105.Afin
d'établir les faits concernant l'assassinat du Président
Ndadaye, en application de la résolution 1012, la Commission devait
nécessairement examiner les faits relatifs à la tentative
de coup d'État au cours de laquelle l'assassinat a été
perpétré.Mais le coup
d'État proprement dit, bien qu'étant un acte criminel en
soi, ne faisait pas partie de l'objet de l'enquête menée par
la Commission.
106.L'enquête
de la Commission portait certes sur les faits concernant l'acte d'exécution
proprement dit, qui a été commis par des soldats dans un
camp militaire de Bujumbura, mais sa principale finalité était
de déterminer qui avait donné l'ordre d'assassiner le Président,
si cet assassinat avait été prémédité
dans le cadre de la préparation du coup d'État et, dans l'affirmative,
qui avait participé à l'élaboration et à la
mise en uvre de ce plan.
108.Les
faits que la Commission devait établir avaient été
précédemment relatés dans les rapports de la Fédération
internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et de Aké/Huslid.La
Commission s'est procuré les enregistrements des témoignages
pertinents recueillis par ces deux organisations, et a entendu les membres
de la commission constituée par de la FIDH qui avaient enquêté
sur le coup d'État et sur l'assassinat.Ces
enregistrements, ainsi que les documents fournis par la FIDH, ont servi
de sources mais n'ont pas été considérés comme
des éléments de preuve à l'appui des conclusions de
la Commission.
III.ACCÈS
AUX ÉLÉMENTS DE PREUVE
109.La
Commission a rencontré des difficultés insurmontables dans
sa recherche des éléments de preuve pertinents.L'assassinat
du Président Ndadaye ayant eu lieu au milieu d'un coup d'État
militaire, il a fallu rechercher les éléments de preuve dans
des dossiers et archives militaires et dans les témoignages d'officiers
et d'hommes de troupe.Or, la Commission
n'a pu ni examiner ces dossiers et archives ni convoquer ces témoins
pour les entendre directement; elle a dû agir par l'entremise du
Ministère burundais de la défense.Une
demande de communication d'une transcription des archives n'a donné
aucun résultat, pas plus que la demande de communication des noms
des sous-officiers et soldats des deux unités qui se seraient rebellées,
le 1er bataillon parachutiste et le 11e bataillon blindé, et de
l'unité chargée de la protection du Président, le
2e bataillon commando.
110.S'agissant
des témoins militaires, la Commission a demandé en novembre
1995 à s'entretenir avec le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel
Firmin Sinzoyiheba, mais ce n'est que le 23 janvier, après plusieurs
demandes répétées, qu'elle a été reçue
par le Ministre.Celui?ci a promis
de nommer un officier de liaison, mais ne l'a fait qu'en février,
après un rappel écrit de la Commission.Par
l'entremise de l'officier de liaison, la Commission a demandé à
entendre 51 témoins, dont 40 seulement se sont présentés.Elle
n'a pas pu citer à comparaître les sous-officiers et hommes
de troupe des unités susmentionnées, parce que la demande
de communication de leurs noms est restée sans réponse et
que les officiers qui ont témoigné ont prétendu ne
pas connaître ces noms.La
Commission a pu obtenir la comparution des prisonniers militaires par l'entremise
du Procureur général de la République, Jean-Bosco
Butasi.Elle a demandé et
obtenu une liste des personnes emprisonnées à raison d'actes
commis durant les événements d'octobre 1993, mais elle n'avait
aucun moyen d'en vérifier l'exactitude.La
Commission a bénéficié de toute la coopération
voulue en ce qui concerne la comparution de ces prisonniers.
IV.ORGANISATION
DES TRAVAUX DE LA COMMISSION
113.Du
29 octobre au 20 décembre, tous les membres de la Commission ont
mené collectivement les investigations portant tant sur l'assassinat
que sur les massacres et autres actes de violence graves connexes qui ont
suivi.Le 9 janvier, l'enquête
sur l'assassinat a été confiée au Commissaire Herrera
et au Commissaire Maurice, ainsi que les investigations dans la province
de Gitega.Le 7 février,
elle a été confiée au Président et au Commissaire
Güney.Le 23 avril, le Commissaire
Güney a dû s'absenter du Burundi, et les investigations ont
été confiées au Commissaire Maurice.Revenu
au Burundi le 9 mai, le Commissaire Güney a repris les investigations
et le Commissaire Maurice est reparti enquêter dans la province de
Gitega.Lorsque le Commissaire Güney
a démissionné de la Commission, le 16 mai, le Commissaire
Maurice a de nouveau repris l'enquête, qu'il a menée jusqu'au
bout.
114.Au
cours de leurs investigations, les membres de la Commission ont aussi entendu
des témoins en Ouganda , en France et en Côte d'Ivoire.La
Commission a entendu au total 61 témoins militaires et 25 témoins
civils.
