Dans deux jours, 20 ans se seront écoulés après la mort brutale de Cyprien Ntaryamira, tué en compagnie de son homologue rwandais Juvénal Habyalimana alors qu’ils rentraient d’un sommet régional sur la situation de guerre civile qui prévalait au Burundi. La rédaction de l’Agence Net Press a décidé d’y consacrer un numéro spécial afin que les jeunes générations soient tenues au courant de ce qui se passa ce jour-là.
Mais que diable était-il allé faire dans cette galère
Cette phrase, empruntée d’une des comédies les plus célèbres de Molière « les Fourberies de Scapin » publiée en 1671, correspond parfaitement à ce qui se passa le 6 avril 1994. A l’issue d’un sommet régional sur le Burundi, Cyprien Ntaryamira, qui venait de succéder à Melchior Ndadaye deux mois auparavant, délaissa son avion pour s’embarquer à bord de celui de Juvénal Habyalimana.
Pourquoi ? Pour se dire quoi ? Nul ne l’a jamais su et ne le saura jamais. Ce que l’on sait par contre, c’est que les deux malheureux devaient poursuivre leurs conversations au cours d’une escale d’environ deux heures dans la capitale rwandaise, avant que le président burundais ne rentre sur Bujumbura où son Falcon, resté quelques instants à Dar-Es-Salaam, devait le rejoindre.
D’où la question posée en titre : »Mais que diable était-il allé faire dans la galère de Habyalimana ? Et c’est cette question sans réponse qui explique qu’à Bujumbura, l’opinion publique, surtout au sein de la minorité tutsi, manifesta une émotion toute relative, car il aurait pu bien rentrer à bord de son avion qui était en parfait état de voler.
S’il fallait absolument que les deux présidents s’entretiennent « d’urgence » en tête-à-tête, une visite de travail aurait pu être organisée à Bujumbura ou à Kigali. Cependant, le destin en décida autrement, mais malgré tout, nous dévions être nombreux, dans nos prières dominicales de ce dimanche 6 avril 2014, à penser à un homme qui était caractérisé par une extrême simplicité, à tel point qu’il prit en lift un directeur général de l’Ocibu où il avait travaillé, obligeant le cortège présidentiel à violer les règles les plus élémentaires de sécurité – la sienne- parce qu’il était saisi de pitié et de commisération de voir son « ancien patron « marcher à pied sous une chaleur caniculaire.
Son seul bilan : la discipline en tout lieu et en toutes circonstances.
Deux mois tout juste à la tête d’un pays est une période largement insuffisante pour dresser le bilan d’un homme contraint de gérer le pays au jour le jour, en raison de la situation explosive qui régnait dans tout le pays. On se souvient que l’assassinat de Melchior Ndadaye avait été suivi des massacres d’une ampleur jamais vue, déclenchés suite à la propagande haineuse des propagandistes du Frodebu, ceux-là mêmes qui avaient mené campagne pour l’accession au pouvoir du chef de l’Etat strangulé.
En réaction au lynchage sans pitié des centaines de milliers des membres de leurs familles dont des enfants brûlés vifs et des femmes éventrées, les jeunes Tutsi s’organisèrent en associations de défense de la minorité qu’ils baptisèrent « les sans échecs ».
Ils installèrent eux-mêmes des barricades dans la ville de Bujumbura extrayant des véhicules qui ils voulaient et ceux qui étaient le plus visés étaient les leaders hutu. Un des ministres les plus connus qui fut abattu à bout portant tout près du siège d’Ethiopian Airlines fut Ernest Kabushemeye, le 11 mars 1995, en charge de l’énergie et des mines, beau-frère de Mgr Simon Ntamwana, alors Evêque de Bujumbura. La réaction des Hutu ne se fit pas attendre, puisque deux jours plus tard, le colonel Lucien Sakubu, ancien maire de Bujumbura sous Bagaza, fut enlevé alors qu’il circulait à bord de sa camionnette à Kinama, puis découpé en morceau, avant d’être jeté dans une fosse anonyme.
C’est dans ce climat de désordre et de versement de sang que Cyprien Ntaryamira accéda au pouvoir et laissa comme héritage le discours prononcé lors de son investiture le 6 février 1994 dans lequel il prêchait « la discipline » presqu’en tout : discipline dans les écoles, dans les casernes militaires, discipline dans les quartiers, discipline dans les villages, discipline dans les moyens de transport en commun….
