TROISIÈME PARTIE : ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT
I.OBJET DE L'ENQUÊTE

105.Afin d'établir les faits concernant l'assassinat du Président Ndadaye, en application de la résolution 1012, la Commission devait nécessairement examiner les faits relatifs à la tentative de coup d'État au cours de laquelle l'assassinat a été perpétré.Mais le coup d'État proprement dit, bien qu'étant un acte criminel en soi, ne faisait pas partie de l'objet de l'enquête menée par la Commission.

106.L'enquête de la Commission portait certes sur les faits concernant l'acte d'exécution proprement dit, qui a été commis par des soldats dans un camp militaire de Bujumbura, mais sa principale finalité était de déterminer qui avait donné l'ordre d'assassiner le Président, si cet assassinat avait été prémédité dans le cadre de la préparation du coup d'État et, dans l'affirmative, qui avait participé à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce plan.


II.MÉTHODOLOGIE
107.La Commission a mené ses investigations en recherchant et en entendant des témoignages et en recherchant des éléments de preuve écrits ou autres qui pouvaient avoir un rapport avec l'enquête.Elle a voulu entendre, parmi les témoins militaires, aussi bien les officiers, qui avaient publiquement prétendu que le coup d'État et l'assassinat étaient l'oeuvre de soldats et de sous-officiers rebelles devenus incontrôlables, que le plus grand nombre possible de ces soldats et sous-officiers.

108.Les faits que la Commission devait établir avaient été précédemment relatés dans les rapports de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et de Aké/Huslid.La Commission s'est procuré les enregistrements des témoignages pertinents recueillis par ces deux organisations, et a entendu les membres de la commission constituée par de la FIDH qui avaient enquêté sur le coup d'État et sur l'assassinat.Ces enregistrements, ainsi que les documents fournis par la FIDH, ont servi de sources mais n'ont pas été considérés comme des éléments de preuve à l'appui des conclusions de la Commission.

III.ACCÈS AUX ÉLÉMENTS DE PREUVE

109.La Commission a rencontré des difficultés insurmontables dans sa recherche des éléments de preuve pertinents.L'assassinat du Président Ndadaye ayant eu lieu au milieu d'un coup d'État militaire, il a fallu rechercher les éléments de preuve dans des dossiers et archives militaires et dans les témoignages d'officiers et d'hommes de troupe.Or, la Commission n'a pu ni examiner ces dossiers et archives ni convoquer ces témoins pour les entendre directement; elle a dû agir par l'entremise du Ministère burundais de la défense.Une demande de communication d'une transcription des archives n'a donné aucun résultat, pas plus que la demande de communication des noms des sous-officiers et soldats des deux unités qui se seraient rebellées, le 1er bataillon parachutiste et le 11e bataillon blindé, et de l'unité chargée de la protection du Président, le 2e bataillon commando.

110.S'agissant des témoins militaires, la Commission a demandé en novembre 1995 à s'entretenir avec le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel Firmin Sinzoyiheba, mais ce n'est que le 23 janvier, après plusieurs demandes répétées, qu'elle a été reçue par le Ministre.Celui?ci a promis de nommer un officier de liaison, mais ne l'a fait qu'en février, après un rappel écrit de la Commission.Par l'entremise de l'officier de liaison, la Commission a demandé à entendre 51 témoins, dont 40 seulement se sont présentés.Elle n'a pas pu citer à comparaître les sous-officiers et hommes de troupe des unités susmentionnées, parce que la demande de communication de leurs noms est restée sans réponse et que les officiers qui ont témoigné ont prétendu ne pas connaître ces noms.La Commission a pu obtenir la comparution des prisonniers militaires par l'entremise du Procureur général de la République, Jean-Bosco Butasi.Elle a demandé et obtenu une liste des personnes emprisonnées à raison d'actes commis durant les événements d'octobre 1993, mais elle n'avait aucun moyen d'en vérifier l'exactitude.La Commission a bénéficié de toute la coopération voulue en ce qui concerne la comparution de ces prisonniers.


111.La situation du Burundi sur le plan de la sécurité a été la source de difficultés tout aussi grandes.Bien que théoriquement sous les ordres du Président civil, l'armée constitue de l'avis général un pouvoir autonome, et elle a été publiquement accusée d'être responsable non seulement du coup d'État et de l'assassinat du Président Ndadaye, ainsi que de la terrible répression qui a suivi, mais également de participer aujourd'hui encore, en toute impunité, à l'assassinat d'innombrables civils.De surcroît, l'armée n'a en rien changé, ni dans sa composition ni dans son commandement, depuis l'assassinat du Président Ndadaye.
112.Dans ces conditions, et faute de pouvoir offrir la moindre protection ou immunité aux témoins, la Commission pouvait difficilement s'attendre à recueillir des témoignages pouvant incriminer l'armée.Il convient de garder à l'esprit à ce sujet que la Commission n'avait aucun moyen de déceler une éventuelle surveillance électronique de ses locaux, chose dont certains témoins eux-mêmes pouvaient avoir connaissance ou qu'ils pouvaient soupçonner, et que des gendarmes en uniforme montaient la garde devant le bâtiment où se trouvaient ces locaux.

IV.ORGANISATION DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

113.Du 29 octobre au 20 décembre, tous les membres de la Commission ont mené collectivement les investigations portant tant sur l'assassinat que sur les massacres et autres actes de violence graves connexes qui ont suivi.Le 9 janvier, l'enquête sur l'assassinat a été confiée au Commissaire Herrera et au Commissaire Maurice, ainsi que les investigations dans la province de Gitega.Le 7 février, elle a été confiée au Président et au Commissaire Güney.Le 23 avril, le Commissaire Güney a dû s'absenter du Burundi, et les investigations ont été confiées au Commissaire Maurice.Revenu au Burundi le 9 mai, le Commissaire Güney a repris les investigations et le Commissaire Maurice est reparti enquêter dans la province de Gitega.Lorsque le Commissaire Güney a démissionné de la Commission, le 16 mai, le Commissaire Maurice a de nouveau repris l'enquête, qu'il a menée jusqu'au bout.

114.Au cours de leurs investigations, les membres de la Commission ont aussi entendu des témoins en Ouganda , en France et en Côte d'Ivoire.La Commission a entendu au total 61 témoins militaires et 25 témoins civils.

V.LE DÉROULEMENT DES FAITS SELON LES TÉMOINS

A.3 juillet 1993

115.Le 3 juillet 1993, des hommes du 2e bataillon commando ont fait une tentative de coup d'État peu de temps avant la prestation de serment du Président Melchior Ndadaye.La tentative de coup d'État a échoué et ordre a été donné d'arrêter plusieurs officiers et soldats, parmi lesquels le lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui avait été Chef de cabinet du Président Buyoya, le major Bernard Buzokosa, le major Jean Rumbete, le capitaine René Bucumi, le capitaine François-Xavier Nintunze et le commandant Hilaire Ntakiyica.


B.10 juillet 1993
116.Le Président Ndadaye a prêté serment le 10 juillet 1993 et s'est installé dans l'ancien palais présidentiel. Le palais présidentiel se trouve au milieu d'un vaste périmètre entouré d'un haut mur d'enceinte, au coin nord-ouest de l'intersection de deux larges avenues dans le centre de la ville.Au nord du palais se trouve l'ancien hôtel Méridien, rebaptisé Source du Nil.Un terrain de golf s'étend au-delà de l'enceinte extérieure ouest et d'une partie de l'enceinte extérieure nord.