V.LE
DÉROULEMENT DES FAITS SELON LES TÉMOINS
A.3
juillet 1993
115.Le
3 juillet 1993, des hommes du 2e bataillon commando ont fait une tentative
de coup d'État peu de temps avant la prestation de serment du Président
Melchior Ndadaye.La tentative de
coup d'État a échoué et ordre a été
donné d'arrêter plusieurs officiers et soldats, parmi lesquels
le lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui avait été Chef
de cabinet du Président Buyoya, le major Bernard Buzokosa, le major
Jean Rumbete, le capitaine René Bucumi, le capitaine François-Xavier
Nintunze et le commandant Hilaire Ntakiyica.
C.11
octobre 1993
117.Vers
11 heures, le lieutenant Gratien Rukindikiza, chef des gardes du corps
du Président, selon son propre témoignage, a reçu
du lieutenant-colonel Jean Bikomagu, chef d'État major de l'armée,
l'ordre de partir pour Maurice l'après-midi même, afin d'y
préparer la venue du Président, attendu pour la réunion
des chefs d'État francophones qui devait se tenir du 16 au 18 octobre.Bikomagu
lui a également donné l'ordre de revenir avant le 21 octobre,
sans lui donner aucune explication.Avant
de quitter Bujumbura, Rukindikiza a dit au lieutenant-colonel Pascal Simbanduku,
Président de la Cour militaire, qu'il soupçonnait qu'un coup
d'État était en préparation, en mentionnant les noms
de certains officiers, dont celui de Lucien Rufyiri et de Somisi.
D.Lundi
18 octobre 1993
118.Le
Président Ndadaye rentre du sommet de Maurice le 18 octobre.
119.Le
même jour, le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel
Charles Ntakije, était informé par le chef d'état-major
de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Epitace Bayaganakandi, que selon
des sources fiables, un coup d'État était en préparation.Des
rumeurs de coup d'État avaient commencé à circuler
avec insistance le même jour.
E.Mardi
19 octobre 1993
120.Le
Président Ndadaye a présidé le mardi 19 octobre un
conseil des ministres, qui a duré toute la journée et a repris
le lendemain jusqu'au soir.
F.Mercredi
20 octobre 1993
121.Le
mercredi 20 octobre, le major Dieudonné Nzehimana, chef des renseignements
militaires, a informé ses supérieurs qu'une tension était
perceptible parmi certains soldats de la capitale.
122.Vers
13 heures, le commandant du 2e bataillon commando, le major Isaïe
Nibizi, dont l'unité fournissait les hommes qui composent la garde
présidentielle, a demandé si l'épouse du Président
se trouvait encore au palais et a reçu une réponse affirmative.
125.Dans
l'après-midi, plusieurs personnes, des commandants d'unités
notamment, ont signalé à Bikomagu que des rumeurs circulaient
à propos d'un coup d'État imminent.L'imminence
d'un coup d'État a été évoquée au mess
des officiers.
126.Le
conseiller politique et diplomatique du Président, Antoine Ntamobwa,
a été informé à 17 heures, par le chef d'Etat-major
de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Bayaganakandi, que le "1er Para"
et le "11e Blindé" allaient faire un coup d'État le lendemain
à 2 heures.Il a essayé
en vain de prendre contact avec le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel
Ntakije, qui était en conseil des ministres.
127.Vers
18 heures, le lieutenant Joseph Rugigana du "2e Commando" a été
informé par un officier de son unité, le capitaine Idelphonse
Mushwabure, que quelque chose se tramait et qu'il devait rester sur ses
gardes.
128.Le
major Nibizi a ordonné à ses hommes de rester vigilants et
d'avertir toutes les positions.Vers
20 heures, il a ordonné au capitaine Mushwabure d'aller prendre
le commandement de la garde présidentielle au palais.Mushwabure
a appelé un de ses subordonnés, le lieutenant Gabriel Bigabari,
qui se trouvait au palais à la tête du détachement
de la garde présidentielle, et lui a ordonné de mettre tous
les hommes en état d'alerte, de préparer toutes les armes
et de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires
en attendant son arrivée.
129.Le
conseil des ministres a pris fin à 21 heures.Le
conseiller présidentiel Ntamobwa a alors informé Ntakije
de la conversation qu'il avait eue avec Bayaganakandi.Le
ministre a été informé que le coup d'État serait
lancé à 2 heures, dans la nuit du 21 octobre, par des éléments
du "1er Para" et du "11e Blindé".
130.Le
Président Ndadaye a été informé de l'imminence
d'un coup d'État par son ministre de la communication, Jean-Marie
Ngendahayo, et il s'est fait confirmer cette information par le Ministre
de la défense, en présence de l'attaché politique
et diplomatique.Le Président
a demandé que Ningaba, qui était incarcéré
pour le coup d'État du 3 juillet, soit transféré dans
une autre prison, mais le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel
Ntakije, l'a rassuré, affirmant que la gendarmerie viendrait renforcer
la garde de la prison.