Et après l’explosion du Falcon présidentiel rwandais, en réaction aux massacres des leurs les plus rigolards parmi les Tutsi en train de « siffler fort bières » dans les bistrots y ajoutaient : discipline dans les avions ! », ce qui était une allusion cynique à ce qui se passa à Kigali dans la soirée du 6 avril 1994.
Le brouillard matinal de Kigali : la cause de la mort de Cyprien Ntaryamira
Les planificateurs de l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais avaient programmé de déclencher leur action au petit matin du 6 avril 1994, puisqu’il était prévu que le Falcon 50 décolle très tôt à l’aube, bien avant le lever du soleil.
Mais pour le plus grand malheur de Cyprien Ntaryamira et de sa délégation, la capitale rwandaise était couverte d’un épais brouillard qui retarda considérablement le décollage qui eut lieu plus tard en pleine journée, ce qui rendit impossible toute action.
Ceux qui devaient lâcher les missiles attendirent donc toute la journée sans rien manger ni boire et également sans bouger même d’un centimètre de l’endroit où ils étaient postés, pour éviter de se faire remarquer. C’est cette « discipline » qui explique que la mission fut entièrement réussie de la manière que l’on sait.
Melchior Ndadaye eut plus de chance
Ce que peu de gens savent, c’est qu’après l’entrée du Burundi en démocratie, Juvénal Habyalimana était tellement ivre de bonheur qu’il a toujours eu envie de voyager avec les présidents hutu du Burundi.
N’eût été le voyage cataclysmique Dar-Es-Salaam-Kigali du 6 avril 1994, l’ancien président rwandais voyagea également avec Melchior Ndadaye en août 1993 quelques jours à peine après sa prestation de serment le 10 juillet 1993.
Les deux présidents venaient d’apprendre la mort du roi Baudouin Ier de Belgique, l’ancienne puissance de tutelle qui venait de succomber d’une crise cardiaque à Madrid où il se trouvait en vacances à l’âge de 63 ans et après un règne de 42 ans.
Habyalimana lui fit un coup de téléphone pour qu’ils se rendent aux obsèques ensemble en toute amitié et en toute « camaraderie hutue », très heureux que le Burundi venait de revenir à « la normale » politiquement parlant après une bien « triste parenthèse tutsi » de décennies interminables.
L’autre grand disparu du 6 avril 1994 : Cyriaque Simbizi
Les professionnels des medias privés à commencer par ceux de la presse écrite, devraient se mettre d’accord pour observer une minute de silence dans 48 heures, afin d’honorer la mémoire de leur ancien confrère, Cyriaque Simbizi qui périt dans le même avion que son président le 6 avril 1994.
Ministre de la communication et porte-parole du gouvernement à l’époque des faits, certaines sources affirment qu’il aurait craint d’arriver à Bujumbura sans son président, afin de ne pas avoir à répondre seul aux questions des journalistes sur la décision d’envoyer des troupes étrangères au Burundi qui venait d’être prise, dont l’écrasante majorité devaient être des Tanzaniens.
Cette décision, on s’en souvient, était réclamée par les leaders hutu après l’assassinat de Melchior Ndadaye, à commencer par Sylvestre Ntibantunganya. Mais elle était très combattue par les milieux tusti et l’armée nationale ainsi que par le parti Uprona. L’embrasement aurait donc été total, d’autant plus que le scenario prévu était que l’arrivée des soldats tanzaniens en territoire burundais devait se faire après le désarmement et l’internement des soldats burundais dans les casernes militaires.
Cyriaque Simbizi avait été le premier à lancer un journal privé réellement indépendant, le bimensuel « Le citoyen », car tous les autres publications qu’il y avait à la fin de l’année 1992 roulaient pour les hommes politiques et leurs partis : « L’Aube de la démocratie » pour Melchior Ndadaye et le Frodebu, « Le Carrefour de la démocratie » et « L’Indépendant » pour Pierre Buyoya et l’Uprona et « Le Renouveau » jusqu’à ce jour pour le pouvoir en place, le major Buyoya en 1992 et Pierre Nkurunziza en 2014.
Burundi - Justice
Le dossier Ernest Manirumva sera appelé en audience publique le 9 avril 2014
Bujumbura, le 4 avril 2014 (Net Press) . Le procureur général de la République, Valentin Bagorikunda, a animé une conférence de presse sur l’avancement de ce dossier. Il a indiqué que le ministère public est en train d’exploiter certains éléments de preuve à sa disposition. Ils sont à charge de certaines personnes dont le président de l’Olucome, Gabriel Rufyiri, qui, lui aussi est cité parmi ceux qui sont mêlés de près ou de loin dans l’assassinat de son ancien vice-président, feu Ernest Manirumva.
