Procès du 26/02/1926 contre Kanyarufunzo, Inamujandi et consorts 1926-2016 : 90 ans après : anthropomorphisme, prosélytisme colonial, déicide, ou sida dans la religion des Grands Lacs.
Au cours d’un procès inquisiteur de 120 affaires organisé le 22 février 1923 à Kitega par un Tribunal Spécial, présidé par le Résident de l’Urundi, Pierre Ryckmans dont il assurait en même temps le statut de procureur, celui-ci expédia 24 condamnations à la peine capitale (par potence ou fusillade dont celle contre de Ntirwihisha alias Kanyarufunzo ou Runyota et celle contre Inamujandi) d’autres à perpétuité ou à des servitudes pénales diverses(11).Quelles en furent les causes, ?Quelles leçons en tirer et quelles sociothérapies ?Voila des thématiques autour desquels devraient s’articuler les différents forums de paix inter burundais .Hélas non
A Les causes lointaines. Au cours du 19è, l’Europe fut envahie par un mythe négatif sur les inégalités des races humaines basées sur leurs cultures et de leurs morphologies. Cette théorie qui influa sur le racisme germanique aura beaucoup d’admirateurs notamment parmi les explorateurs, missionnaires administrateurs coloniaux pour revaloriser leurs intérêts égoïstes et sera vulgarisée dans leur prosélytisme sous forme d’anthropomorphisme ou identité morphotype ou phénotype.
Selon cette idéologie, il devait exister pour les populations africaines une divinité pour les grands, les géants, les petits de taille ,les gens de peau claire ou celles des cheveux frises pour conclure une divinité morphologique et l’artifice fut trouvé. : le prosélytisme colonial :Kiranga est la divinité hutue .
B..Les causes proches. L’acquisition du Ruanda-Urundi par la Belgique i était bien plus importante et apportait à ce petit royaume un territoire riche et peuplé, comprenant de hauts plateaux favorables à la colonisation blanche mais dans cette aventure combien pleine d’embuche l’un avait bien de l’autre. .La Belgique comptait sur l’Eglise catholique pour faire convaincre à l’organisation coutumière que les belges étaient préférables aux allemands. Or, les expéditions militaires belgo-allemandes durant la 1ère guerre mondiale dont les postes de missions avaient servi de tète de pont lors de plusieurs opérations s, étaient si violentes, cruelles et si inhumaines que leurs exactions avaient fini à faire croire chez les populations du Ruanda-Urundi, un sentiment de haine et de mépris envers le nouvel locataire belge..
Les causes immédiates
Le désordre ambiant et les calamités qui s’accompagnaient réveillèrent des mouvements de révolte populaire dirigés contre les Blancs et leurs symboles (missions, étoffes, argent) aussi bien au Burundi ;qu’au Ruanda et , servirent à 2 sorciers Runyota et Kanyarufunzo ;alias Ntirwihisha ; et Inamujandi (tous du clan des Bajiji branche des Bazirankende) de prophétiser la fin imminent du règne des Blancs Vis-à-vis du pouvoir belge et de l’Eglise catholique en tant que institutions, le bouc émissaire responsable de cette agitation au Ruanda-Urundi était d’abord« l’islam » en raison des compromissions avec le pouvoir allemand qui l’avait utilisé comme indicateur de police ou précepteur des impôts, ensuite« la religion traditionnelle »en raison de son poids dans l’organisation sociopolitique du Ruanda-Urundi et très spécialement sur son rôle primordial dans la « pérennisation de l’Etat Nation. » Pour la Belgique et les missionnaires les deux religions devaient être combattues car elles incarnaient l’opposition .et la solution fut trouvée et coulée sous forme de« la Reforme administrative (reforme catastrophique morphologique belgo-hutu) ». . Cette religion traditionnelle, pilier de la monarchie, fut combattue fortement par les missionnaires, la considérant comme une forme de paganisme, alors qu’en réalité, le culte de kubandwa dont ils étaient défenseurs était comparable à une vénération à l’Imana, pareille aux cultes charismatiques d’immense ferveur très en vogue actuellement(13).