133.Aux
alentours de 21 h 30, le Ministre Ntakije qui se rendait à une réunion
s'est arrêté au mess des officiers pour voir les commandants
du "1er Para" et du "11e Blindé".Il
n'a trouvé que le commandant du "1er Para", le major Juvénal
Niyoyunguruza, qui lui assuré qu'il n'avait rien entendu d'anormal
et a minimisé le danger.Le
Ministre lui a dit de surveiller la situation de près avec le commandant
du "11e Blindé".Il a recommandé
que les deux officiers passent la nuit dans le camp, avec leurs unités
respectives.
134.Vers
22 heures, Ntakije a tenu une réunion avec Bikomagu, Bayaganakandi,
Nibizi, le major Ascension Twagiramungu, chef de la section des opérations,
le major Nzehimana et un autre officier chargé de l'information
à l'Etat-major de la gendarmerie.Il
a été décidé que des mesures seraient prises
pour juguler toute action que les troupes entreprendraient et que Twamiramungu
tiendrait Ntakije au courant.Ces
mesures consistaient notamment à dépêcher des unités
du "2e Commando" qui disposaient de plusieurs véhicules blindés
pour garder les ponts sur le fleuve Muha et empêcher ainsi tout autre
véhicule blindé de parvenir au palais présidentiel.Aucune
mesure n'a été décidée pour empêcher
éventuellement des fantassins de franchir le fleuve, ce qui pouvait
se faire aisément en tous points de celui?ci.Les
témoignages sont contradictoires en ce qui concerne la question
de savoir si Ntakije a informé le Président du résultat
de cette réunion.
135.Aux
alentours de 23 heures, le major Niyoyunguruza a téléphoné
au major Sophonie Kibati, officier de garde à l'Etat-major de l'armée,
pour lui signaler une activité inhabituelle à Camp Para,
et il lui a été répondu qu'il devait cacher les clefs
du dépôt d'armes.
136.À
23 heures, le capitaine Mushwabure est arrivé au palais présidentiel,
non sans s'être arrêté en chemin au domicile du capitaine
Térence Cishahayo, officier du "2e Commando", pour lui dire de retourner
auprès de son unité.Mushwabure
a pris la relève du lieutenant Bigabari à la tête du
détachement, qu'il a placé en état d'alerte, et a
informé le Président que l'imminence d'un coup d'État
avait été confirmée.
137.Vers
23 h 30, le lieutenant Léonidas Sindarusiba, du "2e Commando", est
arrivé à Camp Muha, où son unité était
cantonnée; il a rencontré le major Nibizi et le lieutenant
Rugigana à la cantine.Le
major Nibizi leur a demandé de se tenir prêts car un coup
d'État se préparait.
140.Vers
minuit, le major Nibizi a donné l'ordre de préparer les véhicules
blindés pour défendre les ponts sur le fleuve Muha.Avant
qu'il ne parte, des véhicules blindés du "11e Blindé",
roulant en direction du centre de la ville sont passés devant le
camp.Les véhicules blindés
du "2e Commando", sous les ordres du lieutenant Rugigana, ont quitté
le camp et se sont retrouvés entre des véhicules du "11e
Blindé" qui les précédaient et d'autres qui les suivaient.Des
coups de feu ont éclaté dans toutes les directions.
G.Jeudi
21 octobre 1993 de minuit à 2 heures
a)À
Camp Para
141.Camp
Para, où sont cantonnés et le "1er Para" et le "11e Blindé",
se trouve dans la partie sud de Bujumbura, à environ 4 kilomètres
du palais présidentiel.Camp
Muha se trouve à quelques centaines de mètres plus loin.Le
fleuve Muha, qui traverse la ville, se trouve à environ 1 kilomètre
de là et enjambé par deux ponts.
142.Selon
la plupart des témoignages, les mouvements de troupes à Camp
Para ont débuté avant 1 heure, mais les témoignages
sont très contradictoires quant à l'heure exacte.Le
commandant du "1er Para", le major Niyoyunguruza, a affirmé que
des soldats conduits par le caporal Juvénal Gahungu ont fait irruption
dans son bureau dès 23 heures, alors qu'il venait de faire rapport
sur la situation au major Kibati, officier de garde à l'Etat-major
(Kibati, de son côté, a déclaré avoir reçu
cet appel aux alentours de 2 heures).Niyoyunguruza
affirme avoir été ensuite retenu de force dans un garage.
143.Des
hommes du "1er Para", accompagnés de véhicules blindés
du "11e Blindé", ont quitté le Camp et se sont rendus directement
au palais, sans rencontrer aucune opposition.Là
encore, les témoignages sont très contradictoires quant à
l'heure précise mais la plupart situent ces événements
aux alentours de 1 h 30.
145.Camp
Muha, cantonnement du "2e Commando" est situé près du fleuve
dont il porte le nom.
146.Le
major Nibizi a ordonné aux équipages des quatre véhicules
blindés qu'il commandait de se tenir prêts à défendre
les ponts sur le fleuve Muha.Selon
la plupart des témoignages, il a donné cet ordre aux alentours
de 1 heure.Toutefois, le commandant
de l'escadron blindé, le lieutenant Rugigana, affirme que ce n'est
qu'à 1 heure que quelqu'un envoyé par Nibizi est venu chez
lui pour le réveiller et l'emmener au camp.