C.11 octobre 1993

117.Vers 11 heures, le lieutenant Gratien Rukindikiza, chef des gardes du corps du Président, selon son propre témoignage, a reçu du lieutenant-colonel Jean Bikomagu, chef d'État major de l'armée, l'ordre de partir pour Maurice l'après-midi même, afin d'y préparer la venue du Président, attendu pour la réunion des chefs d'État francophones qui devait se tenir du 16 au 18 octobre.Bikomagu lui a également donné l'ordre de revenir avant le 21 octobre, sans lui donner aucune explication.Avant de quitter Bujumbura, Rukindikiza a dit au lieutenant-colonel Pascal Simbanduku, Président de la Cour militaire, qu'il soupçonnait qu'un coup d'État était en préparation, en mentionnant les noms de certains officiers, dont celui de Lucien Rufyiri et de Somisi.

D.Lundi 18 octobre 1993

118.Le Président Ndadaye rentre du sommet de Maurice le 18 octobre.

119.Le même jour, le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel Charles Ntakije, était informé par le chef d'état-major de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Epitace Bayaganakandi, que selon des sources fiables, un coup d'État était en préparation.Des rumeurs de coup d'État avaient commencé à circuler avec insistance le même jour.

E.Mardi 19 octobre 1993

120.Le Président Ndadaye a présidé le mardi 19 octobre un conseil des ministres, qui a duré toute la journée et a repris le lendemain jusqu'au soir.

F.Mercredi 20 octobre 1993

121.Le mercredi 20 octobre, le major Dieudonné Nzehimana, chef des renseignements militaires, a informé ses supérieurs qu'une tension était perceptible parmi certains soldats de la capitale.

122.Vers 13 heures, le commandant du 2e bataillon commando, le major Isaïe Nibizi, dont l'unité fournissait les hommes qui composent la garde présidentielle, a demandé si l'épouse du Président se trouvait encore au palais et a reçu une réponse affirmative.


123.Vers 16 heures, le major Isaïe Nibizi, commandant du 2e bataillon commando, a demandé à rencontrer d'urgence le chef de cabinet du Président, Frédéric Ndayegamiye, et lui a dit que des éléments du 1er bataillon parachutiste et du 11e bataillon blindé, tous deux cantonnés à Camp Para, préparaient un coup d'État, qu'ils étaient très excités et qu'ils avaient l'intention d'arrêter certaines personnalités politiques, dont ils craignaient qu'elles se soient déjà enfuies.Le major Nibizi a ajouté qu'il avait informé l'état-major général de l'armée qu'un coup d'État était imminent.Il a demandé à Ndayegamiye de lui fournir un véhicule banalisé pour faire une tournée d'inspection des unités concernées.
124.Ndayegamiye a alors pris contact avec Bikomagu et lui a demandé de vérifier les rumeurs qui circulaient.Bikomagu lui a répondu qu'il s'était rendu en personne au "1er Para" et n'avait constaté rien d'anormal.Il l'a assuré qu'il ne se passerait rien.

125.Dans l'après-midi, plusieurs personnes, des commandants d'unités notamment, ont signalé à Bikomagu que des rumeurs circulaient à propos d'un coup d'État imminent.L'imminence d'un coup d'État a été évoquée au mess des officiers.

126.Le conseiller politique et diplomatique du Président, Antoine Ntamobwa, a été informé à 17 heures, par le chef d'Etat-major de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Bayaganakandi, que le "1er Para" et le "11e Blindé" allaient faire un coup d'État le lendemain à 2 heures.Il a essayé en vain de prendre contact avec le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel Ntakije, qui était en conseil des ministres.

127.Vers 18 heures, le lieutenant Joseph Rugigana du "2e Commando" a été informé par un officier de son unité, le capitaine Idelphonse Mushwabure, que quelque chose se tramait et qu'il devait rester sur ses gardes.

128.Le major Nibizi a ordonné à ses hommes de rester vigilants et d'avertir toutes les positions.Vers 20 heures, il a ordonné au capitaine Mushwabure d'aller prendre le commandement de la garde présidentielle au palais.Mushwabure a appelé un de ses subordonnés, le lieutenant Gabriel Bigabari, qui se trouvait au palais à la tête du détachement de la garde présidentielle, et lui a ordonné de mettre tous les hommes en état d'alerte, de préparer toutes les armes et de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires en attendant son arrivée.

129.Le conseil des ministres a pris fin à 21 heures.Le conseiller présidentiel Ntamobwa a alors informé Ntakije de la conversation qu'il avait eue avec Bayaganakandi.Le ministre a été informé que le coup d'État serait lancé à 2 heures, dans la nuit du 21 octobre, par des éléments du "1er Para" et du "11e Blindé".

130.Le Président Ndadaye a été informé de l'imminence d'un coup d'État par son ministre de la communication, Jean-Marie Ngendahayo, et il s'est fait confirmer cette information par le Ministre de la défense, en présence de l'attaché politique et diplomatique.Le Président a demandé que Ningaba, qui était incarcéré pour le coup d'État du 3 juillet, soit transféré dans une autre prison, mais le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel Ntakije, l'a rassuré, affirmant que la gendarmerie viendrait renforcer la garde de la prison.


131.Le Président est arrivé au palais vers 21 h 30 et a dit à son épouse que, selon le Ministre de la communication, un coup d'État aurait lieu dans la nuit.Il semblait préoccupé et a laissé son téléphone cellulaire branché lorsqu'il s'est retiré dans ses appartements pour la nuit.
132.Lorsque le Secrétaire d'État chargé de la sécurité au Ministère de la défense, le lieutenant-colonel Lazare Gakoryo, est arrivé chez lui, il a appris que Bikomagu l'avait appelé.Il a essayé en vain de joindre ce dernier au téléphone.

133.Aux alentours de 21 h 30, le Ministre Ntakije qui se rendait à une réunion s'est arrêté au mess des officiers pour voir les commandants du "1er Para" et du "11e Blindé".Il n'a trouvé que le commandant du "1er Para", le major Juvénal Niyoyunguruza, qui lui assuré qu'il n'avait rien entendu d'anormal et a minimisé le danger.Le Ministre lui a dit de surveiller la situation de près avec le commandant du "11e Blindé".Il a recommandé que les deux officiers passent la nuit dans le camp, avec leurs unités respectives.

134.Vers 22 heures, Ntakije a tenu une réunion avec Bikomagu, Bayaganakandi, Nibizi, le major Ascension Twagiramungu, chef de la section des opérations, le major Nzehimana et un autre officier chargé de l'information à l'Etat-major de la gendarmerie.Il a été décidé que des mesures seraient prises pour juguler toute action que les troupes entreprendraient et que Twamiramungu tiendrait Ntakije au courant.Ces mesures consistaient notamment à dépêcher des unités du "2e Commando" qui disposaient de plusieurs véhicules blindés pour garder les ponts sur le fleuve Muha et empêcher ainsi tout autre véhicule blindé de parvenir au palais présidentiel.Aucune mesure n'a été décidée pour empêcher éventuellement des fantassins de franchir le fleuve, ce qui pouvait se faire aisément en tous points de celui?ci.Les témoignages sont contradictoires en ce qui concerne la question de savoir si Ntakije a informé le Président du résultat de cette réunion.

