III.POSSIBILITÉS
D'ACCÈS AUX ÉLÉMENTS DE PREUVE
233.Plusieurs
facteurs ont rendu difficile l'accès aux éléments
de preuve.
A.Insécurité
234.Les
provinces et communes dans lesquelles la Commission a effectué son
enquête sont situées dans la partie centrale et septentrionale
des hauts plateaux du centre du Burundi.Comme
on l'a déjà souligné, il existe à l'heure actuelle
une séparation ethnique et un affrontement généralisé
dans la région, qui est également caractérisée
par une activité de guérilla et des répressions brutales.Il
ne s'est guère écoulé de journée sans que soit
signalés des incidents violents et des victimes civiles, chaque
partie en rejetant la responsabilité sur l'autre.Cette
situation a lourdement pesé sur la conduite de l'enquête.L'ensemble
de la province de Gitega a été inaccessible pendant plusieurs
semaines.La commune de Bugendana
n'a pu être atteinte que vers la fin de la mission.Les
régions du nord de Gitega et de Muramvya ont été la
scène d'activités constantes de la guérilla et de
l'armée.La Commission a dû
se reposer pour sa sécurité sur la gendarmerie burundaise,
elle-même engagée dans des opérations.Les
équipes d'enquête n'ont pas pu, sans s'exposer à un
risque extrême de violence de l'une ou de l'autre partie, se rendre
dans des régions jugées peu sûres par la gendarmerie.
B.Séparation
ethnique
235.La
séparation ethnique virtuelle existe maintenant dans toutes les
communes visitées.Les Tutsis
vivent dans la capitale des provinces et dans les camps de personnes déplacées,
sous la protection de l'armée.Dans
la plupart des communes, seuls les Hutus demeurent dans la campagne.Les
Hutus qui habitent toujours dans les villes ou qui se rendent dans les
marchés manifestent une peur constante.Les
Tutsis des camps sortent dans la journée pour cultiver les champs
des collines voisines (certaines ayant été débarrassés
des Hutus) et reviennent avant la tombée de la nuit.Certains
cultivateurs hutus appartenant à l'UPRONA vivent également
dans les camps.
236.La
Commission a pu accéder sans entrave aux camps de personnes déplacées.
Les camps eux-mêmes sont placés sous l'autorité d'un
chef de camp et du commandant du détachement de protection de l'armée.L'accès
aux personnes déplacées a été la plupart du
temps obtenu par l'entremise du chef de camp, qui est souvent aussi un
dirigeant politique local.Très
peu de résidents des camps sont venus témoigner de leur propre
initiative.
237.Il
a été très difficile d'avoir accès aux Hutus,
sauf à ceux qui se trouvaient en prison.Dans
les villes, les Hutus se sentaient étroitement surveillés
et craignaient de subir des représailles pour s'être simplement
mis en rapport avec la Commission.Sur
le terrain, la Commission s'est trouvée devant un dilemme : d'une
part, si elle se déplaçait avec des gendarmes, leur présence
alarmerait les Hutus; d'autre part, si elle se passait de protection, elle
risquait de provoquer des incidents susceptibles d'être commis par
l'une ou l'autre des parties.Néanmoins,
en écartant son escorte militaire et en bénéficiant
de l'appui précieux des officiers de la MIOB, la Commission a réussi
à établir des contacts limités avec des cultivateurs
hutus.On a cru toutefois savoir
que certains Hutus qui avaient contacté la Commission avaient été
par la suite harcelés, ce qui a posé à la Commission
non seulement un problème pratique mais également un cas
de conscience.
C.Absence
de pouvoirs judiciaires
238.L'enquête
a été considérablement entravée par le fait
que la Commission manquait de tout pouvoir de contrainte pour convoquer
les témoins ou amener les autorités à en produire,
pour procéder à des inspections directes et faire traduire
les dossiers et les archives, et pour exiger la présentation des
documents.Bien que la Commission
ait constamment bénéficié de la coopération
polie des autorités judiciaires locales (procureurs et juges) et
qu'elle ait pu avoir accès sans restrictions aux prisonniers, elle
dépendait entièrement de ces autorités pour obtenir
des informations concernant toutes les procédures pénales.Les
pièces des procès et des tribunaux étaient pour la
plupart écrites en langue kirundi et, en raison des règles
de confidentialité, la Commission n'a pas pu en établir des
copies ou les faire traduire par son propre personnel.Elle
a donc dû se fier aux traductions orales des juges et des procureurs
burundais eux-mêmes.Une demande
faite au Ministère de la défense afin d'obtenir les enregistrements
des communications militaires durant la période examinée
n'a pas abouti.
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