147.Vers
1 h 30, alors que les véhicules blindés allaient quitter
le Camp Muha sous le commandement de Rugigana, quelques véhicules
blindés du "11e Blindé" sont passés devant l'entrée
du camp et ont pris la direction du palais.Rugigana
et ses véhicules blindés ont quitté le Camp
Muha et ont eux aussi pris la direction du palais, avec certaines unités
du "11e Blindé" devant eux et d'autres derrière eux.
c)Au
palais
148.La
garde du palais, commandée par le capitaine Mushwabure, était
composée d'une quarantaine d'hommes, le nombre donné par
les témoins allant de 35 à 60.La
garde, qui disposait de deux véhicules blindés, n'avait pas
été renforcée.
149.Aux
alentours de 1 heure, le capitaine Mushwabure a reçu un appel téléphonique
du major Nibizi qui l'a informé que le coup d'État avait
commencé à Camp Para.
150.Vers
1 h 30, le Président Ndadaye a reçu un appel téléphonique
du Ministre Ntakije l'informant que le coup d'État avait commencé.Il
a revêtu des habits civils, est sorti de la maison et a été
mené dans un des véhicules blindés de la garde.Les
témoignages recèlent des contradictions énormes sur
ce point.Un témoin affirme
que Mushwabure a fait monter le Président dans le véhicule
blindé.Mushwabure, quant
à lui, affirme que le Président, n'écoutant pas ses
conseils, a tenu à monter dans le véhicule en faisant valoir
que le Ministre Ntakije lui avait conseillé de le faire.Ntakije
a déclaré avoir conseillé au Président de quitter
le palais sur le champ dans un véhicule blindé.Madame
Ndadaye affirme que Ntakije a simplement informé le Président
du début du coup d'État et a raccroché sans autre
commentaire.
153.Peu
de temps après 1 h 30, des véhicules blindés du "11e
Blindé" et deux véhicules blindés du "2e Commando",
l'un commandé par le lieutenant Rugigana et l'autre par le lieutenant
Augustin Managure, sont arrivés en même temps au palais.Les
deux autres véhicules blindés du "2e Commando" avaient fait
demi-tour en cours de route.Le capitaine
Mushwabure s'est toutefois contredit à propos de leur heure d'arrivée.
154.Le
lieutenant Rugigana est entré dans l'enceinte du palais avec son
véhicule blindé en défonçant la grille d'accès
à l'hôtel Méridien.Des
soldats du "1er Para" qui ont essayé de le suivre à l'intérieur
ont été refoulés sans qu'il y ait eu tir de coups
de feu.Quelques instants plus tard,
les troupes qui encerclaient le palais ont commencé à tirer
à la mitraillette.
d)À
l'Etat-major
155.Les
locaux de l'Etat-major sont situés près du centre-ville,
sur la rive nord du fleuve Muha.
156.Aux
alentours de 1 heure, probablement, le major Kibati, officier de garde,
a reçu un appel du commandant du "1er Para" l'informant que ses
hommes s'étaient rebellés.Après
avoir consulté le major Twagiramungu, chef de la section des opérations,
il a appelé Bikomagu pour l'informer.
157.Kibati
a aussi appelé le major Deo Bugegene, commandant de la base aérienne,
et lui a dit de rejoindre sa base.
158.Selon
le témoignage du Ministre Ntakije, avant 2 heures, celui-ci a téléphoné
à Bikomagu, qui se trouvait à l'Etat-major et qui lui a conseillé
de se cacher.Cette version des faits
est contredite par le témoignage de Bikomagu et d'autres, qui affirment
que Bikomagu n'est arrivé à l'Etat-major qu'aux alentours
de 2 h 30.
e)Ailleurs
159.Selon
son propre témoignage, le Ministre Ntakije se trouvait chez lui
lorsqu'à 1 heure il a été réveillé par
un appel de Twagiramungu l'informant que des préparatifs étaient
en cours à Camp Para.Ntakije
a demandé à son correspondant de vérifier si les mesures
qu'il avait recommandées avaient été prises.
H.Jeudi
21 octobre 1993 2 heures à 6 heures
a)Au
palais
162.Vers
2 heures, une quinzaine de véhicules blindés du "11e Blindé"
qui s'étaient massés face à la grille de l'hôtel
Méridien ont tiré au canon, mais ont dû reculer lorsque
la garde du palais a tiré quelques roquettes antichar, et ont pris
position autour de l'enceinte extérieure du palais.Les
tirs se sont poursuivis pendant une quinzaine de minutes.Il
n'y a eu aucun blessé et ni les véhicules blindés
ni le palais n'ont été endommagés.
163.Le
Président est resté à l'intérieur du véhicule
blindé, ne parlant qu'à Mushwabure.Madame
Ndadaye et ses enfants sont restés à l'intérieur du
palais.
