Merci pour l’espace que vous m’accordez. Comme vous l’avez mentionné, je m’appelle Gaspard Ntirabampa et je suis connu sous le sobriquet de Teacher. C’est un surnom que j’ai dès mon jeune âge car j’ai été enseignant. Il me plaît, je ne me plaints pas du tout. Quand je suis entré en prison, tout le monde m’appelait Teacher. Plusieurs de mes anciens codétenus ne connaissent même pas mon vrai nom.
NP.
Parallèlement à cela, j’ai constaté qu’avec l’accroissement démographique dans notre pays, les populations abattaient les arbres pour avoir du charbon pour le bois de chauffage. Les en empêcher était également impossible car il fallait leur présenter un outil de substitution, ce qui n’était pas évident à notre époque. Il fallait donc s’imaginer une transformation des déchets du bois de chauffage pour les rendre utilisables.
Un autre volet qui m’a toujours intéressé est le lac Tanganyika. Les spécialistes en environnement nous rapportaient qu’il est un réservoir d’eau des plus importants au niveau de la planète après le lac Baïkal, situé au Sud de la Sibérie, en Russie, qui constitue la plus grande réserve d’eau douce liquide à la surface de la Terre. L’on nous disait également qu’il fallait protéger le lac Tanganyika en luttant contre sa pollution, surtout qu’il a un écosystème très riche.
Vue partielle du Lac Tanganyika
Donc pour répondre à votre question, je me suis toujours intéressé à la protection de l’environnement, mais comme je vous l’ai déjà dit, j’ai fait beaucoup d’années en prison qui m’ont empêché d’entreprendre et de mettre en application mes idées, ou alors disons mes rêves que j’avais en tête.
NP.
Concrètement, qu’est-ce que vous comptez faire ?
GNT
Tout d’abord, je dois vous dire que mon projet est déjà agréé. Je ne suis pas un aventurier qui s’introduit comme ça dans cette entreprise. Ceci veut dire que momentanément, je dois rendre compte aussi bien à ceux qui ont agréé mon projet, à ceux qui vont bénéficier des résultats de ce projet, mais également à tous ceux qui, de près ou de loin, soutiendront cette activité.
Je dois d’abord vous dire que le secteur de la protection de l’environnement, c’est un projet très vaste qui nécessite le concours de plusieurs intervenants. De prime abord, je sollicite le concours du gouvernement actuel, parce que laborieux et responsable et qui met en avant la protection de l’environnement dans ses programmes.
Un hippopotame du lac Tanganyika
Je voudrais également tendre la main à tous les acteurs de défense de l’environnement car j’ai besoin de leurs riches expériences. Je m’en voudrais de ne pas citer les organisations non gouvernementales, ONG’s, tant nationales qu’internationales sans oublier les institutions financières aussi bien nationales qu’étrangères pour la réalisation de mon rêve dans l’objectif du bien-être des générations futures, afin de léguer à nos enfants et petits-enfants, le Burundi tel que nous l’avons eu à notre naissance.
De cette manière, je m’engagerais corps et âme à emboîter le pas aux amis de l’environnement en fabriquant des briquettes à partir de ces déchets de charbon de bois de chauffage, afin d’atténuer la pollution du lac Tanganyika et son écosystème menacé comme je l’avais mentionné dans les pages précédentes.
En outre, l’environnement actuellement, c’est un secteur qui préoccupe la planète avec les phénomènes de changement climatique. Au moment où je vous parle, il se tient à Charm el Sheikh, en Egypte, la COP 27, qui est une réunion des Nations unies pour l’évaluation des changements climatiques au niveau mondial. Il s’agit d’une réunion annuelle qui se déroule sur les cinq continents.
NP.
C’est tout ce que vous comptez faire ou alors il y a d’autres projets dérivés de celui qui est déjà agréé ?
GNT.
Pour le moment, je voudrais d’abord me concentrer sur ce que j’ai présenté pour ne pas disperser les efforts. Cependant, au cours de la mise en exécution de ce projet, d’autres idées pourraient jaillir de ce travail que je fais. Elles pourraient venir des partenaires, des bailleurs ou alors des collègues. Ce que je veux souligner ici, c’est que le projet sera ouvert à toute idée innovante dans l’intérêt de l’activité et du bien-être des Burundais.
NP.
Le projet est très intéressant et je voudrais dans l’immédiat, si jamais ce n’est pas un secret de votre projet, savoir les résultats que vous attendez de la mise en exécution de cette activité.
GNT
Merci de la question. Non, ce n’est pas un secret car je voudrais travailler dans la plus grande transparence pour l’intérêt de tout le monde. Tout d’abord, une fois réalisé, le projet permettrait d’embaucher quelques jeunes en chômage, ce qui est une priorité du gouvernement de trouver de l’emploi pour les jeunes.
Avec la protection du lac Tanganyika, il va regagner petit-à-petit son nid d’antan. Quand je dis petit-à-petit, cela peut prendre plusieurs années, l’essentiel étant de continuer à lutter contre la pollution de ce lac. De cette manière, on peut espérer la croissance de la production en poisson et en eau potable à la satisfaction des habitants de la ville, voire de tout le pays.
Une fois le lac Tanganyika protégé, il peut attirer les touristes qui amènent beaucoup de devises comme c’est le cas dans plusieurs pays riverains des lacs, des mers, voire des océans. Le cas de la Seine, une rivière qui traverse la capitale française Paris et qui passe tout près de la Tour Eiffel, en dit long sur le tourisme dans l’Hexagone.
De cette manière, la REGIDESO ne devrait plus parcourir de longues distances pour capter de l’eau de traitement à l’usine. Et avec cette transformation des déchets, le coût du charbon serait extrêmement réduit, ce qui tournerait à l’avantage de la population au regard de son pouvoir d’achat qui s’effrite continuellement.
Inondations dans la ville de Bujumbura
Revenant sur la lutte contre les inondations, je vous expliquerais qu’en période pluviale, des tonnes et des tonnes de déchets amassés en montagnes, sont chavirés vers le lac, d’où des objets solides et insolubles s’y déversent et chassent l’eau du niveau original qui s’empare de la côte, provoquant des inondations. Mon projet, une fois mis en exécution, va atténuer le débordement du lac et on n’aura plus à se plaindre de l’envahissement de l’eau aux constructions côtières.
NP.
Un mot de la fin
GNT
Je tiens à dire ici que si cela n’est pas fait, ce sera une catastrophe. Je voudrais prévenir que si l’ampleur perdure au même rythme que l’agrandissement de la ville, d’ici 30 ans au plus tard, la ville de Bujumbura risque d’acheter du poisson, tout comme de l’eau en République démocratique du Congo.
NP
Je vous remercie
GNT
C’est moi qui vous remercie.
Propos recueillis par Jean-Claude Kavumbagu.