandez-moi si l’Etat d’Israël fait face à un danger de guerre et je vous dirai non. Mais vivons-nous en sécurité ? Non. C’est pourquoi il est impossible de dire que nous avons fini le travail et que nous pouvons nous reposer sur nos lauriers, nous étendre sous le vigne et le figuier. Pas un jour ne se passe où nous ne pouvons cesser d’être vigilants.
- Q : Etes-vous en train de dire que nous vivrons toujours par l’épée ?
- R : Un peuple normal ne se pose pas de telles questions. Il sait qu’il a une patrie, un honneur national et un plein droit à sa terre, qu’il est prêt à défendre. Si, durant les années de la révolution sioniste, nous n’avions réussi rien d’autre que l’épée à la main, il y aurait du souci à se faire. Mais voyez ce qui est advenu en cent vingt ans : des millions de Juifs sont venus ici de 102 pays, parlant 102 langues. Malgré les difficultés, ils sont devenus une nation et ils parlent hébreu (…) Et tout ce qui a été réalisé l’a été avec une main tenant l’épée, …
- Q : Seriez-vous prêt à évacuer des colonies dans le cadre d’un accord de non-belligérance ?
- R : Absolument pas.
- Q : Pas même les colonies isolées, comme Netzarim, dans la bande de Gaza ?
- R : Non. A aucun prix. Pourquoi devrions-nous évacuer Netzarim ?
- Q : Croyez-vous que des colonies isolées dans la bande de Gaza ont une valeur sécuritaire ?
-
R : Avant tout, elles ont une valeur sioniste.
-
Q : Et vous n’accepteriez pas davantage d’évacuer la colonie juive d’Hébron ?- R :
Le caveau des patriarches est situé à Hébron. Aucun peuple n’a un monument comme lui, où sont enterrés les patriarches et les matriarches de la nation : Abraham et Sarah, Yitzhak et Rebecca, Jacob et Lea, (…)
- Q : Et Jérusalem ? Etes-vous prêt à des concessions sur Jérusalem ?
- R : Nous n’avons pas le droit de faire des concessions sur Jérusalem. (…)
C’est un dépôt sacré qui nous a été confié et dont nous sommes les gardiens. (…)
- Q : Si un accord mettant fin au conflit avec les Palestiniens n’est pas possible et si un accord de paix avec les Syriens est dangereux, quelle solution proposez-vous ? Quel espoir ?
- R : Du point de vue stratégique, je pense que dans dix ou quinze ans le monde arabe sera moins en mesure qu’aujourd’hui de frapper Israël. Cela parce qu’Israël aura une économie florissante, tandis que le monde arabe sera peut-être sur le déclin. Certes, il n’y a là aucune certitude mais il est fort possible qu’en raison des développements technologiques et environnementaux, le prix du pétrole s’effondre et que les Etats arabes se retrouvent dans une situation de crise, tandis qu’Israël sera renforcé. Ma conclusion est que le temps ne travaille pas contre nous et qu’il importe, pour cela, d’imaginer des solutions qui s’étaleront sur une longue période.
Et maintenant, si vous me demandez quel espoir j’offre au peuple israélien, je proposerai une série de grands objectifs nationaux :
faire venir en douze ans un million de Juifs de plus, de telle sorte que vers 2020 la majorité du peuple juif vive en Israël ; développer le Neguev, qui est le dernier territoire où établir des colonies juives ; et rénover l’éducation selon les principes sionistes.
SIGNE
Seruhinda
Wa Semukara
Prince de Nkoronko
Umushikirangoma
(Celui qui accède aux Tambours Sacrés et qui en garde les codes ésotériques)