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REPUBLIQUE
DU BURUNDI
PA
- PUISSANCE D'AUTODEFENSE - AMASEKANYA
A Monieur le Président de la
République du Burundi
à Bujumbura
Objet
: Projets de loi portant
immunité provisoire
de poursuites judiciaires en faveur des
terroristes génocidaires.
Monsieur le Président,
Le Mouvement PA-Amasekanya vient d'apprendre
l'existence de deux projets de loi que vous avez transmis à l'assemblée
nationale pour adoption. La session en cours à Kigobe devrait analyser entre
autres deux projets de loi. Le premier est le projet de loi déterminant les
missions et l'organisation de la commission nationale de réhabilitation des
sinistrés. Le deuxième est le projet de loi portant "immunité
provisoire de poursuites judiciaires en faveur des leaders politiques rentrant
d'exil". En envoyant ces deux projets de loi pour adoption à une assemblée
dominée et dirigée par les terroristes génocidaires pour qu'ils
s'auto-amnistient, vous venez de commettre une grande erreur politique que le
peuple burundais épris de paix doit décrier.
Il y a un bon bout de temps que le Mouvement PA-Amasekanya s'est juré
de ne plus jamais vous adresser quelque doléance que ce soit. Et pour cause !
Aux yeux de notre Mouvement, vous avez littéralement entamé tout votre
capital de légitimité le jour où, pactisant et entrant en partenariat avec
les forces du mal - nous avons nommé le Frodebu génocidaire et ses alliés -
, vous avez, du coup, banalisé,
occulté et nié le génocide des Tutsi commis par le Frodebu depuis octobre
1993.
Quand vous avez initié votre projet d'amnistier les terroristes génocidaires
du Frodebu et ses alliés, que des cris étouffés, que des pleurs catalysés,
que des plaies remuées, que des missives restées lettres mortes ou jetées
à la poubelle comme des chiffons de papiers !! Les veuves, les orphelins,
tout ce monde de rescapés du génocide ont eu l'occasion de vous adresser
leurs doléances pour essayer d'atteindre votre sensibilité. Pour toute réponse,
ils n'ont eu que les matraques, la prison, les amendes, la mise en
quarantaine, l'exclusion et la calomnie!
A pareil homme, que pouvait-on encore demander sans encourir le risque
de tomber dans le ridicule ? Seulement nous tenons à vous rappeler que nous
sommes toujours là, en forme et déterminés à refuser l'amnistie des
terroristes génocidaires. Les textes illégaux votés par des institutions
illégitimes et génocidaires ne nous concernent pas.
La présente ne vaut nullement doléance. Loin de là. Car,
estimons-nous, nous n'avons plus rien à demander à quelqu'un qui a tissé
l'amitié avec les bourreaux de nos pères, de nos mères, de nos frères, de
nos soeurs et de nos enfants. Il faut plutôt envisager cette correspondance
comme une opposition à vos actes, destinée à vous mettre devant vos
responsabilités, en prenant à témoin la communauté nationale et
internationale.
Si dans les faits, vous avez déjà achevé d'amnistier le génocide et
les génocidaires des Tutsi, aujourd'hui vous passez à l'étape ultime et décisive
d'en chercher une consécration légale.
Les deux projets de loi que vous venez de transmettre à l'assemblée
pour adoption poursuivent ce but. Mais le but le plus sournois et peut-être
le plus diabolique est de chercher comment associer l'ensemble du peuple
burundais dans cette entreprise macabre pour diluer votre responsabilité
personnelle. Car, estimez-vous, par l'approbation de ces lois par la
soit-disante assemblée nationale, vous aurez engagé tout le peuple
burundais.
A ce sujet, permettez-nous de vous faire observer que ce rassemblement
de terroristes génocidaires et d'autres individus sous votre dévotion, appelé
pudiquement assemblée nationale, ne nous représente pas et ne saurait nous
engager en aucune manière. Au niveau de PA-Amasekanya, nous refusons et
refuserons toujours d'avaler la couleuvre. Les textes qui seront adoptés par
cette assemblée ne seront que des affronts envers le peuple burundais épris
de paix et n'auront jamais le mérite d'être appelés lois. Vous connaissez
mieux que nous les fameux "leaders politiques" dont l'immunité est
tant recherchée dans les projets de loi en cause. Vous connaissez également
mieux que nous le rôle qu'ils ont joué et qu'ils continuent à jouer dans le
génocide des Tutsi. Vous savez aussi à qui profite le crime d'amnistier les
terroristes génocidaires.
Un de vos bras-droits, M. Ngenzebuhoro Frédéric qui, par vos soins,
est actuellement placé à la vice-présidence de l'assemblée de Kigobe, les
avait bien identifiés à l'époque où l'on pouvait encore parler du génocide
des Tutsi et accuser le Frodebu sans s'attirer les foudres du régime en
place.
