VIII.LA
PROVINCE DE MURAMVYA
A.Géographie
et population
316.La
province de Muramvya jouxte les provinces suivantes : Kirundo au nord,
Bubanza et Bujumbura à l'ouest, Gitega à l'est, et Bururi
au sud.Elle s'étend sur
les hauteurs centrales, avec une partie escarpée à l'ouest,
sur les pentes orientales de la chaîne qui sépare les bassins
du Nil et du Zaïre.Elle est
traversée par deux grand-routes goudronnées : la route de
Bujumbura à Gitega, qui la traverse d'ouest en est par le milieu
en passant par la capitale de la province, la ville de Muramvya, à
48 kilomètres de Bujumbura et la route vers Kayanza et le Rwanda,
qui bifurque vers le nord à Bugarama, à 13 kilomètres
à l'ouest de la ville de Muramvya.Une
autre grande artère, qui n'est pas goudronnée, va également
de Bujumbura à Gitega, traversant le sud de la province d'ouest
en est.Sur cette route, Mwaro, se
trouve une garnison de l'armée.La
province a une superficie de quelque 1 530 kilomètres carrés
et, d'après le recensement de 1990, elle comptait alors 440 000
habitants.On n'a pas pu obtenir
de chiffres concernant la proportion de Hutus par rapport aux Tutsis, mais
dans le sud et dans une partie de l'est de la province, il y a nettement
plus de 15 % de Tutsis, ce qui correspond aux chiffres estimatifs pour
l'ensemble du pays.La province compte
11 communes.Les trois dans lesquelles
la Commission a enquêté — Kiganda, Mbuye et Rutegama — se
trouvent toutes dans le nord-ouest de la province.Selon
les informations reçues, la partie sud de la province a été
relativement peu touchée par les massacres.
B.Assertions
et informations concernant les événements dans la province
317.La
Commission a reçu plusieurs documents concernant les événements
survenus à Muramvya pendant la période sur laquelle porte
l'enquête, certains traitant de l'ensemble de la province, d'autres
consacrés à certaines localités.Certains
contiennent des listes de victimes ou de responsables.Des
rapports ont été présentés par les deux principaux
partis politiques, l'UPRONA et le FRODEBU, et par des groupes associés,
des organisations burundaises des droits de l'homme et diverses associations
prétendant représenter les victimes et les survivants.
318.Selon
le rapport de la FIDH, le Gouverneur de Muramvya, un Tutsi qui appartient
au FRODEBU, a déclaré avoir été réveillé
le jeudi 21 octobre à 2 h 30 par un coup de téléphone
du Gouverneur de Gitega l'informant qu'un coup d'État était
en cours.Après avoir vainement
tenté de contacter par téléphone les autorités
supérieures à Bujumbura, il a rappelé le Gouverneur
de Gitega et tous deux ont convenu de faire bloquer les routes.Il
est donc sorti à 3 heures du matin sur la route principale qui relie
Bujumbura à Gitega, d'abord dans la direction de Rutegama puis dans
l'autre direction, vers Bugarama, en s'arrêtant en route pour donner
des instructions.De retour dans
la capitale de la province, le Gouverneur est resté dans son bureau,
où il a parlé avec des responsables locaux.Les
officiers locaux ne soutenaient pas le coup d'État.Dans
l'après?midi, ayant été prévenu que des soldats
étaient venus de Bujumbura avec l'ordre de le tuer, il s'est caché
jusqu'au 26 octobre.Selon lui, malgré
de fortes tensions politiques et ethniques, il n'y a pas eu de massacre
dans la capitale de la province le jeudi.
319.Les
assertions et informations concernant les événements dans
les communes qui ont fait l'objet d'une enquête sont mentionnées
dans chaque cas.
C.Travaux
de la Commission
320.Après
une première mission en novembre 1995, la Commission a travaillé
sur le terrain du 27 février jusqu'au 31 mai 1996, avec quelques
interruptions parce que la route de Bujumbura étaient coupée.Elle
a entendu 285 témoins (169 Tutsis et 116 Hutus) y compris des prisonniers,
dans la prison locale et à Bujumbura.Dans
toutes les communes où elle a enquêté, elle s'est rendue
dans tous les camps de personnes déplacées et dans la plupart
des collines.