164.Vers
5 heures, le lieutenant Managure, commandant du deuxième véhicule
blindé du "2e Commando" qui était resté à l'extérieur
de l'enceinte du palais, est entré à pied et a dit au lieutenant
Bigabari que le lieutenant Kamana, commandant de l'escadron d'infanterie
du "11e Blindé", qui dirigeait les soldats déployés
autour du palais, menaçait de bombarder le palais si tout le monde
ne sortait pas.Il a déclaré
que le lieutenant Kamana l'a obligé à transmettre ce message.Le
lieutenant Kamana, quant à lui, a déclaré dans son
témoignage que non seulement il ne commandait pas les mutins mais
que ceux-ci l'avaient même pris en otage.
165.Vers
5 h 30, les véhicules blindés qui entouraient l'enceinte
extérieure ont recommencé à tirer au canon, touchant
le deuxième étage du palais.L'un
des enfants du Président, une fille, a été légèrement
blessé par les gravats.
b)À
Camp Para
168.Vers
3 heures, un détachement est arrivé, accompagné de
Ngeze, qui portait un survêtement et un coupe-vent et conduisait
son propre véhicule.Selon
son témoignage, il a été placé dans un bureau
vide et gardé au secret.
169.Peu
de temps après, Bikomagu est arrivé au camp et a parlé
aux soldats et à Ngeze.Il
est reparti au bout d'une heure environ.Dans
son témoignage, Bikomagu affirme avoir été traîné
au camp par des soldats qui l'avaient enlevé à l'Etat-major,
et qu'il a dû les convaincre de le laisser quitter le camp.
170.À
5 heures, selon son propre témoignage, le commandant du "1er Para",
Niyoyunguruza, a été emmené au mess des officiers
dans un camion.
c)À
Camp Muha
171.Vers
2 heures, deux des véhicules blindés qui étaient sortis
avec celui de Rugigana mais avaient fait demi-tour sont entrés dans
le camp.L'un d'eux, commandé
par le lieutenant Joseph Bodiguma, est resté en position de tir
tandis que l'équipage de l'autre, commandé par le lieutenant
Sindarusiba, selon le témoignage de celui-ci, a reçu de Nibizi
l'ordre d'aller chercher le Président de l'Assemblée nationale,
Pontien Karibwami, pour assurer sa protection.Sindarusiba
est revenu quelque temps après pour signaler que lorsqu'il était
arrivé au domicile de Karibwami, on lui a dit que celui-ci avait
été emmené par un groupe de soldats peu de temps auparavant.Nibizi
l'a alors envoyé chercher le Ministre des affaires étrangères,
Sylvestre Ntibantunganya.
d)À
l'Etat-major de l'armée
172.À
son arrivée, vers 2 h 30, Bikomagu, selon son propre témoignage,
a téléphoné au commandant du "1er Para".Niyoyunguruza,
quant à lui, a affirmé qu'à ce moment-là il
était enfermé dans un garage où il ne pouvait accéder
à aucun téléphone.
173.Vers
3 heures, selon le témoignage de l'intéressé, un détachement
de soldats a obligé Bikomagu à les accompagner à Camp
Para.
e)Ailleurs
176.Vers
2 heures, les rebelles se sont rendus dans les locaux de la compagnie du
téléphone, accompagnés de Busokosa, qu'ils avaient
libéré de prison et qui avait été directeur
de la compagnie.Ils ont pris possession
du centre de télécommunications mais n'ont pas réussi
à interrompre le service.Busokosa
a déclaré dans son témoignage que cet échec
était dû à son propre manque de coopération.
177.Vers
3 heures, la station de radio a été prise par les rebelles.
178.Selon
les résultats de l'autopsie, Karibwami, Bimazubute, Ndikumwami et
Ndayikeza ont été exécutés vers 5 heures.
I.Jeudi
21 octobre 1993 6 heures à midi
a)Au
palais
179.À
7 heures environ, le véhicule blindé commandé par
Rugigana et ayant à son bord le Président et sa famille a
quitté la palais par la grille sud, sans que les soldats et les
véhicules armés qui encerclaient le palais s'y opposent.Il
a pris ensuite, à la demande du Président, la direction de
Camp Muha par un itinéraire détourné.En
chemin, ils ont été autorisés à traverser plusieurs
barricades, après des discussions entre l'équipage et les
soldats rebelles qui tenaient celles?ci.
180.Une
fois que le Président a été éloigné
du périmètre du palais, Mushwabure, selon son propre témoignage,
a escaladé le mur d'enceinte et est allé se cacher.
b)À
Camp Muha
181.Venant
de Camp Para, Bikomagu est arrivé à Camp Muha vers 4 heures.Gakoryo,
selon tous les témoignages sauf le sien, se trouvait au camp avant
que l'on y amène le Président Ndadaye.Il
affirme néanmoins qu'à son arrivée, le Président
était déjà là.