135.Aux alentours de 23 heures, le major Niyoyunguruza a téléphoné au major Sophonie Kibati, officier de garde à l'Etat-major de l'armée, pour lui signaler une activité inhabituelle à Camp Para, et il lui a été répondu qu'il devait cacher les clefs du dépôt d'armes.

136.À 23 heures, le capitaine Mushwabure est arrivé au palais présidentiel, non sans s'être arrêté en chemin au domicile du capitaine Térence Cishahayo, officier du "2e Commando", pour lui dire de retourner auprès de son unité.Mushwabure a pris la relève du lieutenant Bigabari à la tête du détachement, qu'il a placé en état d'alerte, et a informé le Président que l'imminence d'un coup d'État avait été confirmée.

137.Vers 23 h 30, le lieutenant Léonidas Sindarusiba, du "2e Commando", est arrivé à Camp Muha, où son unité était cantonnée; il a rencontré le major Nibizi et le lieutenant Rugigana à la cantine.Le major Nibizi leur a demandé de se tenir prêts car un coup d'État se préparait.


138.À peu près au même moment, le lieutenant-colonel Gakoryo a eu une conversation téléphonique avec le lieutenant-colonel Bikomagu, qui lui a dit qu'il régnait dans l'après-midi une tension considérable chez les soldats du "1er Para" et du "11e Blindé" et que ces derniers avaient même menacé leurs officiers.Gakoryo a demandé si des dispositions avaient été prises pour veiller à ce que les soldats ne traversent pas les ponts sur le fleuve Muha, qui sépare les camps militaires du centre de la ville.Bikomagu a répondu que le "2e Commando" défendrait les ponts.Gakoryo a ensuite téléphoné au lieutenant-colonel Bayaganakandi, qui a confirmé cette information.
139.Peu de temps avant minuit, le major Daniel Ningeri, commandant de Camp Base (camp de base des forces armées), qui se trouvait à son domicile, a entendu des coups de feu.Les témoignages sont contradictoires sur la question de savoir s'il a reçu à ce moment-là un coup de téléphone du capitaine Nicolas Ndihokubwayo, officier de garde à Camp Base, l'informant que des soldats avaient réussi à s'introduire dans ce camp et avaient obligé des chauffeurs à sortir les camions.

140.Vers minuit, le major Nibizi a donné l'ordre de préparer les véhicules blindés pour défendre les ponts sur le fleuve Muha.Avant qu'il ne parte, des véhicules blindés du "11e Blindé", roulant en direction du centre de la ville sont passés devant le camp.Les véhicules blindés du "2e Commando", sous les ordres du lieutenant Rugigana, ont quitté le camp et se sont retrouvés entre des véhicules du "11e Blindé" qui les précédaient et d'autres qui les suivaient.Des coups de feu ont éclaté dans toutes les directions.

G.Jeudi 21 octobre 1993 — de minuit à 2 heures

a)À Camp Para

141.Camp Para, où sont cantonnés et le "1er Para" et le "11e Blindé", se trouve dans la partie sud de Bujumbura, à environ 4 kilomètres du palais présidentiel.Camp Muha se trouve à quelques centaines de mètres plus loin.Le fleuve Muha, qui traverse la ville, se trouve à environ 1 kilomètre de là et enjambé par deux ponts.

142.Selon la plupart des témoignages, les mouvements de troupes à Camp Para ont débuté avant 1 heure, mais les témoignages sont très contradictoires quant à l'heure exacte.Le commandant du "1er Para", le major Niyoyunguruza, a affirmé que des soldats conduits par le caporal Juvénal Gahungu ont fait irruption dans son bureau dès 23 heures, alors qu'il venait de faire rapport sur la situation au major Kibati, officier de garde à l'Etat-major (Kibati, de son côté, a déclaré avoir reçu cet appel aux alentours de 2 heures).Niyoyunguruza affirme avoir été ensuite retenu de force dans un garage.

143.Des hommes du "1er Para", accompagnés de véhicules blindés du "11e Blindé", ont quitté le Camp et se sont rendus directement au palais, sans rencontrer aucune opposition.Là encore, les témoignages sont très contradictoires quant à l'heure précise mais la plupart situent ces événements aux alentours de 1 h 30.


144.À partir de ce moment-là à peu près, au moins cinq détachements de soldats et de sous-officiers sont sortis du Camp pour installer des barrages militaires partout dans la ville, prendre l'Etat-major de l'armée, la base aérienne, la station de radio et la compagnie du téléphone, amener François Ngeze, un député hutu membre de l'UPRONA et ex-Ministre de l'intérieur dans le gouvernement Buyoya, amener les lieutenants Jean-Paul Kamana et Jean Ngomirikiza du "11e Blindé", capturer plusieurs hauts fonctionnaires membres du FRODEBU, et essayer de rallier à leur cause les soldats de Camps Base et des camps de Ngagara, Kamenge et Muzinda.L'un de ces détachements, selon tous les témoignages sauf celui de l'intéressé, était conduit par le caporal Gahungu, lequel a, quant à lui, affirmé n'avoir jamais quitté le camp ce jour?là.Des témoins affirment que le caporal Nzeyimana l'accompagnait.
b)À Camp Muha

145.Camp Muha, cantonnement du "2e Commando" est situé près du fleuve dont il porte le nom.

146.Le major Nibizi a ordonné aux équipages des quatre véhicules blindés qu'il commandait de se tenir prêts à défendre les ponts sur le fleuve Muha.Selon la plupart des témoignages, il a donné cet ordre aux alentours de 1 heure.Toutefois, le commandant de l'escadron blindé, le lieutenant Rugigana, affirme que ce n'est qu'à 1 heure que quelqu'un envoyé par Nibizi est venu chez lui pour le réveiller et l'emmener au camp.

147.Vers 1 h 30, alors que les véhicules blindés allaient quitter le Camp Muha sous le commandement de Rugigana, quelques véhicules blindés du "11e Blindé" sont passés devant l'entrée du camp et ont pris la direction du palais.Rugigana et ses véhicules blindés ont quitté  le Camp Muha et ont eux aussi pris la direction du palais, avec certaines unités du "11e Blindé" devant eux et d'autres derrière eux.

c)Au palais

148.La garde du palais, commandée par le capitaine Mushwabure, était composée d'une quarantaine d'hommes, le nombre donné par les témoins allant de 35 à 60.La garde, qui disposait de deux véhicules blindés, n'avait pas été renforcée.

149.Aux alentours de 1 heure, le capitaine Mushwabure a reçu un appel téléphonique du major Nibizi qui l'a informé que le coup d'État avait commencé à Camp Para.

150.Vers 1 h 30, le Président Ndadaye a reçu un appel téléphonique du Ministre Ntakije l'informant que le coup d'État avait commencé.Il a revêtu des habits civils, est sorti de la maison et a été mené dans un des véhicules blindés de la garde.Les témoignages recèlent des contradictions énormes sur ce point.Un témoin affirme que Mushwabure a fait monter le Président dans le véhicule blindé.Mushwabure, quant à lui, affirme que le Président, n'écoutant pas ses conseils, a tenu à monter dans le véhicule en faisant valoir que le Ministre Ntakije lui avait conseillé de le faire.Ntakije a déclaré avoir conseillé au Président de quitter le palais sur le champ dans un véhicule blindé.Madame Ndadaye affirme que Ntakije a simplement informé le Président du début du coup d'État et a raccroché sans autre commentaire.