D.Commune
de Kiganda
a)Description
de la commune
321. La
commune de Kiganda jouxte au nord la commune de Mbuye, à l'ouest
la commune de Muramvya, au sud les communes de Rusaka et Ndava et à
l'est la commune de Rutegama.La
grand-route asphaltée qui va de Bujumbura à Gitega en longe
la limite nord, sur la rive droite du Mubarazi.La
commune est divisée en deux zones : Gatabo au nord et Kiremba au
sud.Le chef-lieu se trouve à
8 kilomètres environ au sud de la route principale et à une
quarantaine de kilomètres de la capitale de la province.La
garnison de l'armée à Mwaro se trouve à 23 kilomètres
au sud, elle est accessible par une route secondaire non goudronnée.
b)Assertions
et informations
322.Selon
des rapports de la SONERA et une association prétendant représenter
les victimes, des Tutsis ont été attaqués et massacrés
par des Hutus le jeudi 21 octobre et les jours suivants.Ces
rapports ne contiennent pas de description détaillée des
événements mais ils donnent des listes de responsables présumés
et des victimes.Ils traitent tous
les deux de la zone Gatabo dans le nord.On
ne signale pas de massacres dans la zone de Kiremba.
323.Selon
le récit des événements publié par le FRODEBU,
le vendredi 22 octobre et les jours suivants, des Hutus ont été
invités à des rencontres par des personnalités tutsies
puis fusillés par l'armée.Selon
le même rapport, les attaques de civils par l'armée se seraient
poursuivies pendant un mois.Les
noms de certains responsables et des victimes de ces actes sont donnés.
c)Déroulement
des faits selon les témoignages
—Chef-lieu
324.Selon
tous les témoignages, il n'y a pas eu d'actes de violence dans le
chef?lieu le jeudi 21 octobre.Pendant
la journée, des Tutsis fuyant la commune voisine de Rutegama ont
commencé à arriver.Un
détachement de soldats de la garnison de Mwaro, dans le sud, est
arrivé dans la soirée.Le
lendemain, des Tutsis fuyant Rutegama ont continué à arriver
au chef-lieu.Le samedi 23 octobre,
deux Hutus ont été tués par des soldats et les Hutus
ont commencé à fuir la colline.
—Colline
Gahweza
325.Sur
la colline Gahweza, à 8 kilomètres environ au sud du chef-lieu,
on ne signale pas d'attaques contre les Tutsis.Le
jeudi 23 octobre et les jours suivants, selon des témoins hutus,
des civils tutsis armés de la colline, avec des Tutsis d'autres
collines, ont lancé des attaques contre les Hutus, tuant des hommes,
des femmes et des enfants.
—Autres
collines au sud du chef-lieu
326.Selon
tous les témoins, il n'y a pas eu d'actes de violence dirigés
contre les Tutsis sur les collines au sud du chef-lieu.
—Colline
Murambi
327.La
colline Murambi est délimitée au nord par le Mubarazi et
la route asphaltée principale, sur laquelle se trouve Gatabo, chef-lieu
de la zone Gatabo.Le reste de la
colline au sud est très escarpé.
328.Le
Gouverneur de Muramvya s'est arrêté à Gatabo au petit
jour le jeudi 21 octobre.Peu après
son passage, des Hutus menés par les dirigeants locaux du FRODEBU
ont commencé à abattre les arbres et à couper les
ponts pour bloquer les routes.Les
hommes tutsis ont été réunis et contraints de les
aider.Certains d'entre eux sont
revenus chez eux le jour même, d'autres ont été gardés
au chef-lieu jusqu'au samedi 23 octobre, puis ils ont été
libérés sains et saufs.
329.Sur
la hauteur au sud de Gatabo, les Tutsis n'ont pas été mis
à mal le jeudi 21 et le vendredi 22 octobre.Toutefois,
le samedi 23 octobre des Hutus qui avaient participé aux massacres
dans la commune voisine de Rutegama et qui sont arrivés à
Murambi en fuyant les soldats et, sous leur direction, les Hutus locaux
ont rassemblé les Tutsis dans la maison d'une coopérative,
puis les ont emmené au bord du Mubarazi pour les tuer.