184.Vers
8 heures, après que, selon le témoignage de Nibizi, les soldats
de celui-ci aient refusé d'obéir à ses ordres et de
défendre le camp, les grilles de Camp Muha ont été
ouvertes et un groupe de soldats est entré et a entouré le
véhicule blindé et Bikomagu, Gakoryo et Nibizi qui se tenaient
à côté du véhicule.Le
Président et sa famille ont été traînés
hors du véhicule.Le Président,
s'adressant aux soldats en kirundi, leur a dit : "Dites-moi ce que vous
voulez, on peut négocier, mais surtout pas d'effusion de sang, pensez
à votre pays, pensez à vos familles".Bikomagu
a alors dit aux soldats qu'il emmènerait Mme Ndadaye et les enfants.Selon
le témoignage de Mme Ndadaye, Bikomagu a ajouté, en désignant
le Président : "Voilà l'homme que vous cherchez.Faites-en
ce que vous voulez".Dans son témoignage,
Bikomagu a nié avoir tenu ces propos.Mme
Ndadaye et ses enfants ont quitté le camp dans la jeep de Bikomagu,
conduite par le chauffeur de celui-ci, et se sont rendus à l'ambassade
de France.Les soldats ont fait monter
le Président dans une jeep et l'ont emmené à Camp
Para.Bikomagu, Gakoryo et Nibizi
les ont accompagnés.
c)À
camp Para
185.Vers
8 h 30, les soldats sont arrivés à Camp Para avec le Président,
qui a été immédiatement entouré par une multitude
de soldats.Selon leur témoignage,
le lieutenant Kamana a dit à Nibizi de s'en aller avec Bikomagu
et Gakoryo, parce que leur vie était en danger, ce qu'ils ont fait.Toutefois,
selon un témoin, en arrivant à Camp Para, Bikomagu a de nouveau
dit aux soldats : "Voilà votre homme".
186.Le
major Rumbete, qui avait été libéré de prison
et amené au Camp peu de temps auparavant, était présent
lorsque le Président a été amené.
187.Le
Président a été enfermé dans une pièce,
gardée.
188.Peu
de temps après, Kamana, qui, selon tous les témoignages sauf
le sien, dirigeait les opérations, s'est adressé à
un rassemblement de soldats.Il
a ensuite établi une liste comportant les noms de certains officiers
et a envoyé l'adjudant chef Mbonayo les chercher au mess des officiers.
191.Bikomagu,
qui n'était pas sur la liste, les accompagnait.Il
a fait libérer par les soldats le Chef du protocole et deux autres
civils qui avaient été capturés et amenés au
camp.
192.Le
lieutenant Kamana a pris en charge les officiers et les a conduits dans
une salle de réunion.Les
témoignages divergent certes sur de nombreux points concernant ce
qui s'est passé dans cette salle, mais la plupart concordent sur
le fait que Kamana a présenté Ngeze, encore en survêtement,
et a dit que les soldats exigeaient qu'il soit président.Selon
un témoin, il leur a dit à ce moment-là que le Président
et le Vice-Président de l'Assemblée nationale, Pontien Karibwami
et Jules Bomazubute, ainsi que quelques ministres, avaient été
tués.Comme on l'interrogeait
sur le Président, il a répondu que celui-ci se trouvait au
Camp et était vivant.Il a
été alors convenu que Ngeze devrait accepter de prendre la
succession, afin de "gérer la crise".Kamana
est ensuite sorti de la salle et est retourné peu de temps après
pour annoncer que le Président Ndadaye avait été tué.Simbanduku
et un autre officier sont partis au mess informer les officiers qui s'y
étaient rassemblés.
193.Vers
11 heures, Ngeze, accompagné par les autres officiers, s'est adressé
aux troupes sur le terrain de football.Ngeze
a annoncé qu'il acceptait d'assumer la présidence et a été
acclamé.Il a été
convenu que les soldats obéiraient de nouveau à leurs officiers
et que Bikomagu reprendrait le commandement.Ngeze
et les officiers ont alors quitté le Camp pour se rendre au mess
des officiers.
d)À
l'Etat-major
194.Vers
8 heures, Twagiramumgu s'est rendu à l'Etat-major.Kibati
est resté seul officier de garde.
e)Au
mess des officiers
197.Selon
un autre officier présent, des rumeurs ont commencé à
circuler à ce moment-là selon lesquelles les soldats de Camp
Para étaient sur le point de convoquer certains officiers.Peu
de temps après, une demi?douzaine de soldats, conduits par l'adjudant
chef Mbonayo, sont arrivés et ont lu la liste établie par
Kamana.Le nombre et la composition
de cette liste varient selon les témoignages.Selon
Bikomagu, cette liste contenait les noms de 13 officiers.Le
nom du lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui n'était pas présent,
figurait sur la liste.
198.Mbonayo
a demandé aux officiers dont les noms figuraient sur la liste de
l'accompagner à Camp Para.Certains
de ces officiers ont déclaré qu'ils avaient été
obligés d'y aller, sans avoir été informés
des raisons de cette convocation.Ils
sont partis dans un minibus.
199.Bikomagu
est parti en même temps pour Camp Para, dans son propre véhicule.Les
autres officiers sont restés au mess.
200.Avant
11 heures, Simbanduku et Nsozaba sont revenus au mess et ont relaté
les événements qui s'étaient produits à Camp
Para, y compris la mort du Président.Simbanduku
affirme qu'il est ensuite resté au mess, mais un témoin affirme
qu'il est retourné à Camp Para.