151.Le Président est resté dans le véhicule blindé sans engager la conversation avec l'équipage.Il avait son téléphone cellulaire sur lui mais il ressort des enregistrements téléphoniques qu'il n'a fait aucun appel et n'en a reçu que deux; l'un, qui a duré 27 secondes, de son chef de cabinet, qui lui a conseillé de partir sur-le-champ, et l'autre, qui a duré 40 secondes, d'un correspondant qui n'a pas été identifié.Mme Ndadaye a essayé de lui téléphoner mais elle n'a eu que le message enregistré disant que le téléphone était inaccessible.
152.Dans l'intervalle, Mme Ndadaye a téléphoné au Ministre des affaires étrangères, Sylvestre Ntibantunganya, au Chef de la Documentation nationale (services secrets), Richard Ndikumwami, au Ministre de l'agriculture, au Chef du Protocole, Jean-Marie Nduwabike et à quelques autres amis.Elle a appelé le Président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, qui lui a dit qu'il avait déjà été informé du coup d'État.

153.Peu de temps après 1 h 30, des véhicules blindés du "11e Blindé" et deux véhicules blindés du "2e Commando", l'un commandé par le lieutenant Rugigana et l'autre par le lieutenant Augustin Managure, sont arrivés en même temps au palais.Les deux autres véhicules blindés du "2e Commando" avaient fait demi-tour en cours de route.Le capitaine Mushwabure s'est toutefois contredit à propos de leur heure d'arrivée.

154.Le lieutenant Rugigana est entré dans l'enceinte du palais avec son véhicule blindé en défonçant la grille d'accès à l'hôtel Méridien.Des soldats du "1er Para" qui ont essayé de le suivre à l'intérieur ont été refoulés sans qu'il y ait eu tir de coups de feu.Quelques instants plus tard, les troupes qui encerclaient le palais ont commencé à tirer à la mitraillette.

d)À l'Etat-major

155.Les locaux de l'Etat-major sont situés près du centre-ville, sur la rive nord du fleuve Muha.

156.Aux alentours de 1 heure, probablement, le major Kibati, officier de garde, a reçu un appel du commandant du "1er Para" l'informant que ses hommes s'étaient rebellés.Après avoir consulté le major Twagiramungu, chef de la section des opérations, il a appelé Bikomagu pour l'informer.

157.Kibati a aussi appelé le major Deo Bugegene, commandant de la base aérienne, et lui a dit de rejoindre sa base.

158.Selon le témoignage du Ministre Ntakije, avant 2 heures, celui-ci a téléphoné à Bikomagu, qui se trouvait à l'Etat-major et qui lui a conseillé de se cacher.Cette version des faits est contredite par le témoignage de Bikomagu et d'autres, qui affirment que Bikomagu n'est arrivé à l'Etat-major qu'aux alentours de 2 h 30.

e)Ailleurs

159.Selon son propre témoignage, le Ministre Ntakije se trouvait chez lui lorsqu'à 1 heure il a été réveillé par un appel de Twagiramungu l'informant que des préparatifs étaient en cours à Camp Para.Ntakije a demandé à son correspondant de vérifier si les mesures qu'il avait recommandées avaient été prises.


160.Ntakije affirme qu'il a alors appelé le Président Ndadaye pour l'informer.Il s'est ensuite rendu au Ministère de la défense.Avant d'entrer, il a, selon ses dires, téléphoné à Bikomagu, qui se trouvait à l'Etat-major et qui lui a conseillé d'entrer dans la clandestinité.Ntakije est ensuite passé chez lui avant d'aller se cacher dans le bureau d'un ami, où il est arrivé au moment où on a commencé à entendre des coups de feu dans la ville.Il est resté en contact avec Mme Ndadaye, qui se trouvait au palais, et avec Bikomagu.Il a reçu un appel du Ministre rwandais de la défense, qui lui a proposé son aide.Il affirme avoir appelé pratiquement tous les ministres et leur avoir conseillé de se cacher et de conseiller aux dirigeants du FRODEBU d'en faire de même.
161.Entre 1 h 30 et 2 heures, les officiers ci-après qui, accusés d'avoir participé au coup d'État du 3 juillet, étaient en prison à Bujumbura ont été libérés par les soldats : major Busokoza, capitaine Bucumi, capitaine Nintunze et major Rumbete.

H.Jeudi 21 octobre 1993 — 2 heures à 6 heures

a)Au palais

162.Vers 2 heures, une quinzaine de véhicules blindés du "11e Blindé" qui s'étaient massés face à la grille de l'hôtel Méridien ont tiré au canon, mais ont dû reculer lorsque la garde du palais a tiré quelques roquettes antichar, et ont pris position autour de l'enceinte extérieure du palais.Les tirs se sont poursuivis pendant une quinzaine de minutes.Il n'y a eu aucun blessé et ni les véhicules blindés ni le palais n'ont été endommagés.

163.Le Président est resté à l'intérieur du véhicule blindé, ne parlant qu'à Mushwabure.Madame Ndadaye et ses enfants sont restés à l'intérieur du palais.

164.Vers 5 heures, le lieutenant Managure, commandant du deuxième véhicule blindé du "2e Commando" qui était resté à l'extérieur de l'enceinte du palais, est entré à pied et a dit au lieutenant Bigabari que le lieutenant Kamana, commandant de l'escadron d'infanterie du "11e Blindé", qui dirigeait les soldats déployés autour du palais, menaçait de bombarder le palais si tout le monde ne sortait pas.Il a déclaré que le lieutenant Kamana l'a obligé à transmettre ce message.Le lieutenant Kamana, quant à lui, a déclaré dans son témoignage que non seulement il ne commandait pas les mutins mais que ceux-ci l'avaient même pris en otage.

165.Vers 5 h 30, les véhicules blindés qui entouraient l'enceinte extérieure ont recommencé à tirer au canon, touchant le deuxième étage du palais.L'un des enfants du Président, une fille, a été légèrement blessé par les gravats.


166.Le Président, à la demande pressante de Mushwabure, a changé de tenue pour revêtir un uniforme militaire et a été transféré dans le véhicule blindé de Rugigana.Madame Ndadaye, ses enfants et deux domestiques ont été emmenés dans un autre véhicule blindé.Celui-ci n'ayant pas démarré, ils ont été transférés dans le troisième véhicule blindé, qui est allé se placer à côté du véhicule blindé de Rugigana. Ils ont été alors tous transférés dans ce dernier véhicule, où ils ont retrouvé le Président.Hormis le fait d'informer le Président de sa conversation avec le Président du Rwanda, Mme Ndadaye n'a rien dit d'autre à son époux.
167.Mushwabure a ensuite demandé au Président de le rejoindre hors du véhicule et tous les deux, accompagnés de Firmin Barengayabo, l'un des domestiques du palais, ont essayé de sortir en escaladant le mur septentrional mais ont découvert que des soldats se trouvaient de l'autre côté.Barengayabo, qui avait escaladé le mur le premier, a été capturé.Le Président est retourné au véhicule blindé de Rugigana.

b)À Camp Para

168.Vers 3 heures, un détachement est arrivé, accompagné de Ngeze, qui portait un survêtement et un coupe-vent et conduisait son propre véhicule.Selon son témoignage, il a été placé dans un bureau vide et gardé au secret.