La Belgique venait d’obtenir des emplacements gratuits a Kigoma et Dar es-Salaam qui constituent des ports francs très vitaux pour son économie ; et par conséquent tout obstacle susceptible d’entraver cette œuvre aussi éminente qu’utile était intolérable Elle considérait alors l’’aristocratie ritualiste de part son importance et son organisation comme « un centre de guérilla » très nuisible à ses impératifs de sécurité qu’il fallait à tout prix neutraliser sans états d’âme Pour vivre loin de ces purges et bannissement, de cette atomisation contre les adeptes de Kiranga, nous pourrions même rajouter, la colonisation opta pour la mesure d’immigration forcée (kwambuka) (14)
L’immigration vers le Katanga et l’East Africa était une forme dévoilée de les éloigner de l’épicentre du pouvoir monarchique dont ils étaient les fervents défenseurs dans le but de briser leurs velléités contre le prosélytisme colonial et cela au mépris des prescrits des articles.22(§8,§12) et 119 du Traité de Paix avec l’Allemagne signé à Versailles, le 28 juin 1919,que la Belgique avait portant promulguée
Qui étaient Inamujandi et Kanyarufunzo ? Agitateurs, patriotes jusqu’au sang, icônes, libérateurs « abatabazi » ou Jeanne d’Arc des tropiques !
D’après les sources orales, la veuve Inamujandi du clan des Bajiji se serait opposée les armes à la main contre la désignation de Pierre Baranyaka comme chef de Nkiko pour lui ravir les terres de ses ancêtres dont la plupart avaient péri à Nshili lors de l’engagement de l’armée du Burundi contre le Ruanda où succomba le roi Mutaga Senyamwiza. Il appert de sources fiables recueillies aux yeux de survivants ritualistes de la région ,que le parachutage de Baranyanka sur le Nkiko , n’apparaissait s aux yeux de la population non seulement comme un usurpateur mais aussi comme un félon nourri sur l’assiette des services de l’intelligence belge pendant la 1ère guerre au préjudice du chef Ndugu ;mais dans le dessein de le mettre à l’abri contre les rancœurs soulevés par les populations de Vyanda. En effet, les exactions commises contre le clan des Babanda au sud du Burundi par son grand père Bilori étaient encore si vives dans la mémoire des populations et son impopularité si grandissante que des actions de vengeance contre lui étaient inévitables .C’est dans un double sacrifice de venger une telle imposture, que la brave Inamujandi s’engagea au péril de sa vie .Elle aurait été capturée par les belges à Ndola à la tète des ses guerriers où elle avait établi son cantonnement après avoir réussi à mettre en déroute le chef Baranyanka.
Elle fut conduite manu militari à Kitega, puis condamnée à la peine capitale le 22 février 1922. Plus irrégulier encore, qu’il s’agisse des charges de rébellion ou d’idolâtrie retenues contre de l’intrépide Inamujandi ou contre le brave Kanyarufunzo , , nul parmi le cercle traditionaliste et celui du pouvoir, ne comprenait les motifs de leur persécution d’autant qu’au demeurant le rite cérémonial qu’ils pratiquaient ne dérangeait personne. On sait bien par ailleurs que culture et religion sont indissociables, la perte d’une religion au profit d’une religion étrangère (en l’occurrence la religion catholique), suppose l’abandon d’une culture burundaise au profit d’une culture étrangère qui conduit, à une acculturation, à une aliénation culturelle donc à une domination étrangère. Les idoles Inamujandi et Kanyarufunzo ont combattu l’autorité européenne dans le dessein de débarrasser le Burundi d’un envahisseur et libérer le peuple contre toutes les contraintes, l’impôt, les travaux vexatoires et tant des mépris auxquels les populations traditionnalistes étaient souvent astreintes.