Le ministère public déplore l’attitude de certaines organisations de la société civile, y compris l’Olucome, à vouloir désorienter la justice en désignant eux-mêmes les coupables. Il invite aussi la famille de feu Manirumva à collaborer directement avec la justice dans la manifestation de la vérité dès lors que certaines personnes exploitent cette affaire à d’autres fins inavouées. Pour ce dossier en instruction, le ministère public invite encore une fois quiconque détiendrait des éléments de preuve sur cet assassinat à les lui apporter en toute sérénité.
Cependant, cette dernière recommandation aura très peu de chances d’attirer l’attention des Burundais et de la communauté internationale, car, même les recommandations des experts de la Fbi n’ont pas été prises en compte. Qui perdra encore son temps à livrer des informations quand il sait d’avance que certaines personnes soupçonnées dans ce dossier sont intouchables ? Signalons enfin que par simple coïncidence ou par cynisme, ce dossier sera appelé le 9 avril 2014, 5 ans tout juste après l’assassinat d’Ernest Manirumva.
Burundi – Education.
Le parti Parena préoccupé par la situation des étudiants à l’Ub.
Bujumbura, le 4 avril 2014(Net Press) . Le parti pour le redressement national Parena-Imbogoraburundi, à travers son communiqué, appelle le gouvernement à se rendre à l’évidence que les récentes mesures prises pour l’octroi de la bourse aux étudiants ont été unanimement rejetées par ces derniers toutes tendances politico-ethniques confondues.
Cette formation politique voit alors que c’est inutile alors de retarder le retour des étudiants dans les auditoires par la prolongation de la période de réinscription au rôle et aux cours, car, elle sera visiblement tout aussi improductive. Et, toute rallonge de l’année académique de cette manière a de fortes répercussions sur la vie socio-économique de l’ensemble du pays, et il n’est pas de la prérogative du gouvernement d’agir dans ce sens, déplore le Parena dirigé par son nouveau président, M. Zénon Nimubona.
Il demande en substance qu’en attendant que le gouvernement trouve les voies et moyens de convaincre les étudiants et l’opinion en général des avantages véhiculés par la mesure s’il y en a, le Parena lui recommande d’annuler toutes les décisions antérieurement prises de nature à empêcher tout dialogue à ce sujet. Il rappelle au gouvernement que la démocratie, s’il y croit encore, est aussi et avant tout convaincre et non contraindre.
Burundi - Commerce
Le Cercabu s’inscrit en faux contre le désordre causé par la privatisation de la filière-café
Bujumbura, le 4 avril 2014 (Net Press) . Le Cercle de réflexion sur la culture du café au Burundi (Cercabu) exprime son indignation à travers un communiqué de presse. Son président, M. Paul Nkunzimana rappelle que cette privatisation a plongé la population dans la misère et l’Etat lui-même dans une crise financière sans précédent.
Alors que le prix du café-cerise avait été fixé à 650Fbu le kg, déplore-t-il, le caféiculteur n’avait perçu que 400Fbu. Aujourd’hui encore, Intercafé informe que le prix du café a été abaissé à 530Fbu, ce qui signifie, selon le Cercabu, que le prix à la production va encore chuter. Par ailleurs, la mesure obligeant le caféiculteur à ne vendre son café qu’à un acheteur désigné par l’Arfic ne peut encore que désavantager le paysan dont le revenu issu du café est devenu plus que dérisoire.
Pour cette association, il n’y a aucun doute que cette situation est le résultat de la privatisation de la filière-café qui, pour l’essentiel, est entre les mains des groupes suisses – Webcor et Coprodive – alors qu’elle avait rapporté à l’Etat plus de 80% des recettes d’exportation et procuré directement aux paysans caféiculteurs des revenus substantiels.
Le Cercabu appelle les populations, producteurs comme non producteurs du café, à mettre sur pied et renforcer des comités Cercabu pour la défense de la culture du café, la réhabilitation de l’encadrement de la culture, la hausse du prix à la production caféicole, la régulation et la stabilisation du prix du café par la création d’un fonds à cet effet et la renationalisation des Sogestals, des stations de lavage et de l’ensemble de la filière-café.