—Colline
Nyagisozi
330.Sur
la colline Nyagisozi, à 3 kilomètres environ à l'ouest
de Gatabo, selon les témoins tutsis, des Hutus dirigés par
le chef de zone ont emmené les hommes tutsis de chez eux et les
ont tués.Ils en ont emmené
certains au bord du Mubarazi pour les tuer.
—Colline
Kivyeyi
331.Sur
la colline Kivyeyi, à 6 kilomètres environ au sud-ouest de
Gatabo, selon des témoins tutsis, des Hutus ont réuni des
hommes tutsis le jeudi 21 octobre et ils les ont forcés à
les aider à bloquer les routes.Ils
les ont gardés captifs la nuit et le lendemain, ils les ont emmenés
au bord du Mubarazi où ils ont été tués.Selon
un témoin hutu, on n'a pas tué de Tutsis sur la colline Kivyeyi.
—Colline
Martyazo
332.Sur
la colline Martyazo, à 3 kilomètres de Gatabo, selon des
témoins tutsis, le 23 octobre, des Hutus dirigés par le chef
de la colline ont réuni des hommes tutsis, les ont emmenés
au bord du Mubarazi pour les tuer et sont retournés piller et brûler
leurs maisons.
—Colline
Kanegwa
333.Sur
la colline Kanegwa, à 5 kilomètres de Gatabo, selon des témoins
tutsis, à la fois des Hutus et des Tutsis ont participé au
blocage des routes le jeudi 21 octobre.La
nuit cependant, les Hutus ont encerclé les maisons des Tutsis pour
les empêcher de fuir.Le lendemain,
les hommes, femmes et enfants tutsis on été capturés
et emmenés au bureau de l'UPRONA de la colline.Les
hommes et les enfants ont été emmenés près
d'une rivière voisine et tués, les femmes ont été
violées et tuées ensuite.
E.Commune
de Mbuye
a)Description
de la commune
334.La
commune de Mbuye jouxte au nord la province de Kayanza, à l'est
la province de Gitega, au sud les collines de Rutegama, Kiganda et Muramvya
et à l'ouest la commune de Muramvya.Le
chef-lieu se trouve près de la limite nord de la commune, sur la
colline Teka à une dizaine de kilomètres, par la route de
terre qui bifurque de la grand-route goudronnée de Kayanza, à
une trentaine de kilomètres de la ville de Muramvya.
b)Assertions
et informations
335.Un
rapport présenté par une association prétendant représenter
les victimes et les survivants précise que le jeudi 21 octobre,
l'Administrateur communal a tenu une réunion au chef-lieu à
10 heures du matin avec d'autres dirigeants du FRODEBU, après quoi
des groupes hutus ont commencé à bloquer des routes et à
empêcher les Tutsis de circuler librement.
336.Le
vendredi après-midi, des Hutus armés ont attaqué des
Tutsis sous la direction du chef de zone de la zone de Gasura.Le
massacre s'est poursuivi jusqu'au samedi.
337.Des
rapports présentés par une autre association et par la SONERA
donnent la même description des événements.
338.Selon
un rapport du FRODEBU, le jeudi 21 octobre, sur la colline Kirembera, des
Tutsis de l'UPRONA, équipés d'armes à feu, ont tué
des résidents hutus et pillé leurs biens.
339.Le
dimanche 24 octobre, des unités militaires accompagnées par
des étudiants tutsis de l'UPRONA sont arrivées, tuant des
Hutus et détruisant leurs biens.À
la fin de novembre, une nouvelle vague de raids militaires a commencé
sur les collines Buyaga, Teka et Bigwana, tuant de nombreux Hutus, dont
certains ont été enterrés dans une fosse commune dans
les marécages près de Nyanza.
c)Déroulement
des faits selon les témoignages
—Chef-lieu
340.Au
chef-lieu, sur la colline Teka, à côté du bureau de
l'Administrateur communal, il y a un "centre de négoce" — quelques
magasins, un marché, une école et une église.Quelques
policiers armés de revolvers gardaient le chef-lieu le jeudi 21
octobre.Selon des témoins
tutsis, ce jour, au petit matin, les résidents de la colline Teka
ont appris de l'Administrateur communal que l'armée s'était
emparée du Président Ndadaye.L'Administrateur
communal aurait porté la nouvelle aux collines voisines en motocyclette,
empruntant la route de Kibumbu, et traversant Buyaga, Bigwana, Kirika et
Kibumbu.Les chefs de zone et les
chefs de secteur auraient également circulé dans les collines
de la zone Gasura, traversant la colline Buhungura.Dans
la journée, les ponts ont été coupés et des
arbres ont été abattus pour bloquer les routes.