169.Peu de temps après, Bikomagu est arrivé au camp et a parlé aux soldats et à Ngeze.Il est reparti au bout d'une heure environ.Dans son témoignage, Bikomagu affirme avoir été traîné au camp par des soldats qui l'avaient enlevé à l'Etat-major, et qu'il a dû les convaincre de le laisser quitter le camp.

170.À 5 heures, selon son propre témoignage, le commandant du "1er Para", Niyoyunguruza, a été emmené au mess des officiers dans un camion.

c)À Camp Muha

171.Vers 2 heures, deux des véhicules blindés qui étaient sortis avec celui de Rugigana mais avaient fait demi-tour sont entrés dans le camp.L'un d'eux, commandé par le lieutenant Joseph Bodiguma, est resté en position de tir tandis que l'équipage de l'autre, commandé par le lieutenant Sindarusiba, selon le témoignage de celui-ci, a reçu de Nibizi l'ordre d'aller chercher le Président de l'Assemblée nationale, Pontien Karibwami, pour assurer sa protection.Sindarusiba est revenu quelque temps après pour signaler que lorsqu'il était arrivé au domicile de Karibwami, on lui a dit que celui-ci avait été emmené par un groupe de soldats peu de temps auparavant.Nibizi l'a alors envoyé chercher le Ministre des affaires étrangères, Sylvestre Ntibantunganya.

d)À l'Etat-major de l'armée

172.À son arrivée, vers 2 h 30, Bikomagu, selon son propre témoignage, a téléphoné au commandant du "1er Para".Niyoyunguruza, quant à lui, a affirmé qu'à ce moment-là il était enfermé dans un garage où il ne pouvait accéder à aucun téléphone.

173.Vers 3 heures, selon le témoignage de l'intéressé, un détachement de soldats a obligé Bikomagu à les accompagner à Camp Para.

e)Ailleurs


174.Entre 2 heures et 3 heures, un détachement a capturé à leur domicile Richard Ndikumwami, qui dirigeait les services de renseignement civils, et Juvénal Ndayikeza, Ministre de l'administration territoriale et du développement communal, et les a emmenés dans un camion.Le capitaine Térence Cishahayo, du "2e Commando", a affirmé dans son témoignage qu'il venait d'arriver avec son véhicule militaire au domicile de Ndayikeza pour emmener celui-ci à l'abri, sur ordre de Nibizi, lorsqu'un détachement conduit par le caporal Gahungu est également arrivé, l'a capturé ainsi que le Ministre et a forcé les deux hommes à monter dans un camion militaire, où ils ont retrouvé Ndikumwami, qui avait déjà été capturé.
175.Le Président et le Vice-Président de l'Assemblée nationale, Pontien Karibwami et Jules Bimazubute, ont été également enlevés à leur domicile à peu près au même moment.Les rebelles se sont également rendus au domicile du Ministre des affaires étrangères, Sylvestre Ntibantunganya, mais ne l'ont pas trouvé.Son épouse, traitée sans ménagement par les soldats à cette occasion, a été par la suite tuée dans une autre maison où elle s'était réfugiée.

176.Vers 2 heures, les rebelles se sont rendus dans les locaux de la compagnie du téléphone, accompagnés de Busokosa, qu'ils avaient libéré de prison et qui avait été directeur de la compagnie.Ils ont pris possession du centre de télécommunications mais n'ont pas réussi à interrompre le service.Busokosa a déclaré dans son témoignage que cet échec était dû à son propre manque de coopération.

177.Vers 3 heures, la station de radio a été prise par les rebelles.

178.Selon les résultats de l'autopsie, Karibwami, Bimazubute, Ndikumwami et Ndayikeza ont été exécutés vers 5 heures.

I.Jeudi 21 octobre 1993 — 6 heures à midi

a)Au palais

179.À 7 heures environ, le véhicule blindé commandé par Rugigana et ayant à son bord le Président et sa famille a quitté la palais par la grille sud, sans que les soldats et les véhicules armés qui encerclaient le palais s'y opposent.Il a pris ensuite, à la demande du Président, la direction de Camp Muha par un itinéraire détourné.En chemin, ils ont été autorisés à traverser plusieurs barricades, après des discussions entre l'équipage et les soldats rebelles qui tenaient celles?ci.

180.Une fois que le Président a été éloigné du périmètre du palais, Mushwabure, selon son propre témoignage, a escaladé le mur d'enceinte et est allé se cacher.

b)À Camp Muha

181.Venant de Camp Para, Bikomagu est arrivé à Camp Muha vers 4 heures.Gakoryo, selon tous les témoignages sauf le sien, se trouvait au camp avant que l'on y amène le Président Ndadaye.Il affirme néanmoins qu'à son arrivée, le Président était déjà là.


182.Le Président Ndadaye et sa famille sont arrivés à Camp Muha dans le véhicule blindé de Rugigana peu de temps après 7 heures.Le Président a été emmené dans un bureau où il a retrouvé Bikomagu, le Secrétaire d'État Gakoryo et Nibizi.Aucun de ces trois officiers n'a donné dans son témoignage des détails sur leur conversation avec le Président.Au bout d'une vingtaine de minutes, le Président a été ramené dans le véhicule blindé, où il a été rejoint par sa famille peu de temps avant 8 heures.
183.Selon le témoignage des officiers, des soldats rebelles au comportement menaçant sont arrivés devant Camp Muha entre 15 minutes et une demi?heure après le Président et ont exigé qu'on les laisse entrer.Aucun coup de feu n'a été tiré.

184.Vers 8 heures, après que, selon le témoignage de Nibizi, les soldats de celui-ci aient refusé d'obéir à ses ordres et de défendre le camp, les grilles de Camp Muha ont été ouvertes et un groupe de soldats est entré et a entouré le véhicule blindé et Bikomagu, Gakoryo et Nibizi qui se tenaient à côté du véhicule.Le Président et sa famille ont été traînés hors du véhicule.Le Président, s'adressant aux soldats en kirundi, leur a dit : "Dites-moi ce que vous voulez, on peut négocier, mais surtout pas d'effusion de sang, pensez à votre pays, pensez à vos familles".Bikomagu a alors dit aux soldats qu'il emmènerait Mme Ndadaye et les enfants.Selon le témoignage de Mme Ndadaye, Bikomagu a ajouté, en désignant le Président : "Voilà l'homme que vous cherchez.Faites-en ce que vous voulez".Dans son témoignage, Bikomagu a nié avoir tenu ces propos.Mme Ndadaye et ses enfants ont quitté le camp dans la jeep de Bikomagu, conduite par le chauffeur de celui-ci, et se sont rendus à l'ambassade de France.Les soldats ont fait monter le Président dans une jeep et l'ont emmené à Camp Para.Bikomagu, Gakoryo et Nibizi les ont accompagnés.

c)À camp Para

185.Vers 8 h 30, les soldats sont arrivés à Camp Para avec le Président, qui a été immédiatement entouré par une multitude de soldats.Selon leur témoignage, le lieutenant Kamana a dit à Nibizi de s'en aller avec Bikomagu et Gakoryo, parce que leur vie était en danger, ce qu'ils ont fait.Toutefois, selon un témoin, en arrivant à Camp Para, Bikomagu a de nouveau dit aux soldats : "Voilà votre homme".

186.Le major Rumbete, qui avait été libéré de prison et amené au Camp peu de temps auparavant, était présent lorsque le Président a été amené.

187.Le Président a été enfermé dans une pièce, gardée.

