I.CHAMP
DE L'ENQUÊTE SUR LES MASSACRES ET AUTRES ACTES DE VIOLENCE
214.Conformément
à son mandat, la Commission a mené une enquête sur
les massacres et autres actes de violence graves qui ont suivi l'assassinat
du Président Ndadaye.Étant
donné que la violence au Burundi n'a jamais cessé depuis
l'assassinat et en est la conséquence, la première tâche
que la Commission a dû accomplir a consisté à définir
le cadre temporel de l'enquête.
215.Comme
on l'a déjà déclaré, à la suite du putsch
du jeudi 21 octobre 1993 au cours duquel le Président Ndadaye a
été assassiné, le gouvernement civil a été
privé de l'exercice du pouvoir depuis cette date jusqu'au dimanche
24 octobre, ses membres ayant été tués, s'étant
réfugiés dans des ambassades étrangères ou
s'étant enfuis.Le pouvoir
effectif a été assuré par un comité qui a ordonné
le 21 octobre à tous les commandants militaires provinciaux de se
substituer aux gouverneurs.Ce n'est
que le samedi dans la soirée qu'un membre du comité a annoncé
le rétablissement du gouvernement constitutionnel.C'est
au cours de cette période du 21 au 24 octobre que la plupart des
actes de violence ont été commis.La
première mesure du gouvernement a été de procéder
à la pacification du pays au moyen d'un effort entrepris conjointement
sur l'ensemble du territoire par les autorités civiles, les dirigeants
politiques et les militaires.Cet
effort a réussi à faire cesser la plupart des massacres à
grande échelle, bien que la violence se soit poursuivie dans des
zones auxquelles le gouvernement n'avait pas accès et qu'elle n'ait
en fait jamais vraiment cessé.Une
période de coexistence relativement calme a suivi cet effort de
pacification avant que la situation ne recommence à se détériorer
gravement en 1995.La Commission
a donc estimé que son enquête devrait mettre l'accent sur
cette période de violence, d'une durée de quelques jours,
qui a immédiatement suivi l'assassinat.
216.L'enquête
a porté sur les actes commis contre les Tutsis et certains Hutus
de l'UPRONA par des membres de la population hutue et sur ceux qui ont
été commis contre les Hutus par les militaires et par les
civils tutsis.
217.En
ce qui concerne la nature de l'enquête, la Commission, comme on l'a
déclaré, a conclu que son mandat ne pouvait être interprété
comme exigeant qu'elle enquête sur chacun des actes de violence et
en détermine le ou les auteurs.Elle
s'est donc attachée avant tout à déterminer si ces
actes, dirigés contre des Tutsis ou des Hutus, faisaient apparaître
une tendance susceptible d'indiquer la présence de plans, d'ordres,
d'encouragements ou de négligences criminelles de la part de supérieurs,
ou s'ils pouvaient avoir été le résultat d'initiatives
spontanées ou purement locales.
218.Étant
donné qu'au moment où ces actes de violence se sont produits,
aucune possibilité de communication n'existait entre les civils
au niveau des communes ou à un échelon inférieur —
les téléphones et la station de radio ne fonctionnant pas
— la similitude de comportements inhabituels dans des endroits très
éloignés les uns des autres pouvait constituer un indice
de préméditation.La
manière dont ces actes ont été commis pouvait également
indiquer si la violence avait uniquement des motifs politiques ou si elle
visait délibérément à exterminer un groupe
ethnique.
219.Ayant
cet objectif en vue et compte tenu des limites imposées par l'insuffisance
des moyens mis à sa disposition, la Commission s'est employée
à choisir certaines communes de province qui pouvaient être
considérées comme représentatives à l'égard
des événements en question.
220.Selon
toutes les informations disponibles, les provinces du pays n'ont pas toutes
été pareillement touchées par les actes de violence
commis durant la période examinée.La
violence a relativement épargné certaines zones, en particulier
au sud, où les Tutsis sont relativement plus nombreux.La
Commission n'a pas pu avoir accès à la plupart des provinces
gravement touchées en raison des actes de violence que continuaient
apparemment de commettre les rebelles et l'armée.Tel
était le cas des provinces voisines du Zaïre et de la République-Unie
de Tanzanie, ainsi que de la province de Karuzi.Les
provinces frontalières de la République-Unie de Tanzanie
posaient un problème supplémentaire, à savoir que
leur éloignement de Bujumbura excluait des missions d'une journée
par voie terrestre.
221.Ces
considérations ont limité le choix de la Commission à
cinq provinces, parmi lesquelles elle en a retenu quatre : Gitega, Kirundo,
Muramvya et Ngozi.Les enquêtes
menées à Kirundo ont dû être interrompues après
deux missions pour la raison énoncée ci-après.
222.Dans
chacune de ces provinces, certaines communes représentatives ont
été choisies : Bugendana, Giheta et Gitega dans la province
de Gitega; Mbuye, Kiganda et Rutegama dans la province de Muramvya; Kiremba,
Mwumba, Tangara et Ruhororo dans la province de Ngozi; Vumbi et Kirundo
dans la province de Kirundo.