341.Dans
l'après-midi, des fonctionnaires et des enseignants se sont réunis
et ont formé deux groupes selon leur origine ethnique.Un
groupe de jeunes Hutus, qui aurait été organisé par
un maître d'école, est arrivé, armé de machettes
et de matraques et a patrouillé la colline jusqu'au soir.
342.Le
vendredi matin, un groupe de jeunes Hutus armés est arrivé
de la colline Buyaga et a commencé à attaquer des Tutsis.Il
y a eu un affrontement avec les Tutsis au chef-lieu, où le juge
local, un Tutsi, a été attaqué et blessé, puis
transporté à un hôpital voisin.Dans
l'après-midi, un maître d'école tutsi dénommé
Basile a été tué.La
police locale a tenté de maintenir l'ordre, allant jusqu'à
tirer en l'air mais elle était trop peu nombreuse pour être
efficace.Plus tard dans l'après-midi,
un autre Tutsi a été tué au chef-lieu.
343.Un
groupe de Tutsis, formé de femmes, d'enfants et de vieillards, a
cherché refuge dans l'église paroissiale.Quelques-uns
des enseignants et fonctionnaires tutsis ont réussi à s'enfuir
dans la nuit jusqu'à la capitale de la province.
344.Le
samedi 23 octobre, les massacres de Tutsis se sont poursuivis.Un
groupe de Hutus armés est arrivé, a menacé les prêtres
et a fouillé l'église mais non le presbytère où
étaient cachés les Tutsis.
345.Sur
l'autre versant de la colline Teka, de jeunes Hutus armés auraient
réuni les hommes tutsis dans une plantation d'eucalyptus et les
auraient tués, laissant leurs corps par terre.Ils
ont épargné les femmes et les enfants.
346.Selon
des sources militaires, une patrouille a réussi à gagner
le chef-lieu le vendredi 22 octobre et a trouvé des Hutus armés
réunis devant l'église mais ceux-ci se sont dispersés
pacifiquement.Les militaires ont
alors ouvert un camp pour les Tutsis déplacés sur la colline
voisine de Mbuye.Les jours suivants,
ils sont revenus au chef-lieu sans incident.Ce
récit a été confirmé par des témoins
indépendants.
—Colline
Bigwana
347.La
colline Bigwana se trouve à 5 kilomètres environ à
l'est du chef-lieu.Le jeudi 21 octobre,
des Hutus ont abattu des arbres pour couper les routes.Ils
ont battu un soldat qui était en permission et l'ont empêché
de quitter la colline.
348.On
ne signale pas d'assassinats sur la colline vendredi.
349.Le
samedi, des hommes, femmes et enfants tutsis qui s'étaient réunis
en un seul groupe ont été attaqués par des Hutus.Beaucoup
ont été tués, dont le soldat qui avait été
battu jeudi.Des attaques contre
des Tutsis se sont poursuivies dimanche et lundi.Des
maisons appartenant à des Tutsis ont été brûlées.Les
attaques contre les Tutsis auraient été lancées à
l'instigation de Hutus de la commune de Rutegama, qui étaient arrivés
à Bigwana le vendredi soir.
—Colline
Buhangura
350.Sur
la colline Buhangura, à 4 kilomètres environ au sud du chef-lieu,
selon des témoins tutsis, les Hutus auraient tué des hommes
et adolescents tutsis le vendredi 22 octobre.Certains
des meurtriers venaient de Mubuga, la colline voisine.Les
témoins hutus ont décrit les événements comme
un affrontement violent entre les deux groupes ethniques, à la suite
de provocations des Tutsis, qui ont obligé de nombreux Hutus à
fuir et ce, jusqu'à l'arrivée des militaires le dimanche,
bien qu'on ne signale pas de victime hutue pendant ce temps.Ils
ont ajouté que les soldats tiraient sur la population à l'aveuglette,
tuant même des Tutsis.