188.Peu de temps après, Kamana, qui, selon tous les témoignages sauf le sien, dirigeait les opérations, s'est adressé à un rassemblement de soldats.Il a ensuite établi une liste comportant les noms de certains officiers et a envoyé l'adjudant chef Mbonayo les chercher au mess des officiers.


189.Les témoignages n'ont pas permis de déterminer l'heure exacte de l'exécution du Président Ndadaye.Il semble qu'elle ait eu lieu dans les 30 minutes qui ont suivi son arrivée.Trois hommes du "11e Blindé", le caporal Philbert Nduwukumana, dit Kiwi, le caporal Ndayizeye, dit Runyutu, et un troisième homme, sont entrés dans la pièce.Apparemment, pendant que deux d'entre eux maintenaient le Président au moyen d'une corde enroulée autour de son cou, le troisième l'a poignardé.Nduwukumana, aujourd'hui en prison, a refusé de témoigner devant la Commission.Ndayizeye est toujours introuvable et le troisième homme n'a pas pu être identifié.Selon un témoin, après que les trois hommes soient entrés dans la pièce, quelqu'un a cadenassé la porte et les a enfermés à l'intérieur jusqu'à ce que Kamana, peu de temps après, demande la clef et les libère.Cette version des faits est réfutée par le témoignage de Kamana.
190.Vers 10 heures, les officiers énumérés sur la liste établie par Kamana qui avaient été convoqués au mess des officiers sont arrivés.Figuraient dans le lot le lieutenant-colonel Simbanduku; le major Nibizi; le major Alfred Nkurunziza, directeur d'un département au Ministère de la défense; le major Juvénal Nzosaba, commandant du bataillon du génie à Muzinda; le major Deo Bugegene, commandant de la base aérienne de Bujumbura; le major Hypax Ncacasaba; le lieutenant Ngomirakiza; le major Rumbete; le major Busokoza et le major Celestin Ndayisaba, commandant en second des écoles militaires.

191.Bikomagu, qui n'était pas sur la liste, les accompagnait.Il a fait libérer par les soldats le Chef du protocole et deux autres civils qui avaient été capturés et amenés au camp.

192.Le lieutenant Kamana a pris en charge les officiers et les a conduits dans une salle de réunion.Les témoignages divergent certes sur de nombreux points concernant ce qui s'est passé dans cette salle, mais la plupart concordent sur le fait que Kamana a présenté Ngeze, encore en survêtement, et a dit que les soldats exigeaient qu'il soit président.Selon un témoin, il leur a dit à ce moment-là que le Président et le Vice-Président de l'Assemblée nationale, Pontien Karibwami et Jules Bomazubute, ainsi que quelques ministres, avaient été tués.Comme on l'interrogeait sur le Président, il a répondu que celui-ci se trouvait au Camp et était vivant.Il a été alors convenu que Ngeze devrait accepter de prendre la succession, afin de "gérer la crise".Kamana est ensuite sorti de la salle et est retourné peu de temps après pour annoncer que le Président Ndadaye avait été tué.Simbanduku et un autre officier sont partis au mess informer les officiers qui s'y étaient rassemblés.

193.Vers 11 heures, Ngeze, accompagné par les autres officiers, s'est adressé aux troupes sur le terrain de football.Ngeze a annoncé qu'il acceptait d'assumer la présidence et a été acclamé.Il a été convenu que les soldats obéiraient de nouveau à leurs officiers et que Bikomagu reprendrait le commandement.Ngeze et les officiers ont alors quitté le Camp pour se rendre au mess des officiers.

d)À l'Etat-major

194.Vers 8 heures, Twagiramumgu s'est rendu à l'Etat-major.Kibati est resté seul officier de garde.

e)Au mess des officiers


195.Vers 7 heures, des officiers ont commencé à s'attrouper au mess, qui est situé près de Camp Muha.À 9 heures, la plupart des officiers en poste à Bujumbura étaient arrivés.Certains ont été amenés dans des camions militaires.De nombreux officiers prétendent avoir été empêchés par les soldats de quitter le mess.Bikomagu, toutefois, se déplaçait librement et Simbanduku a déclaré être rentré chez lui pendant un moment.
196.Vers 9 heures, Bikomagu, Gakoryo et Nibizi sont arrivés et ont annoncé que le Président était aux mains des soldats à Camp Para.Pendant qu'il se trouvait au mess des officiers, Bikomagu a reçu un appel téléphonique, à la suite duquel il a dit craindre que le Président Ndadaye ait été tué.

197.Selon un autre officier présent, des rumeurs ont commencé à circuler à ce moment-là selon lesquelles les soldats de Camp Para étaient sur le point de convoquer certains officiers.Peu de temps après, une demi?douzaine de soldats, conduits par l'adjudant chef Mbonayo, sont arrivés et ont lu la liste établie par Kamana.Le nombre et la composition de cette liste varient selon les témoignages.Selon Bikomagu, cette liste contenait les noms de 13 officiers.Le nom du lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui n'était pas présent, figurait sur la liste.

198.Mbonayo a demandé aux officiers dont les noms figuraient sur la liste de l'accompagner à Camp Para.Certains de ces officiers ont déclaré qu'ils avaient été obligés d'y aller, sans avoir été informés des raisons de cette convocation.Ils sont partis dans un minibus.

199.Bikomagu est parti en même temps pour Camp Para, dans son propre véhicule.Les autres officiers sont restés au mess.

200.Avant 11 heures, Simbanduku et Nsozaba sont revenus au mess et ont relaté les événements qui s'étaient produits à Camp Para, y compris la mort du Président.Simbanduku affirme qu'il est ensuite resté au mess, mais un témoin affirme qu'il est retourné à Camp Para.

201.Vers 11 heures, le groupe d'officiers est revenu de Camp Para, accompagné de Ngeze encore en survêtement, et de Bikomagu.Selon tous les témoignages sauf le sien, Simbanduku a présenté Ngeze comme étant le nouveau Président.Ngeze s'est adressé aux officiers pour leur dire que les soldats exigeaient qu'il prenne les commandes afin de "gérer la crise" et pour leur demander leur soutien.Ngeze, Bikomagu et les officiers qui étaient arrivés avec eux sont ensuite partis pour l'Etat-major, tandis que les autres officiers ont rejoint leurs unités.

J.Jeudi 21 octobre 1993 — dans l'après midi

a)À l'Etat-major

202.Ngeze et le groupe d'officiers qui l'accompagnait sont arrivés à l'Etat-major venant du mess vers midi.Ils y ont trouvé le lieutenant-colonel Sylvestre Ningaba, qui avait été libéré de prison à Rumenge, à 122 kilomètres de Bujumbura, où il se trouvait en détention sous l'accusation d'avoir mené la tentative de coup d'État du 3 juillet, et le commandant Hilaire Ntakiyica, également libéré de prison.


203.Bikomagu a organisé un "état?major de crise" composé de certains des officiers figurant sur la liste de Kamana et d'autres officiers de l'Etat-major.Simbanduku, Ndayizaba, Nzosaba et Nkurunziza en faisaient partie.
b)Ailleurs

204.Jean-Bosco Daradangwe, Directeur général de la communication au Ministère de la défense, a déclaré avoir reçu à 7 heures un message du Ministre Ntakije l'informant que le FRODEBU avait déjà "mobilisé ses troupes" et qu'il allait y avoir un bain de sang.Il s'est ensuite rendu à l'endroit où Ntakije se cachait et, sans entrer, a chargé quelqu'un de faire parvenir au Ministre un téléphone cellulaire.

