Fabien Banciryanino est un ancien député de la coalition « Amizero y’Abarundi ». Il a été élu dans la circonscription de Bubanza, à l’Ouest du pays. Lors de son passage au sein de l’Assemblée Nationale, il ne cessait de dénoncer tout ce qui n’allait pas, tout en applaudissant ce qui va très bien.
Alors que l’Assemblée Nationale se penchait sur la question d’ériger l’ancien président de la République, feu Pierre Nkurunziza, au titre de Guide Suprême du patriotisme, il n’a pas hésité à donner une opinion contraire à celle des autres parlementaires, ce qui lui a valu d’ailleurs, selon une opinion, un emprisonnement d’une année, du mois d’octobre 2020 à Octobre 2021. L’on signalera qu’il est très connu pour son franc-parler.
La rédaction a sollicité une interview auprès de lui et il a spontanément accepté de répondre à nos questions. Il a pris son temps, il était à l’aise devant nos micros et comme on peut s’en douter, il n’a pas hésité de donner son point de vue, aussi bien positif que négatif, sur l’histoire immédiate de notre pays, orientée beaucoup plus sur l’information brûlante.
Il faudrait rappeler ici que l’honorable Fabien Banciryanino vient d’adresser une correspondance au président de la République, Evariste Ndayishimiye, pour le féliciter en ce qui concerne sa diplomatie active. Il mentionne tous ses déplacements dans le monde entier, le réchauffement de sa coopération avec les partenaires tant bilatéraux que multilatéraux, etc.
Il s’exprime également sur d’autres aspects comme la justice car il en a été victime pendant toute une année. Il nourrit d’espoir malgré tout cela car il trouve que le président de la République, Evariste Ndayishimiye, a une ouverture d’esprit et par conséquent, qu’il est favorable à la liberté de la presse, d’expression et d’opinion. A bâton rompu, il a répondu aux questions de la rédaction.
Le Député Fabien Banciryanino au cours d’une séance à l’Assemblée Nationale.
N.P. Honorable, voudriez-vous nous parler brièvement de Fabien Banciryanino ?
F.B. Je suis né le 20 février 1960 sur la colline de Musivya, dans la commune de Bisoro, actuelle commune de Gisozi. J’ai fait mes études primaires à l’école primaire de Gisozi, j’ai poursuivi mes études secondaires au Collège Notre Dame de Gitega, je les ai terminées au Lycée Scheppers de Nyakabiga, en qualité d’enseignant.
J’ai commencé ma carrière au canton scolaire de Bubanza où j’ai migré après mes études. J’ai fait 15 ans dans l’enseignement, c’est-à-dire 5 ans comme enseignant et 10 ans comme directeur d’école primaire. C’est dans cette province que j’ai rencontré mon actuelle épouse, originaire de la commune de Mpanda. De notre union, nous avons eu 7 enfants et nous remercions le Bon Dieu car la cadette se trouve actuellement à l’Université du Burundi.
En 1993, alors que j’avais investi dans l’agriculture, j’ai demandé une mise en disponibilité car j’estimais que la situation sécuritaire n’était pas bonne. J’étais à cheval entre deux activités, celle d’enseignant et celle d’agriculture et de commerce. J’ai fait le choix après avoir rédigé une mise en disponibilité. Je l’ai eu en 1997 mais depuis, je n’ai jamais touché un seul franc comme fonctionnaire. Ce n’est qu’en 2015, quand j’ai intégré l’Assemblée Nationale, que j’ai perçu de nouveau un salaire.
J’ai été élu dans la circonscription de Bubanza en tant que député de l’Uprona, mais de mèche avec la coalition d’Amizero y’Abarundi et ce, sur demande des Badasigana de ma région. Les autres n’ont pas voulu intégrer l’Assemblée Nationale, mais ceux qui m’étaient proches m’ont demandé de faire comprendre au Président de l’Uprona le bien-fondé d’être membre de l’Assemblée Nationale.
Ils ont indiqué que j’avais déjà connu la prison en 2011 et en 2013 et que de toutes les façons, personne ne pouvait m’emprisonner en tant qu’élu du peuple. Je suis allé voir le Président du parti Uprona qui a refusé que je fasse partie de cette Assemblée Nationale. A l’annonce de ce rejet du Président du parti, ils ont pris unilatéralement la résolution de me recommander d’y participer.
Ils m’ont donné une seule condition, celle de rester moi-même, de garder toujours mes positions de franc-parler, même en tant que député. Ils m’ont dit qu’ils me connaissent très bien, que je ne devrais pas changer suite à une bonne rémunération, etc, bref, de rester moi-même J’ai tenu promesse.
Lors de mon intervention, en pleine session de l’Assemblée Nationale qui se penchait sur le statut de Guide Suprême du patriotisme à l’endroit de l’ancien président Pierre Nkurunziza, j’ai donné une opinion contraire, faisant entendre qu’il était quelqu’un qui pourrait être poursuivi par la justice internationale au regard des bavures qui se sont commises pendant ses 15 ans de règne.