—Colline
Buyaga
351.La
colline Buyaga se trouve à 3 kilomètres environ à
l'est du chef-lieu.
352.Selon
des témoins hutus, il n'y a pas eu de massacres à Buyaga
le jeudi ou le vendredi, même si des Hutus venus de la colline Rango
ont brûlé quelques maisons tutsies.
353.Selon
des sources militaires, une patrouille de 24 hommes venus du chef-lieu
le samedi 23 octobre a dû ouvrir le feu sur des Hutus qui défendaient
un barrage routier, faisant trois morts, dont une femme.Selon
un témoin hutu cependant, les militaires ont réuni les Hutus
et ont ensuite tiré dans le tas.Il
faisait état de plus de 100 morts hutus et il a montré à
la Commission l'emplacement d'un charnier où des ossements humains
se trouvaient près de la surface.
—Colline
Kibumbu
354.Sur
la colline Kibumbu, à 8 kilomètres environ au nord-est du
chef-lieu, selon des témoins tutsis, l'Administrateur communal est
arrivé en motocyclette le jeudi 21 octobre le matin et a donné
ordre aux Hutus locaux de bloquer les routes.Le
soir, les Tutsis fuyant de la colline voisine Ngezi/Nete ont commencé
à arriver à Kibumbu.Le
vendredi soir, des Tutsis ont été attaqués par des
Hutus et beaucoup ont été tués.
355.Selon
un témoin hutu, un affrontement armé a éclaté
entre les Hutus et les Tutsis de la colline, avec des renforts de Tutsis
venus d'une autre colline.L'affrontement
s'est poursuivi jusqu'au dimanche 24 octobre quand les soldats sont arrivés,
tuant 18 Hutus.Ce témoin
cependant n'a pas pu identifier de victimes hutues de cet affrontement.
356.Selon
des sources militaires, une patrouille militaire est allée à
Kibumbu le mercredi 27 octobre pour saisir des armes.Des
témoins hutus ont affirmé que, ce jour, des militaires avaient
ouvert le feu sur un groupe de Hutus, faisant beaucoup de morts.
—Colline
Ngezi/Nete
357.Sur
la colline Ngezi/Nete, à une dizaine de kilomètres à
l'est du chef-lieu, selon des témoins tutsis, l'Administrateur communal
est arrivé le jeudi 21 octobre et, peu de temps après, les
Hutus ont bloqué des routes avec des arbres abattus.Les
Tutsis se sont réunis pour se protéger et ils n'ont pas été
attaqués.Des Hutus, menés
par un dirigeant local du FRODEBU, ont pillé et brûlé
les maisons des Tutsis.Selon un
témoin hutu, ces actes auraient été commis par des
gens venant d'autres collines.
—Colline
Taba
358.Aucun
témoin tutsi des événements survenus sur la colline
Taba, à 10 kilomètres à l'est du chef-lieu, n'a été
entendu.Un témoin hutu qui
avait fui la colline le jeudi 21 octobre a déclaré qu'à
son retour le dimanche suivant des cadavres tutsis gisaient par terre et
les maisons appartenant à des Tutsis avaient été brûlées.Les
témoins hutus prétendent avoir été ailleurs
ou être restés chez eux et nient avoir assisté à
des actes de violence.Ils disent
que les militaires ont tué de nombreux Hutus à leur arrivée
sur la colline quelques jours plus tard.
—Colline
Masama
359.Sur
la colline Masama, à 10 kilomètres environ au sud du chef-lieu,
selon des témoins tutsis, dans la soirée du jeudi 21 octobre,
des Hutus ont capturé des hommes tutsis chez eux et les ont emmenés
au bord du Mubarazi, qui coule à proximité, et les ont tués.Le
lendemain, les Hutus, auxquels se sont joints quelques Twas, ont violé
des femmes tutsies et les ont tuées, ainsi que leurs enfants.Certaines
ont été brûlées dans leur maison.L'emplacement
de ce qui serait un charnier a été montré à
la Commission.Certains Hutus ont
aidé des voisins tutsis à s'enfuir.