VI.ANALYSE DES TÉMOIGNAGES

205.Le récit des événements qui a été donné ci-dessus d'après les témoignages ne peut absolument pas être considéré comme offrant des éléments de preuve fiables.La partialité y règne de bout en bout.À l'exception de quelques soldats et sous-officiers qui étaient en prison, la Commission n'a pu rencontrer que des officiers.Ceux-ci, y compris Kamana, ont tous soutenu que le coup d'État et les assassinats avaient été commis par des soldats rebelles qui avaient non seulement désobéi à leurs supérieurs mais aussi menacé de les tuer s'ils ne coopéraient pas.Toutefois, la Commission n'a pas pu avoir accès à ces présumés rebelles afin d'entendre leur témoignage.On peut comprendre que les prisonniers aient pour la plupart refusé de témoigner ou prétendu n'avoir rien fait ni rien vu.Il est évident que les officiers ont eu, durant plus de deux ans, suffisamment de temps pour comparer leurs notes et préparer leur exposé des événements de manière qu'il soit conforme à la version officielle de l'armée burundaise.En revanche, il aurait été matériellement impossible de convaincre plusieurs centaines d'appelés d'endosser la responsabilité, et de leur faire répéter leur rôle afin d'éviter les contradictions flagrantes.Or, les officiers ont apporté des témoignages très contradictoires et excipé de nombreux trous de mémoire, en particulier lorsqu'il ont répondu aux questions.


206.En examinant la version des officiers, il convient de se rappeler que le Burundi est entièrement tributaire de l'aide extérieure.Aucun gouvernement burundais ne peut espérer survivre sans l'apport des pays industrialisés et des organisations internationales, qui représente environ un tiers du produit national brut.Les recettes des exportations de café ne suffiraient même pas à entretenir l'armée, sans parler du Gouvernement et du niveau de vie auquel les hauts fonctionnaires ont été habitués.La fin de la guerre froide a supprimé la possibilité de faire jouer la rivalité entre l'Est et l'Ouest.Les pays industrialisés avaient déjà adopté à l'époque une politique concertée visant à encourager la démocratie en Afrique.Il fallait s'attendre à ce que ces pays s'opposent par des pressions irrésistibles à tout gouvernement de facto résultant d'un coup d'État militaire et dirigé ou contrôlé par les putschistes.Le souvenir des troupes françaises, belges et zaïroises intervenant au Rwanda pour défendre le Gouvernement de Habyarimana était encore très présent dans tous les esprits.Pour des officiers préparant alors un coup d'État, il aurait été essentiel de veiller, au moment de la prise effective du pouvoir, à feindre la réticence et à se poser en hommes résolus à aider le pays à sortir d'une crise dont ils n'étaient pas responsables.Des précédents existaient déjà.Le coup d'État qui avait renversé Bagaza cinq ans auparavant avait en fait trouvé son origine dans le mécontentement des soldats.D'autres précédents, tels que celui d'Haïti, montraient qu'il était également indispensable d'empêcher la fuite de toute personne susceptible de revendiquer une autorité démocratique légitime, en l'occurrence le Président Ndadaye et son successeur automatiquement désigné par la Constitution, le Président de l'Assemblée générale (art. 85 de la Constitution de la République du Burundi, annexe 2).
207.Il n'est pas possible d'ajouter foi à la version qui a été donnée des événements survenus au palais présidentiel.Pleinement conscients du danger imminent, les commandants militaires n'ont en réalité rien fait pour renforcer la garde du palais, empêcher les "soldats rebelles" d'atteindre ce dernier ou mettre le Président en lieu sûr.Selon cette version, un affrontement armé se serait déroulé pendant six heures entre "attaquants" et "défenseurs", avec des tirs d'artillerie, de roquettes et d'armes légères; or, personne n'a été tué et aucun véhicule blindé n'a été endommagé.Durant tout ce temps, sauf lors de sa tentative de fuite présumée par-dessus l'enceinte extérieure, le Président est resté isolé à l'intérieur d'un véhicule blindé, soi-disant pour sa protection, tandis que sa femme et ses enfants se trouvaient à l'intérieur du palais.Lorsque le Président a été rejoint par sa famille dans le véhicule, il n'a pas dit un mot sauf pour "demander" à être conduit au camp Muha.Le véhicule a alors quitté le palais, sans aucune réaction des "attaquants" qui disposaient au bas mot de 15 véhicules blindés, et a pu franchir sans obstacle plusieurs postes de contrôle gardés par des soldats "rebelles".Les faits établis donnent plutôt à croire que le Président était prisonnier, son silence en présence de sa femme et sa "demande" de gagner le camp Muha s'expliquant par le désir de sauver la vie de sa famille.

208.La version de ce qui s'est passé au camp Muha lorsque le Président y est arrivé dans le véhicule blindé manque également de crédibilité.Pour commencer, les "rebelles" ne s'étaient pas souciés d'assurer la sécurité des lieux, comme cela avait été le cas ailleurs, bien que Nibizi, qui commandait le camp, ait déclaré que ses soldats avaient refusé d'obéir à ses ordres de s'opposer aux "rebelles".Le commandant direct de l'armée, Bikomagu, se trouvait au camp et est resté avec le Président dans un bureau pendant au moins une demi-heure, aux côtés de Nibizi et de Gakoryo.Toutefois, il n'est fait mention d'aucune discussion et le Président n'a donné aucun coup de téléphone, bien qu'il soit établi que Bikomagu avait un appareil cellulaire.Aucune tentative n'a été faite pour cacher le Président ou le mettre en lieu sûr, bien qu'il ait été démontré que le véhicule armé pouvait circuler librement et qu'en tout état de cause, la frontière avec le Zaïre ne se trouvait qu'à 20 kilomètres.Le Président n'a repris place dans le véhicule blindé que pour être livré aux "troupes rebelles".La "pression des troupes rebelles" contre le camp se serait alors révélée irrésistible.Or, lorsque le véhicule blindé est arrivé au camp avec le Président, les véhicules blindés des "rebelles" au palais ne l'avaient pas suivi et aucun coup de feu n'a été tiré durant tout l'épisode.Bikomagu, qui avait été, suivant son témoignage, enlevé de son bureau par la force et détenu au camp Para quelques heures auparavant, a réussi sans effort à sortir des mains de ces mêmes "rebelles" la femme et les enfants du Président.Les faits tels que signalés donnent plutôt à croire que le Président était prisonnier et qu'il a été livré à ses bourreaux lorsqu'il a refusé de coopérer.


