Bujumbura, le 28 avril 2015 (Net Press). Suivant de près l’évolution de la situation politique et sécuritaire d’après la décision du Cndd-Fdd de mettre en avant Pierre Nkurunziza pour les élections présidentielles, les Etats-Unis ont mis en relief hier leurs préoccupations suite à l’évolution des événements des journées du 26 et du 27 avril 2015. De son côté, la rédaction a décidé de livrer l’intégralité de ce communiqué.
« Les Etats-Unis d’Amérique préoccupés par les événements survenus en mairie de Bujumbura les 26 et 27 avril 2015
« Les États-Unis d’Amérique sont fortement préoccupés par les événements qui ont eu lieu en mairie de Bujumbura les 26 et 27 avril 2015. La répression violente des dissidents et l’intimidation des citoyens qui ont le droit de protester pacifiquement est inacceptable dans un pays qui souhaite renforcer une transition démocratique dans une société en période de post-conflit. Les Burundais ont travaillé dur pour parvenir à la paix, la prospérité et la liberté d’expression, ce depuis la signature des Accords d’Arusha ; leurs efforts ne devraient pas être vains.
« Les informations en rapport avec la situation de la Radio Publique Africaine (RPA) et les autres radios indépendantes est particulièrement préoccupante pour les Etats-Unis d’Amérique. L’une des caractéristiques d’une démocratie est le droit pour un média indépendant de rapporter des informations en toute liberté et en dehors de tout acte de harcèlement, d’intimidation ou de censure. La liberté d’expression est incontestablement la pierre angulaire de la réconciliation et de la stabilité au Burundi et cette liberté d’expression ne doit pas faire l’objet de censure surtout en cette période cruciale pour l’histoire du Burundi.
« Les États-Unis d’Amérique continueront de suivre de près la situation prévalant au Burundi et prendront des mesures appropriées, le cas échéant, notamment de demander des comptes aux personnes qui se seront rendues responsables des cas de violence envers la population civile. Nous appelons le Gouvernement à débuter un dialogue franc avec l’opposition, les médias et la société civile afin de prévenir de nouvelles violences et ainsi assurer la paix et la stabilité. De même, nous appelons les différentes parties à prendre part aux élections législatives et nationales et de veiller à ce que tout le processus soit inclusif, transparent, crédible, libre et équitable, et que ce processus soit conduit dans un environnement exempt de menaces, d’intimidations ou de violences. »
Le Cndd-Fdd confirme la suprématie des médias privés sur ceux de son obédience
Le parti présidentiel vient de montrer à quel point il a peur des émissions de la radio publique africaine, Rpa. En effet, il a été décidé de fermer cette radio par force sur mandat de fermeture du procureur de la République en mairie de Bujumbura, Arcade Nimubona. Des connaissances de cette autorité judiciaire indiquent que celle-ci serait très gênée par des mesures impopulaires qu’elle est en train de prendre suite aux pressions de ses supérieurs hiérarchiques.
Suite donc à cet amour propre du président sortant, les populations qui avaient le droit de suivre les émissions de la Rpa ont été sanctionnées par cette fermeture. Une certaine opinion indique d’ailleurs que derrière cette décision, il y a l’idée de voler, de piller voire de tuer en toute clandestinité des personnes opposées au troisième mandat du président Nkurunziza, un véritable génocide en somme. Il faudrait également voir que les autres radios privées, Bonesha Fm et Isanganiro, n’émettent plus que dans Bujumbura-mairie, une façon d’isoler la capitale du reste du pays. Mais le problème est que Pierre Nkurunziza a feint d’oublier que toute communication et toute gestion de la chose publique s’opèrent à partir de la capitale, d’où des difficultés de museler les citadins.
Des voix s’élèvent donc pour qu’il y ait réouverture des radios privées pour question de respect des droits de l’homme. C’est notamment le cas de Bob Rugurika, directeur de la Rpa, du président de l’Imbono Charisma, Audifax Ndabitoreye, de l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya, du président de l’association burundaise des radiodiffuseurs, Patrick Nduwimana, etc
Signalons que cette situation de fermeture de la Rpa a été précédée par celle de la fermeture de son antenne de Ngozi, de la fermeture brutale de la synergie des médias qui se déroulait à la maison de la presse et de l’arrestation de Pierre-Claver Mbonimpa. Ce dernier se trouve pour le moment dans les enceintes de la police judiciaire, Pj de Jabe, dans la commune urbaine de Bwiza.