Vers la fin de mon mandat, en octobre 2020, j’ai vu des policiers sans mandat débarquer à mon domicile. J’avais convoqué une conférence de presse et je tiens à mentionner que même un journaliste de Net Press était présent. Je tenais à démentir une fausse accusation d’un pseudonyme prénommé Arthur.
J’avais demandé une permission au maire de la ville 4 jours avant l’animation de ma conférence de presse, mais je n’avais pas eu de réponse de sa part. C’est à ce moment que le chef de zone Ngagara a fait irruption chez moi et a indiqué que je n’avais pas l’autorisation d’organiser une conférence de presse.

NP. Quelle a été la suite ?
FB. J’ai été conduit manu militari à la brigade spéciale de recherche, Bsr puis à la prison centrale de Mpimba. L’on m’a accusé de l’infraction liée à mes activités parlementaires. A propos de l’ancien président Pierre Nkurunziza et de sa nomination, l’on m’avait accusé de dénonciation calomnieuse.
Au parquet, l’on a constaté qu’en réalité, il n’y avait pas d’infraction, mais l’on m’accusa d’animation d’une conférence de presse et d’avoir construit dans ma parcelle sans avoir donné des papiers à qui de droit. J’ai comparu le 19 mars de l’année suivante et au terme de la délibération, j’ai été condamné à une année de prison et à payer une amende de 100.000 Fbu.
J’ai essayé de faire recours aux instances judiciaires supérieures, mais mes documents avaient été retenus par l’autorité. J’ai bénéficié tout de même d’un bonus de 12 heures car j’ai été relâché le vendredi 1er octobre car il y avait un weekend, une période fériée alors que je devais être libéré le 2 octobre de la même année.
Je tiens tout de même à remercier l’actuel directeur de la prison centrale de Mpimba, Serges Niragira, qui m’a traité correctement, contrairement à son prédécesseur, qui m’a toujours soumis à des conditions humainement insupportables de mise en quarantaine.
Sinon, j’ai eu de la chance car les infractions qui pesaient sur moi sont condamnées d’une peine de 20 à 30 ans, mais moi, j’ai été condamné à une année seulement. Il y en a d’autres qui meurent en prison.
N.P. Honorable, vous semblez applaudir la diplomatie du chef de l’Etat, que vous qualifiez d’active. Auriez-vous changé de position car au départ vous étiez un opposant ?
F.B. Non, je n’ai pas changé du tout, car j’ai toujours été un député indépendant. J’applaudis ce qui va très bien et je dénonce ce qui ne va pas du tout. Alors, l’ancien président, feu Pierre Nkurunziza, a passé 4 ans au pouvoir sans aller nulle part. L’autre, en une année et demie de pouvoir, il vient de visiter pratiquement tous les pays du monde. C’est tout de même louable.
N.P. Honorable, vous avez dit que vous étiez un commerçant. Qu’est-ce qui vous a motivé de vous lancer en politique ?
F.B. J’ai été toujours en politique dès mon jeune âge. Nous étions des membres de la J.R.R. (Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore, Ndlr) pour évoluer au sein du parti politique Uprona. Ce n’est qu’en 2015 que je me suis engagé au parlement en tant que membre de la coalition. Et depuis, je suis libre de tout engagement par rapport aux partis politiques.
N.P. Vous parlez de diplomatie active. Et d’autres secteurs comme la justice ?
F.B. Non, la justice a encore des problèmes aujourd’hui même s’il ne faut pas conclure hâtivement. Le chef de l’Etat est un homme engagé et il a déjà chassé deux ministres de la justice. Il vient de désigner l’actuelle qui a été vice-présidente de la cour suprême. Cela devrait marcher.
Dans mon document du 28/02/2022 que j’ai envoyé au président de la République, je lui demande d’ailleurs de placer, au niveau de la justice, des hommes aussi engagés que lui.
N.P. Il se peut que le président tâtonne dans ses prises de position ? Allusion faite à l’ancien directeur général de l’Otraco.
FB. Il ne recommencera plus une telle erreur car cet homme a encore une fois abusé et le président doit en avoir pris bonne note.
N.P. Que dire de l’interdiction des engins roulants à accéder au centre-ville de Bujumbura ?
F.B. C’est une violation des droits humains car il n’y a pas de résultats palpables. Une telle interdiction, économiquement, c’est une fuite en avant. En effet, ces motos, vélos et tricycles font nourrir plus de 100.000 personnes. Dans ces conditions, comment vont vivre les plantons, voire les fonctionnaires qui rentraient à vélos et qui perçoivent des salaires de misère ?
Par ailleurs, les prix des produits de première nécessité seront revus à la hausse car des vendeurs qui s’approvisionnent dans des marchés périphériques, notamment Chez Sion et à Ngagara, le faisaient grâce à ces engins roulants.
Les mêmes fonctionnaires et plantons seront obligés d’allonger les files d’attente au niveau des arrêts bus qui commencent vers 14 heures.
De leur côté, ces jeunes taximen ont encore de la force pour travailler. Qu’est-ce qu’ils vont faire ? Il devrait y avoir une commission mixte bien établie des experts pour voir tous les contours de cette question afin de contrecarrer cette mesure à court terme.
Propos recueillis par Norbert Rucabihari et Jean-Claude Kavumbagu