201.Vers
11 heures, le groupe d'officiers est revenu de Camp Para, accompagné
de Ngeze encore en survêtement, et de Bikomagu.Selon
tous les témoignages sauf le sien, Simbanduku a présenté
Ngeze comme étant le nouveau Président.Ngeze
s'est adressé aux officiers pour leur dire que les soldats exigeaient
qu'il prenne les commandes afin de "gérer la crise" et pour leur
demander leur soutien.Ngeze, Bikomagu
et les officiers qui étaient arrivés avec eux sont ensuite
partis pour l'Etat-major, tandis que les autres officiers ont rejoint leurs
unités.
J.Jeudi
21 octobre 1993 dans l'après midi
a)À
l'Etat-major
202.Ngeze
et le groupe d'officiers qui l'accompagnait sont arrivés à
l'Etat-major venant du mess vers midi.Ils
y ont trouvé le lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui avait
été libéré de prison à Rumenge, à
122 kilomètres de Bujumbura, où il se trouvait en détention
sous l'accusation d'avoir mené la tentative de coup d'État
du 3 juillet, et le commandant Hilaire Ntakiyica, également libéré
de prison.
204.Jean-Bosco
Daradangwe, Directeur général de la communication au Ministère
de la défense, a déclaré avoir reçu à
7 heures un message du Ministre Ntakije l'informant que le FRODEBU avait
déjà "mobilisé ses troupes" et qu'il allait y avoir
un bain de sang.Il s'est ensuite
rendu à l'endroit où Ntakije se cachait et, sans entrer,
a chargé quelqu'un de faire parvenir au Ministre un téléphone
cellulaire.
VI.ANALYSE
DES TÉMOIGNAGES
205.Le
récit des événements qui a été donné
ci-dessus d'après les témoignages ne peut absolument pas
être considéré comme offrant des éléments
de preuve fiables.La partialité
y règne de bout en bout.À
l'exception de quelques soldats et sous-officiers qui étaient en
prison, la Commission n'a pu rencontrer que des officiers.Ceux-ci,
y compris Kamana, ont tous soutenu que le coup d'État et les assassinats
avaient été commis par des soldats rebelles qui avaient non
seulement désobéi à leurs supérieurs mais aussi
menacé de les tuer s'ils ne coopéraient pas.Toutefois,
la Commission n'a pas pu avoir accès à ces présumés
rebelles afin d'entendre leur témoignage.On
peut comprendre que les prisonniers aient pour la plupart refusé
de témoigner ou prétendu n'avoir rien fait ni rien vu.Il
est évident que les officiers ont eu, durant plus de deux ans, suffisamment
de temps pour comparer leurs notes et préparer leur exposé
des événements de manière qu'il soit conforme à
la version officielle de l'armée burundaise.En
revanche, il aurait été matériellement impossible
de convaincre plusieurs centaines d'appelés d'endosser la responsabilité,
et de leur faire répéter leur rôle afin d'éviter
les contradictions flagrantes.Or,
les officiers ont apporté des témoignages très contradictoires
et excipé de nombreux trous de mémoire, en particulier lorsqu'il
ont répondu aux questions.
208.La
version de ce qui s'est passé au camp Muha lorsque le Président
y est arrivé dans le véhicule blindé manque également
de crédibilité.Pour
commencer, les "rebelles" ne s'étaient pas souciés d'assurer
la sécurité des lieux, comme cela avait été
le cas ailleurs, bien que Nibizi, qui commandait le camp, ait déclaré
que ses soldats avaient refusé d'obéir à ses ordres
de s'opposer aux "rebelles".Le commandant
direct de l'armée, Bikomagu, se trouvait au camp et est resté
avec le Président dans un bureau pendant au moins une demi-heure,
aux côtés de Nibizi et de Gakoryo.Toutefois,
il n'est fait mention d'aucune discussion et le Président n'a donné
aucun coup de téléphone, bien qu'il soit établi que
Bikomagu avait un appareil cellulaire.Aucune
tentative n'a été faite pour cacher le Président ou
le mettre en lieu sûr, bien qu'il ait été démontré
que le véhicule armé pouvait circuler librement et qu'en
tout état de cause, la frontière avec le Zaïre ne se
trouvait qu'à 20 kilomètres.Le
Président n'a repris place dans le véhicule blindé
que pour être livré aux "troupes rebelles".La
"pression des troupes rebelles" contre le camp se serait alors révélée
irrésistible.Or, lorsque
le véhicule blindé est arrivé au camp avec le Président,
les véhicules blindés des "rebelles" au palais ne l'avaient
pas suivi et aucun coup de feu n'a été tiré durant
tout l'épisode.Bikomagu,
qui avait été, suivant son témoignage, enlevé
de son bureau par la force et détenu au camp Para quelques heures
auparavant, a réussi sans effort à sortir des mains de ces
mêmes "rebelles" la femme et les enfants du Président.Les
faits tels que signalés donnent plutôt à croire que
le Président était prisonnier et qu'il a été
livré à ses bourreaux lorsqu'il a refusé de coopérer.