209.Au moment où ces événements se déroulaient, les officiers de la garnison de Bujumbura se trouvaient en majorité au mess.Certains ont déclaré qu'ils s'y étaient rendus afin d'aller aux renseignements, et d'autres qu'ils y avaient été conduits de force par les "rebelles".Tous ceux qui ont témoigné — à l'exception de Bikomagu et de Simbanduku qui ont admis avoir pu quitter librement les lieux — ont déclaré avoir été retenus contre leur gré.Ils se sont donc soumis passivement, sans tenter aucune action.Une telle conduite, de la part d'un groupe nombreux d'officiers, ne peut s'expliquer que par la complicité ou par une négligence et une lâcheté extrêmes.
210.Il est établi que les rebelles, en peu de temps, ont "attaqué" le palais, se sont emparés de la station de radio et de la compagnie de téléphone, ont neutralisé la base aérienne près de l'aéroport, ont saisi de hauts fonctionnaires, ont libéré des officiers de différentes prisons du pays, ont convoqué les officiers au mess et ont établi des postes de contrôle dans l'ensemble de la ville.Or, les officiers prétendent que tout cela s'est déroulé à l'initiative des sous-officiers du camp Para, en l'absence d'officiers, à l'exception du commandant qui prétend avoir été retenu de force dans un garage.Tandis que tous les officiers du camp Muha avaient eu pour ordre le jour précédent de passer la nuit dans leur camp avec les troupes, en raison de l'agitation des soldats du camp voisin de Para, aucun ordre de ce genre n'avait été donné aux officiers du camp Para qui auraient tranquillement dormi dans leur lit jusqu'à ce que Bikomagu les convoque beaucoup plus tard au camp Muha.

211.Les événements qui ont suivi immédiatement la mort du Président Ndadaye ajoutent à l'invraisemblance de la version des officiers.À peine le Président avait?il été assassiné que les officiers reprenaient en main leurs troupes et Bikomagu assurait de nouveau le commandement suprême de l'armée en y adjoignant la gendarmerie.Suivant toutes les informations obtenues, Bikomagu contrôlait effectivement le "comité de gestion de la crise" auquel il appartenait, Ngeze en étant l'homme de paille consentant.L'une des premières mesures prises par le comité a été d'ordonner aux commandants militaires provinciaux de se substituer aux gouverneurs.Bien que le comité ait eu censément pour unique but de normaliser la situation, en fait loin d'essayer de rendre le pouvoir au gouvernement civil, il a tenté de créer sans succès un "conseil de salut national" susceptible de donner une apparence de respectabilité.Ce n'est que trois jours plus tard — alors que presque tout l'intérieur du pays était plongé dans de sanglants massacres ethniques apparemment irrépressibles et que tout espoir d'approbation des pays donateurs était perdu — que le pouvoir a été remis au gouvernement civil, sans opposition des troupes soi?disant incontrôlables.

212.Il convient de se pencher tout particulièrement sur les activités de Bikomagu étant donné qu'en sa qualité de chef d'Etat-major général de l'armée, il commandait directement l'armée sous la tutelle du Ministre de la défense, conformément à la hiérarchie des forces armées burundaises.On trouvera ci?après un résumé de ses faits et gestes tels qu'ils ont été rapportés par lui?même ou par d'autres témoins :

—Le 11 octobre, il ordonne au chef des gardes du corps du Président, sans donner de raisons, de partir immédiatement pour Maurice et de ne pas revenir avant le 21 octobre;


—Le 20 octobre, vers 16 heures, le chef de cabinet du Président lui demande de vérifier les informations selon lesquelles le "premier para" et le "11e blindé" se préparaient à un coup d'État; il répond qu'il a personnellement inspecté ces unités et que tout est normal;
—Vers 23 h 30 le même jour, il dit à Gakoryo au téléphone que les soldats de ces deux unités ont mené beaucoup d'agitation dans l'après-midi, en menaçant même leurs officiers, et Gakoryo lui demande quelles mesures ont été prises afin d'empêcher les soldats de franchir les ponts de la rivière Muha;

—Il prétend qu'il dormait à 1 heure du matin lorsqu'un officier de l'Etat-major lui annonce au téléphone que la rébellion a commencé.Il serait resté chez lui jusqu'à 2 h 30 avant de se rendre à l'Etat-major en entendant des coups de canon;

—Vers 3 heures, il part, selon lui sous la contrainte de soldats rebelles, pour le camp Para, et s'y entretient avec Ngeze;

—Vers 4 heures, il quitte le camp Para et se rend au camp Muha.Il déclare avoir demandé à Nibizi d'envoyer quelqu'un prendre à leur domicile les officiers du "1er para" et du "11e blindé".Il prétend avoir dit à ces officiers d'aller reprendre en main leurs troupes;

—Il se trouve au camp Muha lorsque le Président y est conduit vers 7 heures et, aux côtés de Gakoryo et de Nibizi, s'entretient avec lui pendant un certain temps dans un bureau.Lorsque le Président est capturé par les soldats enragés et incontrôlables, il peut sans difficulté s'occuper de la femme et des enfants du Président et les faire conduire en lieu sûr dans sa jeep;

—Il suit les soldats qui avaient conduit le Président au camp Para.En arrivant au camp, il n'y reste pas du fait qu'il serait en danger de mort et se rend au mess où tous les officiers seraient retenus contre leur gré;

—Il retourne au camp Para à peu près au moment où le Président est tué, et la liste des officiers à rassembler est envoyée au mess;

—Il retourne au mess juste au moment où le groupe d'officiers part pour le camp Para et il les accompagne dans sa propre voiture;

—Au camp Para, il fait relâcher par les soldats trois civils capturés.Il déclare avoir personnellement conduit ces civils de l'autre côté de la ville;

—Il retourne au mess en même temps que Ngeze et le groupe d'officiers du camp Para.Au mess, il "reprend" le commandement de l'armée;


—Il se rend ensuite avec Ngeze et les officiers à son bureau de l'Etat-major et prend la tête d'un "comité" de trois personnes.Il s'adjoint alors le commandement de la gendarmerie et ordonne aux commandants militaires provinciaux de se substituer aux gouverneurs.Le comité convoque les diplomates et les dirigeants politiques pour essayer d'obtenir leur appui et s'efforce sans succès de constituer un "conseil de sûreté publique" pour exercer le pouvoir.Il diffuse un communiqué, lu par un officier au nom du conseil fictif, dans lequel il est déclaré sans nuance que toutes les unités des forces armées et de la gendarmerie se sont soulevées contre le gouvernement;
—Le comité exerce le pouvoir pendant trois jours et ne rétablit un gouvernement civil qu'après avoir été incapable de maîtriser le carnage qui se déroule dans l'ensemble du pays, malgré la répression sanglante menée par l'armée sous les ordres de Bikomagu, et après avoir perdu tout espoir de vaincre l'opposition catégorique de la communauté internationale;

—Après le rétablissement du pouvoir civil, Bikomagu reste à la tête de l'armée et de la gendarmerie, poste qu'il occupe encore actuellement.La version officielle du coup d'État est que seuls sont responsables les appelés et les sous-officiers des deux bataillons "rebelles".Les seuls officiers impliqués dans la préparation et l'exécution du coup d'État sont ceux qui avaient été libérés de différentes prisons, ainsi que deux lieutenants, tous s'étant depuis lors fort opportunément enfuis du pays.

VII.CONCLUSIONS

213.Bien que la Commission n'ait pas obtenu — et ce n'est guère étonnant vu les circonstances — de preuves directes sous forme de témoignages oraux ou écrits, elle considère que les preuves indirectes sont suffisantes pour lui permettre de conclure que l'assassinat du Président Ndadaye et de son successeur désigné par la Constitution a été prémédité dans le cadre du coup d'État qui a renversé le Président, et que le coup d'État a été préparé et exécuté par des officiers occupant des postes élevés dans la hiérarchie de l'armée burundaise.La Commission estime toutefois qu'étant donné les éléments de preuve dont elle dispose, elle n'est pas en mesure d'identifier les personnes qui devraient être traduites en justice pour ce crime.


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