Quelle situation réelle sur terrain ?
Selon des informations en provenance de toutes les communes de la capitale, des manifestations se poursuivent dans les communes de Ngagara, de Nyakabiga, de Musaga de Cibitoke et de Kanyosha au Sud de la capitale Bujumbura. Cependant, les manifestations n’ont pas pris la même tournure partout. Seule le commune urbaine de Kamenge est calme, les activités au quotidien comme dans les temps ordinaires. Deux personnes ont été arrêtées à Mutakura et les populations de la place les qualifient de « Interahamwe » de triste mémoire du Rwanda. Ce dernier parle le Kinyarwanda, le kiswahili et l’anglais. Dans la commune urbaine de Cibitoke, deux personnes auraient été arrêtées.
Au Sud de la capitale, des Imbonerakure ont été aperçus par des journalistes et ceux de la radio Bonesha ont échappé de justesse car ils se sont retrouvés entourés par ces jeunes miliciens. Des populations quittent également Bujumbura et indiquent qu’ils partent par peur d’insécurité. Les transporteurs en ont profité pour revoir à la hausse le prix du ticket, qui est passé dans certaines régions de 5.000 à 12.000 Fbu. Dans la commune de Musaga, les gens, malgré les menaces des policiers, jurent qu’ils ne peuvent pas abandonner ces manifestations.
Que d’irrégularités commises lors des dernières manifestations
« Les forces de l’ordre ont complètement perdu la tête ». Tel était en gros le contenu des cris de colère et de révolte des manifestants qui ont envahi les rues de certains quartiers de la capitale, particulièrement ceux de Ngagara, de Cibitoke et de Mutakura.
Ils se demandaient tous quelle logique pouvait pousser les hommes en kaki à opérer les arrestations des personnes qui se trouvent chez eux, tranquilles et en train de converser avec des voisins du quartier. Bien plus, comment comprendre que ce soient les fameux et sinistres « Imbonerakure », les miliciens du Cndd-Fdd, qui indiquent les personnes à arrêter, gratuitement, souvent des jeunes g ns pacifiques connus pour leur sagesse, et les forces de l’ordre les embarquaient automatiquement à bord de leurs véhicules sans se poser une seule question ?
Faudrait-il également ajouter la destruction sauvage de la permanence du Msd à Cibitoke, pour la simple raison que cette formation politique fut fondée par Alexis Sinduhije, un des leaders de l’opposition les plus virulents au pouvoir du Cndd-Fdd ?
Un bien curieux maire de la ville de Bujumbura
Le premier magistrat de la capitale a fait un reportage très mal maîtrisé sur ce qui s’est passé au cours de la journée d’hier dans la ville dont il est maire, et surtout dont il un hyper militant du Cndd-Fdd. Evoquant les causes de la mort des deux personnes tombées à terre pour avoir été atteintes des balles réelles tirées par la police, il a eu le culot et l’audace d’affirmer, sans rire, que les pauvres innocents ont été tirés par les manifestants.
Or, tous ceux qui étaient sur place, y compris les correspondants des médias étrangers, ont constaté que seuls les policiers étaient porteurs d’armes à feu pour réprimer les manifestants. A croire le maire de la ville, c’est comme si une partie des manifestants s’étaient donné pour mission de réprimer d’autres manifestants. D’autre part, aucun parmi eux n’aurait jamais eu la mauvaise idée de porter une arme à feu sur lui, car son arrestation aurait été immédiate bien avant que les manifestations ne débutent.
Mais comme il fallait absolument que le maire cite les coupables désignés d’avance, il apointé du doigt les manifestants sans du tout essayer d’éviter le ridicule, qui fort heureusement ne tue pas !
« Pierre Nkurunziza sur les traces de Néron »
Une partie de la presse africaine n’était pas du tout tendre envers le président de la République du Burundi ce mardi 28 avril 2015, et principalement celle de l’Afrique occidentale. C’est ainsi qu’un des journaux de cette région compare Nkurunziza à l’ancien empereur romain Néron qui régna pendant 14 ans de l’année 54 à 68 après Jésus Christ.
Il était si cruel qu’après avoir persécuté les chrétiens qu’il fit mourir par milliers en raison de leur foi en Dieu, il fit périr également sa mère et son épouse. Que le président Nkurunziza soit comparé à cet homme-là, dénote la peur et la crainte de l’opinion africaine et au-delà, celles de la communauté internationale sur les risques d’embrasement du pays qui ont atteint le sommet en 1972 et en 1993.
