Bujumbura, le 12 décembre 2015 (Net Press) . C’est vers 4 heures de ce 11 décembre que les populations de Bujumbura ont été réveillées par des bruits d’armes, surtout au Nord et au Sud de la capitale Bujumbura. Quelques heures plus tard, elles ont appris que les camps militaires de Ngagara et l’Iscam (institut supérieur des cadres militaires) avaient été attaqués par des hommes non identifiés mais lourdement armés. En plus de ces camps, il y avait également le camp base, situé lui aussi dans la zone de Musaga, où les assaillants sont entrés, non sans complicité interne, et ont récupéré des armes conservées à cet endroit. Dans Bujumbura rural l’on a appris également l’attaque d’une position militaire au camp de Mujejuru, dans la commune de Mugongomanga
Une attaque de grande envergure
Tout le monde aura reconnu que cette attaque était d’une grande envergure si bien que personne n’a osé quitter la maison. L’on signalera que les crépitements d’armes ainsi que des explosions de bombes ont été entendus toute la journée de ce vendredi, faisant de Bujumbura une ville morte. Que ce soit l’administration, les affaires, les banques et assurances, les marchés, tout était au point mort et certains habitants de Bujumbura, surpris par ces violences armées, se demandaient comment ils vont nourrir les leurs, surtout ceux qui ont des enfants en bas âge. Quant aux forces de l’ordre, elles ont fermé hermétiquement tout accès au centre-ville.
Cette situation de fait de bloquer tous les accès de la capitale a eu un impact sur la vie de tout le pays. En effet, même des véhicules en provenance de l’intérieur du pays ou qui s’y rendent n’ont pas fait le déplacement hier. Les compagnies aériennes qui desservent Bujumbura au quotidien ont commencé à atterrir sur Bujumbura ce samedi 12 décembre 2015.
Une communication plutôt déroutante
A la mi-journée, vers 12h30’, le porte-parole de l’armée, le colonel Gaspard Baratuza, a indiqué, par la voie de la radio nationale, que des camps de Ngagara, l’Iscam et le camp de Mujejuru ont été attaqués par des hommes non identifiés. Il a poursuivi en indiquant que du côté des rebelles, 12 personnes ont trouvé la mort, 21 blessées et que seulement 5 militaires avaient été blessés. En outre, il avait informé qu’au moment où il s’adressait à la population, la situation était maîtrisée. Cela n’a pas convaincu beaucoup de monde pour au moins deux raisons. D’une part, au regard de l’ampleur des affrontements, le nombre de 12 personnes tuées était vraisemblablement loin de la réalité. En outre, au-delà de cette période, les hostilités étaient toujours en cours dans la capitale et cette fois-là, même le centre de la ville avait été contaminé, à savoir les zones de Bwiza et Nyakabiga.
Le même jour, dans la soirée, le porte-parole de l’armée a donné de nouveaux effectifs des morts. Il s’agissait de 87 personnes tuées, dont 4 militaires et 4 policiers. Aujourd’hui, la radio nationale a parlé de 25 cadavres trouvés dans la zone de Nyakabiga et 10 corps sans vie au bord de la rivière Ntahangwa. Cependant, d’autres sources indépendantes donnent un effectif de loin supérieur à celui fourni et par le porte-parole de l’armée et par la radio nationale. L’on signalera également que d’autres corps ont été trouvés dans d’autres zones, comme Ngagara et Musaga notamment.
Ce matin, des véhicules de la police ont entrepris d’évacuer les cadavres des zones précitées et les emmenaient vers des endroits gardés secrets pour les enterrer dans des fosses communes. Pour certains, il s’agissait d’éviter des maladies qui pourraient être causées par ces cadavres au moment où les défenseurs des droits de l’homme, Human rights watch notamment ainsi que les milieux de l’opposition estimaient que c’est une façon d’occulter le pogrom de ce 11 décembre.
Une marche pour la paix et le soutien aux forces de l’ordre
Ce matin, quelques axes de Bujumbura étaient encore une fois bloqués mais l’on pouvait, par plusieurs détours, arriver à destination. Du côté du boulevard de 1er novembre, à l’endroit dit chez Ndadaye, il y avait beaucoup de monde, des cyclistes, des motards et des piétons qui étaient rassemblés à cet endroit. L’on a appris plus tard qu’il s’agissait d’une organisation de la marche pour la paix et de soutien aux forces de l’ordre pour la victoire d’hier. Et parmi les manifestants, il y avait notamment le maire de la ville, le premier vice-président de la République ainsi que d’autres dignitaires du Cndd-Fdd et des partis satellites.
Cette marche a vu des manifestants qui défilaient sous la haute protection des mêmes forces de défense et de sécurité. Certains y ont vu un cynisme de la part de l’Etat qui festoie alors que les cadavres gisent encore dans des quartiers. Les informations en provenance des manifestants ont indiqué qu’encore une fois, une somme d’argent a été promise à ceux qui se joindront à la marche, sans toutefois préciser la teneur ce montant.
Un bilan lourd, à qui la responsabilité ?
Cela est une question à laquelle l’on ne peut pas répondre tout de suite. Mais d’ores et déjà, le fait que le premier vice-président Gaston Sindimwo envoie ses véhicules à Nyakabiga pour évacuer les siens, le fait qu’il y ait des cadavres dans cette même zone et à Jabe alors qu’il n’y a pas de camps militaires attaqués laisse croire qu’il s’agirait des éléments de défense et de sécurité qui pourraient y être pour quelque chose. Cela pourrait également conduire à penser que le pouvoir était au courant de ce qui allait se passer. Et dans ces circonstances, il serait difficile de nier un génocide car les massacres de ce 11 décembre remplissent les conditions d’être appelés ce nom que le monde entier devrait normalement combattre.
La rédaction de l’agence de presse Net Press voudrait informer son aimable lectorat que suite à l’insécurité qui a prévalu dans la capitale hier, elle n’a pas pu produire de dépêches. Elle sollicite compréhension de la part de ses fidèles lecteurs.