Le document signé par Frédéric Ngenzebuhoro et intitulé "L'assemblée nationale du Burundi pour la guerre ou pour la paix
?" que vous connaissez bien en dit plus long. Parlant du génocide
politico-ethnique d'octobre 1993, Frédéric Ngenzebuhoro dit ceci : "
... tout le monde sait que ces tueurs ont exécuté un plan préétabli, sous
un encadrement des dirigeants administratifs et politiques du Frodebu, y
compris des parlementaires du même parti". A ce niveau déjà, une
question se pose. Le Président de la République ne ferait-il pas partie de
ce "tout le monde" dont l'auteur du document fait mention ?
F. Ngenzebuhoro y évoque ensuite "des
messages écrits et enregistrés adressés aux militants de ce parti (le
Frodebu). Signés par le vice-président de l'assemblée, M. Christian
Sendegeya et le président du groupe parlementaire Frodebu, M. Ndikumana
Nephtalie, ces messages marquent clairement une option : la division du peuple
burundais en deux tribus antagonistes et qui ne peuvent, ni ne doivent pas se
retrouver". Plus loin, l'auteur dit : "Enfin,
au mois de décembre 1994, le groupe parlementaire Frodebu devait consacrer
son intolérance et son fanatisme ethnique en portant à la présidence de
l'assemblée nationale, le symbole même
du génocide, en la personne de Minani Jean. Celui-ci aurait mêlé sa
voix à celles d'autres dirigeants du Frodebu qui appelaient à la destruction
de la minorité ethnique et des opposants". L'auteur termine son
propos en précisant : "M. Minani
n'a pas eu honte de recourir à cet instrument de la mort (la RTLM par
laquelle il attisait les massacres). Au Rwanda comme au Burundi, les résultats
ont été les mêmes. La seule différence est dans l'ampleur de l'horreur
!"
Ici également, nous sommes en droit de penser que depuis, le Président
de la République n'a pas oublié toutes ces accusations pour faire du Frodebu
son partenaire privilégié dans ce qu'il appelle scandaleusement
"processus de paix", pour partager avec Minani Jean la haute
direction des affaires de l'Etat, pour assurer l'impunité aux vulgaires génocidaires
du Frodebu et ses alliés et qui portent les noms de : Minani J., Ngendakumana
L., Niyonkuru Sch., Ntibantunganya S., Mbonerane A., Ntanyungu F., Ndayizeye
D. et autres, transformés à l'occasion en "leaders politiques" au
moment où les génocidaires rwandais de la même école et qui ont commis le
même crime, sont traqués de part le monde entier et jugés au Tribunal Pénal
International d'Arusha !
Nous ne vous apprenons rien en vous disant que l'impunité du crime a
gangrené la société burundaise. Mais, jusque là, aucun pouvoir, aucun régime,
aucun Président n'avait osé y souscrire officiellement. Vous venez de
franchir le Rubicon en lui apportant un "support légal", battant
ainsi en brèche toute l'armature juridique nationale et internationale. Du
jamais vu ! Mais au fait, que signifie l'impunité ou l'amnistie du crime dans
un pays comme le Burundi, où l'idéologie du génocide a pris racine ? C'est
en clair, donner du tonus aux terroristes génocidaires; c'est l'arrêt de
mort contre la communauté tutsi visée par le génocide. Tant pis si les
rescapés du génocide continuent à se reposer sur leurs lauriers.
Voilà la signification profonde de votre entreprise d'amnistier les génocidaires,
enveloppée par les projets de loi portant "immunité provisoire de
poursuites judiciaires" en faveur des terroristes génocidaires. A vous,
M. le Président, de prendre toute la mesure de votre responsabilité entièrement
personnelle, car cette manière de procéder ne peut en aucune manière
ramener la paix au Burundi. Le contournement de la justice et de la morale
universelle amène à l'anéantissement de la Nation. Quant à ces terroristes
génocidaires déguisés en politiques, qui réclament à cor et à cri cette
amnistie, qu'ils sachent que les Burundais épris de paix et de justice considéreront
cette amnistie comme une preuve de plus de leur culpabilité et incluront sur
la liste des bourreaux et de leurs complices tous ceux qui auront participé
à l'adoption de cette loi injuste.
Notre Mouvement PA-Amasekanya appelle la communauté nationale et
internationale, les personnes, les associations et les organisations non
gouvernementales qui militent pour le respect des droits de l'homme, à dénoncer
votre politique qui met en avant l'impunité du crime de génocide. Nous
n'acceptons pas que la justice soit suspendue, même pour une minute, pour qui
que ce soit.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos
sentiments hautement distingués.
Tous
contre le génocide des Tutsi, nous vaincrons.
Fait à Bujumbura, le 3 avril 2002
PA - PUISSANCE D'AUTODEFENSE - AMASEKANYA
Ir. RUTAMUCERO Diomède
Président.-
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Mission diplomatique (Toutes)
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Ligue des droits de l'homme (Toutes)