F.Commune
de Rutegama
a)Description
de la commune
360.La
commune de Rutegama jouxte au nord la commune de Mbuye, à l'ouest
la commune de Kiganda, au sud la commune de Ndava et à l'est la
commune de Ndava et la province de Gitega.Elle
est traversée d'est en ouest, près de sa limite nord, par
la grand-route de Bujumbura à Gitega.Le
chef-lieu se trouve sur cette route, à 30 kilomètres de la
capitale de la province et à 35 kilomètres de la ville de
Gitega.
b)Assertions
et informations
361.Selon
le rapport de la FIHD, le Gouverneur a reconnu que des Tutsis avaient été
pris en otages le jeudi 21 octobre, réunis au chef-lieu et tués
dans la soirée et que des femmes et des enfants avaient été
tués le lendemain, estimant le nombre de morts à 200.Selon
le rapport, les sources tutsies estiment le nombre de morts à plus
de 1 000 et les sources médicales confirment que presque tous les
Tutsis de la commune ont été tués.Les
témoins tutsis disent que l'Administrateur communal a participé
aux assassinats.
362.Le
rapport précise que le dimanche 24 octobre, les militaires sont
arrivés de Mwaro et Gitega et ont nettoyé la colline pendant
plusieurs jours, tirant sur la population avec des mitrailleuses et faisant
des centaines de morts et de blessés.Ils
ont pillé et brûlé les boutiques au chef-lieu.
363.Selon
un rapport présenté par une association prétendant
représenter des victimes tutsies et hutues appartenant à
l'UPRONA, le Gouverneur de Muramvya serait venu tôt le jeudi 21 octobre
et aurait donné des instructions à l'Administrateur communal
et au dirigeant local du FRODEBU.À
l'aube, l'Administrateur communal a fait le tour de la commune, donnant
des instructions aux fonctionnaires locaux.Peu
de temps après, des arbres ont été abattus et des
ponts détruits pour bloquer les routes et une foule de Hutus armés,
dont des fonctionnaires et des membres de milices hutues, s'est réunie
au chef-lieu.L'Administrateur communal
a alors invité les Tutsis et les Hutus de l'UPRONA à se réunir
au chef-lieu pour une réunion de réconciliation.Ceux
qui sont venus ont été ligotés à 14 heures.Les
hommes ont été placés dans une salle communale et
dans des cellules, les femmes dans un bureau.Les
hommes ont été tués le jour même, les femmes
le lendemain.Les corps ont été
jetés dans des latrines ou enterrés dans des charniers.
364.Sur
la colline Munanira, un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants tutsis
a été réuni par des Hutus et conduit à l'école
primaire de Kirehe.Les Hutus ont
alors retiré les tuiles du toit et jeté du bois allumé,
brûlant certains et en asphyxiant d'autres.Les
corps ont été mutilés et jetés dans les latrines
de l'école.
365.Un
rapport présenté par la SONERA confirme généralement
ces accusations et en attribue la responsabilité directe au Gouverneur.
366.Selon
un rapport du FRODEBU, 465 de ses membres ont été tués
en représailles, des maisons ont été brûlées
et des biens détruits dans toute la commune.
c)Déroulement
des faits selon les témoignages
—Chef-lieu
367.Toutes
les sources sont d'accord pour dire que le Gouverneur est venu dans le
chef-lieu aux petites heures du jeudi 21 octobre, qu'il y a rencontré
l'Administrateur communal et que le matin les routes ont été
bloquées dans toute la commune.
368.Un
groupe de jeunes Hutus membres d'une milice du FRODEBU (INZARAGUHEMUKA)
d'une colline voisine, armés de machettes, seraient venus au chef-lieu
le jeudi matin et se seraient entretenus avec l'Administrateur avant de
retourner à leur colline.Selon
les rapports de témoins des Tutsis, généralement confirmés
par certains témoins hutus, les Tutsis du chef-lieu et des collines
environnantes ont été réunis et placés dans
des bureaux.Les hommes ont été
ligotés et mis dans la salle communale et des cellules, les femmes
et les enfants ont été mis dans un entrepôt.Dans
l'après-midi, les hommes ont été tués.Les
femmes et les enfants ont été tués le lendemain.