211.Les
événements qui ont suivi immédiatement la mort du
Président Ndadaye ajoutent à l'invraisemblance de la version
des officiers.À peine le
Président avait?il été assassiné que les officiers
reprenaient en main leurs troupes et Bikomagu assurait de nouveau le commandement
suprême de l'armée en y adjoignant la gendarmerie.Suivant
toutes les informations obtenues, Bikomagu contrôlait effectivement
le "comité de gestion de la crise" auquel il appartenait, Ngeze
en étant l'homme de paille consentant.L'une
des premières mesures prises par le comité a été
d'ordonner aux commandants militaires provinciaux de se substituer aux
gouverneurs.Bien que le comité
ait eu censément pour unique but de normaliser la situation, en
fait loin d'essayer de rendre le pouvoir au gouvernement civil, il a tenté
de créer sans succès un "conseil de salut national" susceptible
de donner une apparence de respectabilité.Ce
n'est que trois jours plus tard alors que presque tout l'intérieur
du pays était plongé dans de sanglants massacres ethniques
apparemment irrépressibles et que tout espoir d'approbation des
pays donateurs était perdu que le pouvoir a été
remis au gouvernement civil, sans opposition des troupes soi?disant incontrôlables.
212.Il
convient de se pencher tout particulièrement sur les activités
de Bikomagu étant donné qu'en sa qualité de chef d'Etat-major
général de l'armée, il commandait directement l'armée
sous la tutelle du Ministre de la défense, conformément à
la hiérarchie des forces armées burundaises.On
trouvera ci?après un résumé de ses faits et gestes
tels qu'ils ont été rapportés par lui?même ou
par d'autres témoins :
Le
11 octobre, il ordonne au chef des gardes du corps du Président,
sans donner de raisons, de partir immédiatement pour Maurice et
de ne pas revenir avant le 21 octobre;
Il
prétend qu'il dormait à 1 heure du matin lorsqu'un officier
de l'Etat-major lui annonce au téléphone que la rébellion
a commencé.Il serait resté
chez lui jusqu'à 2 h 30 avant de se rendre à l'Etat-major
en entendant des coups de canon;
Vers
3 heures, il part, selon lui sous la contrainte de soldats rebelles, pour
le camp Para, et s'y entretient avec Ngeze;
Vers
4 heures, il quitte le camp Para et se rend au camp Muha.Il
déclare avoir demandé à Nibizi d'envoyer quelqu'un
prendre à leur domicile les officiers du "1er para" et du "11e blindé".Il
prétend avoir dit à ces officiers d'aller reprendre en main
leurs troupes;
Il
se trouve au camp Muha lorsque le Président y est conduit vers 7
heures et, aux côtés de Gakoryo et de Nibizi, s'entretient
avec lui pendant un certain temps dans un bureau.Lorsque
le Président est capturé par les soldats enragés et
incontrôlables, il peut sans difficulté s'occuper de la femme
et des enfants du Président et les faire conduire en lieu sûr
dans sa jeep;
Il
suit les soldats qui avaient conduit le Président au camp Para.En
arrivant au camp, il n'y reste pas du fait qu'il serait en danger de mort
et se rend au mess où tous les officiers seraient retenus contre
leur gré;
Il
retourne au camp Para à peu près au moment où le Président
est tué, et la liste des officiers à rassembler est envoyée
au mess;
Il
retourne au mess juste au moment où le groupe d'officiers part pour
le camp Para et il les accompagne dans sa propre voiture;
Au
camp Para, il fait relâcher par les soldats trois civils capturés.Il
déclare avoir personnellement conduit ces civils de l'autre côté
de la ville;
Il
retourne au mess en même temps que Ngeze et le groupe d'officiers
du camp Para.Au mess, il "reprend"
le commandement de l'armée;
Après
le rétablissement du pouvoir civil, Bikomagu reste à la tête
de l'armée et de la gendarmerie, poste qu'il occupe encore actuellement.La
version officielle du coup d'État est que seuls sont responsables
les appelés et les sous-officiers des deux bataillons "rebelles".Les
seuls officiers impliqués dans la préparation et l'exécution
du coup d'État sont ceux qui avaient été libérés
de différentes prisons, ainsi que deux lieutenants, tous s'étant
depuis lors fort opportunément enfuis du pays.
VII.CONCLUSIONS
213.Bien que la Commission n'ait pas obtenu et ce n'est guère étonnant vu les circonstances de preuves directes sous forme de témoignages oraux ou écrits, elle considère que les preuves indirectes sont suffisantes pour lui permettre de conclure que l'assassinat du Président Ndadaye et de son successeur désigné par la Constitution a été prémédité dans le cadre du coup d'État qui a renversé le Président, et que le coup d'État a été préparé et exécuté par des officiers occupant des postes élevés dans la hiérarchie de l'armée burundaise.La Commission estime toutefois qu'étant donné les éléments de preuve dont elle dispose, elle n'est pas en mesure d'identifier les personnes qui devraient être traduites en justice pour ce crime.