Alors, que faire ? L’opposition et la société civile sont pour une intervention des forces étrangères sous la supervision des Nations Unies, mais le pouvoir ne veut pas du tout en entendre parler, estimant à tort ou à raison que son armée et sa police peuvent assurer seules la sécurité sur l’ensemble du territoire national.
Telle a toujours été la position de tous les pouvoirs qui se sont succédé, sauf que dans les années 70 – 80 – 90, c’étaient les régimes tutsi qui étaient contre et les opposants hutu qui étaient pour.
Tentative maladroite du pouvoir d’ « ethniser » les manifestations actuelles
Dans le but de casser le mouvement des opposants qui sont farouchement opposés à ce que Pierre Nkurunziza sollicite un troisième mandat, le pouvoir souhaiterait y voir une cassure ethnique entre les opposants de la capitale qui appartiennent à la minorité ethnique tutsi et ceux de la majorité ethnique hutu qui seraient favorables à un mandat supplémentaire du président.
La preuve de l’entourage de Nkurunziza est que les manifestants qui affluent qui affluent vers le centre-ville proviennent essentiellement des quartiers Musaga, Rohero, Nyakabiga, Ngagara, Cibitoke et du campus universitaire de Mutanga. Cette présentation des faits est totalement fallacieuse car la majorité des citoyens burundais ne se recrutent pas seulement dans les quartiers tutsi de Bujumbura, mais sur toutes les collines et dans tous les villages du pays peuplés d’une majorité de Hutu, presque tous opposés à la personne de Nkurunziza.
Presque tous souhaiteraient que l’on renouvelle la confiance au Cndd-Fdd et non au président sortant. Une frange importante des Tutsi voudraient voir Isidore Rufyikiri prendre la succession de Pierre Nkurunziza, pourvu que l’on n’entende plus d’un président de la République qui a pour nom et prénom Nkurunziza Pierre.
Au troisième jour des manifestations, les choses se compliquent.
Les manifestations qui ont commencé ce dimanche continuent et la commune urbaine de Kanyosha s’ajoute aux manifestations où les Imbonerakure armés de machettes et de matraques ont blessé les manifestants. Au marché de Jabe, les commerçants ont débuté à rapatrier leurs marchandises de peur d’être pillés. Les confrères qui ont été sur terrain ont fallu être lynchés par ces miliciens au nez et à la barbe de l’administrateur de Kanyosha qui a pourtant nié les faits.
Des informations en provenance de Gitega indiquent que la manifestation atteint la province de Gitega est contaminée. Le mouvement serait sur le point de s’étendre sur le quartier Magarama, dit Swahili de cette ville. Sur les axes qui mènent vers l’intérieur du pays, les gens fuient la capitale comme déjà mentionné.
Et depuis longtemps, les politiciens et les organisations de la société civile avaient toujours dénoncé que ces jeunes du parti au pouvoir finiront par commettre des crimes à l’instar des Interahamwe du Rwanda et la tendance est celle-là.
Les manifestations d’hier vues par la presse burundaise et africaine de ce lundi.
Il y a tout d’abord le site d’Iwacu de ce matin qui publie les photos des manifestants et particulièrement celle d’un jeune homme couvert de sang après avoir été atteint d’un tir à balles réelles, étendu à même le sol et qui finira par trouver la mort en fin d’après-midi. Il y a trois jours, l’hebdomadaire portant le même nom (Iwacu) avait prédit que la situation risquait de chavirer.
Le site « Afriarabia » écrit que Pierre Nkurunziza a choisi de défier la communauté internationale alors que la constitution et les accords d’Arusha interdisent formellement au président sortant de dépasser deux mandats. Le même journal condamne l’impunité dont jouissent les « Imbonerakure », les miliciens créés et entretenus par le parti au pouvoir, le Cndd-Fdd.
Le quotidien « Le Pays », un journal du Burkina Faso, écrit que la candidature de Nkurunziza est officialisée en dépit de l’opposition clairement affichée de l’Eglise catholique burundaise. il ajoute sur un ton ironique et moqueur que « le pasteur-président » se croit investi d’une mission divine.
Enfin le quotidien « Aujourd’hui », lui aussi du Burkina Faso, pressent que Pierre Nkurunziza finira comme Blaise Compaoré, car lui, il ignore la clameur de son peuple et risque de s’en mordre les doigts lorsque ce sera trop tard.