369.Certains
Hutus du FRODEBU qui ont été accusés d'avoir participé
à ces événements reconnaissent avoir été
présents pendant la matinée, mais disent être partis
quand ils ont vu que la situation se dégradait.
—Colline
Munanira
370.Sur
la colline Munanira, selon des témoins tutsis, des hommes, femmes
et enfants tutsis ont été réunis et enfermés
par des Hutus dans une école dans la soirée du jeudi 21 octobre.Le
lendemain matin, le toit de l'école a été mis à
feu et tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur ont été
tués lorsqu'ils essayaient de s'enfuir.Les
témoins hutus nient avoir assisté à ces événements.
371.La
Commission a entendu le témoignage de plusieurs personnes accusées
d'avoir participé à ce massacre.Elles
nient avoir vu le massacre ou y avoir pris part.
372.La
Commission n'a pas pu se rendre sur place au cours de son enquête,
car l'insécurité persistait dans la région.
—Colline
Nyarunazi
373.Sur
la colline Nyarunazi, immédiatement au nord du chef-lieu, selon
des témoins tutsis, les Tutsis ont été réunis
par des Hutus de la colline aidés par des Twas et ils ont été
emmenés au chef-lieu, où ils ont été tués
plus tard. Des Tutsis ont
également été tués à l'école
de Kirehe.
—Colline
Cumba
374.Sur
la colline Cumba, à 2 kilomètres du chef-lieu, sur la route
principale, selon des témoins tutsis, des hommes tutsis ont été
réunis par des Hutus dans la matinée du jeudi 21 octobre
et ils ont été emmenés au chef-lieu, où ils
ont ensuite été tués.Le
vendredi, les hommes, les femmes et les enfants tutsis restants qui n'avaient
pas réussi à s'enfuir, ont été tués.
375.Selon
des témoins hutus, des soldats sont arrivés de Mwaru le samedi
23 octobre et ils ont ouvert le feu sur les Hutus.Un
témoin hutu a déclaré qu'ils ont de nouveau tué
des Hutus quatre jours plus tard.
—Colline
Nkonyovu
376.Sur
la colline Nkonyovu, à 5 kilomètres au nord-ouest du chef-lieu
sur la grand-route, selon des témoins tutsis, les Hutus ont invité
les hommes tutsis à les accompagner dans des patrouilles.Ils
les ont emmenés au chef-lieu, où ceux-ci ont ensuite été
tués.Beaucoup des Tutsis
restants se sont réunis dans un bar sur la grand-route. Là,
ils ont été attaqués par des Hutus, mais ils se sont
défendus et ont réussi à s'enfuir à Gatwaro,
dans la commune de Kiganda, à 2 kilomètres environ au nord-ouest
par la route.
377.Le
samedi 23 octobre, des soldats des véhicules blindés venant
du chef-lieu ont ouvert le feu sur les Hutus le long de la route, faisant
beaucoup de morts.Les soldats ont
de nouveau tué des Hutus le lundi suivant.
—Colline
Bubanda
378.Sur
la colline Bubanda, juste à l'ouest du chef-lieu, selon un témoin
tutsi, des hommes tutsis ont été capturés et emmenés
au chef-lieu le jeudi 21 octobre.
—Colline
Bupfunda
379.Selon
des témoins tutsis, l'Administrateur communal est venu à
la colline Bupfunda, à 5 kilomètres à l'ouest du chef-lieu
de bonne heure le jeudi 21 octobre.Le
même jour dans la soirée, les Tutsis ont été
attaqués par les Hutus de la colline, aidés par des Hutus
de la colline Bubanda.Les témoins
hutus de la colline disent avoir été ailleurs quand les événements
ont eu lieu ou n'avoir rien vu.