L’idole Inamujandi et l’intrépide Ntirwihisha seraient-ils les successeurs de Jeanne d’Arc (la Pucelle d’Orléans) dans la Région des Grands Lacs ? Héroïne et pieuse, cette adolescente de 16 ans entendit des voies qui l’engageaient a délivrer la France ravagée par l’invasion anglaise .En 14 Jeanne d’Arc, à la tête d’une petite troupe armée, elle obligea les anglais à lever le siège d’Orléans. Tombée aux mains des Bourguignons, elle fut vendue aux anglais qui la déclarèrent d’abord sorcière, puis hérétique et relapse par le Tribunal ecclésiastique et enfin condamnée à être brulée vive le 30 mai 1431 à Rouen, mais sera plus tard béatifiée en 1909 et canonisée en 1920 par l’Eglise catholique.
Conclusions
Clans versus ethnies. Une étude monographique. publiée dans un livre intitulé ; « les
anciens royaumes de la zone inter lacustre méridionale (Rwanda-Burundi, Buha)(1), nous montre que ces trois pays formaient un seul pays. On commet une erreur grave en comparant les Barundi et les Banyarwanda avec des clans ou tribus indépendants les uns des autres..Car les Banyarwanda et les Barundi représentent plusieurs clans et originairement plusieurs nationalités ou clans autonomes comme les sont les bretons, les normands, les phocéens, , les basques etc.… pour ne citer que ceux-là dans la Gaule ancienne .En effet à la fin du 15è siècle, les Barundi formaient une seule nation, issue d’un conglomérat de plusieurs petites principautés claniques ,chaque entité arborant sa propre divinité.
L’unification du Royaume du Burundi lors du processus de la création de l’Etat Nation adoptera Kiranga comme la seule divinité protectrice du tambour Karyend a.Le clan garde une identité rationnelle, d’abord biologique ou patrilinéaire ,agnatique ,patrilocale.
Du clan des Bajiji et d’Inamujandi et Ntirwihisha en particulier.et d’autres clans en généra. Le clan des Bajiji régnait sur le Bujiji, la partie sud-ouest du Buha jusqu’au confluent de la rivière Rucung. Ils portent la nationalité des Bajiji selon le principe de« jus sanguinis »( affiliation de sang),mais aussi le droit « jus soli » le jijiland .Est mujiji toute personne vivant dans le jijiland, quelque soit sa morphologie et son mode de vie, vénérant .intensivement le culte wamala .Le terme hutu ou tutsi dans la culture inter lacustre est a considéré dans le sens péjoratif pour designer un riche et appauvri n’est pas une identité morphologique.. Ils appartiennent tous à la même population africaine, sont tout à fait apparentés et ont en commun la culture inter lacustre .Leurs variantes culturelles et phénotypiques ont d’autres explications qu’une diversité d’origine biologique. En ce qui concerne les Batwa que l’on méprenne avec leur physique comme il résulterait de leur adaptation au milieu forestier .Le groupe des Batwa n’est pas à considérer comme celui des pygmées très répandu dans la forêt équatoriale, mais plutôt l’isolement confinant à l’endogamie, ainsi que un milieu inhospitalier et des activités économiques permettant à peine la survie mais ne favorisant pas l’épanouissement de la personne sont de facteurs de dégénérescence et un observateur non averti verra une race différente là où il n’y a qu’inhibition de l’expressivité à partir d’une souche de population qui a donné d’autres branches prospères parce que bénéficiant de conditions économiques et environnementales plus clémentes.
Lorsque s’allument un peu partout en Afrique et plus particulièrement au Rwanda et au Burundi des foyers d’incendie spontanée ou criminels qui embrasent des foyers entiers ,lorsque des Bahutu et des Batutsi s’attaquent mutuellement, pensent naïvement se débarrasser chacun de son ennemie traditionnel, n’est-il pas important au nom même de la science et de l’histoire, de poser à chacun la question fondamentale de sa propre identité et de celle ou de celui qu’il croit être son ennemi, étranger a son sang ?C’est croyons-nous ,une manière d’offrir à Dieu et aussi à tous nos frères ,le service de toute nos forces ,de toute notre âme et de toute notre intelligence.
. (11)Ryckmans P. Une page Coloniale au RU.1921-1948.p.9712) De Heusch ; Le culte Kubandwa dans le Ruanda-Urundi traditionnel(13) Traité de Versailles Art 22(clause 8/1ème conférence interterritoriale sur les Travailleurs migrants, Kampala, Uganda 1939 Rud No 106,14