380.La
Commission a entendu plusieurs Hutus nommés par des témoins
tutsis comme ayant pris part aux massacres de Tutsis.Mais
un des témoins a nié s'être trouvé sur la colline
Bupfunda à l'époque des massacres.De
plus, la Commission a déterminé que les témoins hutus
de la colline évitaient de parler de ce qui s'était passé
pendant les trois jours qui ont suivi l'assassinat, du 21 au 24 octobre.Ils
prétendent n'avoir rien vu ou s'être enfuis le premier jour.
—Colline
Nyarukere
381.Sur
la colline Nyarukere, à 3 kilomètres au sud-ouest du chef-lieu,
selon des témoins tutsis, des hommes tutsis auraient été
capturés par des Hutus le jeudi 21 octobre et emmenés au
chef-lieu, où ils ont été tués.Dans
la soirée, des hommes, des femmes et des enfants tutsis ont été
tués chez eux et leurs cadavres ont été jetés
dans les latrines.Quelques femmes
tutsies ont été violées par des Hutus et des Twas
avant d'être tuées.Les
massacres de Tutsis se sont poursuivis jusqu'au dimanche 24 octobre.
—Colline
Nyakararo
382.Sur
la colline Nyakararo, à 5 kilomètres au sud-ouest du chef-lieu,
selon des témoins tutsis, des Hutus menés par les dirigeants
locaux du FRODEBU ont commencé à tuer des hommes, des femmes
et des enfants tutsis dans l'après-midi du jeudi 21 octobre.Ils
ont continué à chercher les Tutsis qui s'étaient enfuis
et à les massacrer, jusqu'au samedi suivant.
383.Selon
des témoins hutus, des soldats sont arrivés le dimanche 24
octobre accompagnés de Tutsis de la colline Nyakararo, et ils ont
tué de nombreux Hutus.
—Colline
Muninya
384.Sur
la colline Muninya, à 3 kilomètres environ au sud-ouest du
chef-lieu, selon des témoins tutsis, des Hutus de la colline, aidés
par des Hutus de collines voisines, ont commencé à tuer les
Tutsis chez eux dans l'après-midi du jeudi 21 octobre.
—Colline
Nyamitwenzi
385.Sur
la colline Nyamitwenzi, à 5 kilomètres environ à l'ouest
du chef-lieu, selon des témoins tutsis, des hommes tutsis ont été
capturés chez eux par des Hutus et emmenés au chef-lieu,
où ils ont été tués.Les
attaques contre les Tutsis des deux sexes et de tous les âges se
sont poursuivies jusqu'au lundi suivant.Quelques
Tutsis ont réussi à survivre.Les
Hutus du chef-lieu ont pris part à ces attaques.L'armée
est arrivée deux semaines plus tard et a sauvé les survivants.
—Colline
Murinzi
386.Sur
la colline Murinzi, à 8 kilomètres environ du chef-lieu,
plusieurs soldats qui se trouvaient par hasard chez eux ont été
arrêtés le jeudi 21 octobre.Le
lendemain matin, un groupe de Hutus mené par un chef local du FRODEBU
a attaqué des Tutsis chez eux.Les
massacres de Tutsis se sont poursuivis jusqu'au samedi, avec la participation
de Hutus de la colline Nyakararo.
—Colline
Mushikamo
387.Sur
la colline Mushikamo, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest
du chef-lieu, selon des témoins tutsis, dans l'après-midi
du jeudi 21 octobre, les autorités du FRODEBU ont arrêté
10 Tutsis et les ont détenus dans une cellule de la zone Mushikamo
jusqu'à ce que des soldats arrivés le lendemain les libèrent.D'autres
témoins tutsis ont déclaré que plus de 50 Tutsis auraient
été tués sur la colline par les Hutus.
—Colline
Gashingwa
388.Sur
la colline Gashingwa, à 5 kilomètres environ au sud du chef-lieu,
selon des témoins tutsis, des Hutus menés par des fonctionnaires
locaux du FRODEBU ont enlevé des hommes tutsis de chez eux le jeudi
21 octobre et les ont tués sur la route de Rutegama.Les
attaques contre les Tutsis restants se sont poursuivies jusqu'au lundi
suivant, avec la participation de Hutus et de Twas des collines voisines.L'armée
est arrivée deux semaines plus tard et a sauvé les survivants
tutsis.
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